Par Pierre Boisguilbert, journaliste spécialiste des médias et chroniqueur de politique étrangère ♦ Macron est le président des bobos. Le président des riches et des privilégiés.
La preuve en a été apportée hier une nouvelle fois à Roland-Garros.
Le stade Chatrier a retenti des premiers « Macron président » de la campagne, accompagnés de « merci Macron » et parfois même du plus complice « merci Manu ».
On se comprend entre nous non ?
L’accord présidentiel
« On partira pas, on partira pas » chantaient, peu avant la délivrance, les 5 000 spectateurs de la demi-finale entre Novak Djokovic et Rafael Nadal.
Juste après le gain du troisième set la bonne nouvelle a été annoncée au micro : « Madame, Monsieur, en accord avec les autorités nationales, le match ira à son terme en votre présence. »
Le speaker a dû s’y reprendre à deux fois pour bien se faire comprendre, et ensuite, ce fut dans les tribunes pendant les trois minutes suivantes, des chants, des danses, une Marseillaise et puis des « merci Manu ! »
On sait en effet que le président de la République en personne a donné son accord aux organisateurs du tournoi pour cette entorse aux règles sanitaires. Pourtant, il faisait du touche-touche avec Biden en Cornouailles, mais rien de ce qui concerne son pays à lui ne le laisse indifférent.
« Je voudrais remercier l’Élysée et Matignon de nous permettre d’aller au bout de ce suspense incroyable, de ce match de légende » a déclaré dans la foulée Gilles Moretton, le président de la Fédération française de tennis, au micro de France Télévisions. Cela ne sera sans doute pas décompté du temps de parole du président et pourtant cela devrait l’être.
Lacrymogène aux Invalides
Et en même temps, comme le dit le président, aux Invalides, quelques centaines de jeunes faisant la fête sans respecter le couvre feu ni les règles sanitaires étaient dispersés au gaz lacrymogène par la police qui a tout de même autre chose à faire.
Selon des images diffusées sur les réseaux sociaux, des groupes de jeunes en liesse avaient envahi l’esplanade, dansant, criant, la plupart sans masque et sans remercier, les ingrats, Macron.
Alma et Emma, âgées de 19 et 18 ans, venues de Colombes (Hauts-de-Seine), étaient de leur côté venues « traîner aux Invalides » dans le VIIe arrondissement de Paris, parce qu’à cette période de l’année, « c’est souvent la même chose ». « On a vu qu’il y avait de l’ambiance. Au final, ça n’a pas duré longtemps, à 23h, ils nous ont dispersés, direct. On a réussi à ne pas se faire ‘gazer’ mais on a vu des gens pris dans des nuages de lacrymos », a relaté à l’AFP Alma.
Deux pays
Elles auraient mieux fait d’aller à Roland-Garros car là-bas, pas de couvre-feu, pas d’évacuations et pas de gaz lacrymogène.
La France de Macron est celle des privilégiés de Roland-Garros, mais aussi de tous ceux qui veulent le devenir et ça fait du monde. Sa décision montre que le couvre-feu ne sert finalement à rien sauf à emmerder le peuple vulgaire et devrait être ce que le diner du Fouquet’s a été pour Sarkozy : un marqueur indélébile et destructeur.
Il n’en sera sans doute rien.
On voit bien monter dans le pays la stratégie du « Merci manu ». Le voilà l’homme jeune et moderne qui a vaincu la pandémie et a délivré les français comme De Gaulle de l’enfermement de l’ennemi. Il a gagné la guerre. Il est le seul à pouvoir, après avoir vaincu le virus, exorciser les forces sataniques qui veulent infester la république et la démocratie.
Macron président, Roland-Garros a voté. Il est en train de renverser la tendance, aidé par la gifle. Dans ce set du tournoi présidentiel, Macron a peut-être gagné un tie-break alors que sa balle aurait dû mourir dans le filet. Le match est plus facile quand on est toujours au service, sauf bien sur à cumuler les fautes comme celle de Roland-Garros… à condition que le public s’en rende compte et siffle. Tous ne sont pas à Roland-Garros, Macron aurait peut-être dû y penser…
Pierre Boisguilbert
17/06/2021
Source : Correspondance Polémia