Par Pierre Boisguilbert ♦ Emmanuel Macron fait tout pour éviter que le bourbier malien ne fasse la Une de l’actu française et se verrait bien se présenter en sauveur de la paix en Ukraine pour faire diversion.
Le président, pas encore candidat, veut se présenter comme un sauveur, presque comme un homme providentiel. Il va communiquer sur la sortie de la pandémie. Il est le libérateur des français. Il va affirmer avoir bien géré la pandémie et avoir fait de la France un pays modèle.
Ses communicants sont persuadés que cette image relayée par des médias complaisants sera très favorable au candidat. Ce n’est hélas pas impossible, dans un pays ou la vérité a peu de poids face à la réalité virtuelle imposée. Et si, après avoir sauvé la France et un peu le monde de la maladie, il sauvait en plus la planète de la guerre, qui pourrait encore rivaliser avec lui ?
C’est tout le sens de son déplacement en Russie et en Ukraine. Il y va en président français représentant l’Europe, bien sûr. Il y va tout de même après un autre médiateur : Erdogan. Mais qui en parle ? Il est certain qu’il est moins risqué pour le président Français de se rendre à Kiev et même à Moscou plutôt qu’a Bamako. Car voila ce qui terrorise ses directeurs de campagne. Une image d’un président étant obligée d’organiser un retrait risqué du Mali en pleine élection. Le Mali ne sera pas l’Afghanistan français et tout est prêt pour un repli au Niger, mais tout de même ! Au Mali, le sauveur est obligé de se sauver.
Les propos choc de Bernard Lugan sur l’aide française au Mali
9 ans après le début de l’opération Barkhane, la France est détestée et a laissé une fois de plus en vain « nos os blanchis sur les pistes du désert ». Un échec qui marque un recul de notre influence au profit des Russes et des Chinois.
Pris entre la contagion putschiste, la menace islamiste et l’hostilité à sa diplomatie militaire, le gouvernement français a conçu une stratégie de sortie qui est aujourd’hui caduque.
Les colonels de la junte malienne, après avoir exigé le départ des forces spéciales danoises de l’opération Takuba, ont expulsé ce lundi 31 janvier 2022, l’ambassadeur de France. La rupture avec Paris prend une tournure radicale.
À Bamako, les autorités de transition mettent en avant leur nouvel allié, la Russie. L’humiliation de la France est indiscutable. Au Mali et au Burkina Faso, le pourrissement de la situation sécuritaire a délégitimé les régimes d’Ibrahim Boubacar Keïta (récemment décédé, il avait été renversé en août 2020) et de Roch Marc Christian Kaboré (qui vient d’être renversé à son tour). Incapables de faire face à la poussée des groupes armés et à la multiplication des massacres, malgré leurs appuis étrangers, ces régimes sont devenus impopulaires. Leur chute rend la politique française intenable.
Après l’expulsion par Bamako de l’ambassadeur français, Valérie Pécresse invitée de CNews s’indignait mercredi 2 février 2022 : « Je ne comprends pas. Qu’est-ce que l’ambassadeur du Mali fait encore en France ? »
Lundi 31 janvier, Marine Le Pen, également invitée de Laurence Ferrari mais sur Europe 1, s’était déjà fendue d’une déclaration similaire. Pour la candidate du Rassemblement national, face à l’expulsion de l’ambassadeur français au Mali, il « ne suffit pas de dire : On prend note, comme le fait le ministre des Affaires étrangères. Je pense qu’il faut immédiatement renvoyer évidemment l’ambassadeur du Mali. »
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Problème : il n’y a plus d’ambassadeur du Mali en France depuis deux ans. En effet, le dernier en date, Toumani Djimé Diallo avait été rappelé par son pays le 27 février 2020 après une déclaration dans laquelle il accusait les légionnaires français présents au Mali d’avoir un comportement déplacé.
Une erreur des deux candidates à la présidentielle que Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, n’a pas manqué de soulever lors de son point presse d’après conseil des ministres. C’est sur que c’est maladroit, mais pas essentiel, car il y a toujours une représentation diplomatique malienne bien sur à Paris. L’essentiel c’est la situation de la France au Mali. Macron veut faire reculer l’armée russe de la frontière de l’Ukraine alors que notre propre armée est remplacée par les mercenaires pro Poutine de Wagner au Mali.
Le sauveur s’est trompé de front par rapport aux intérêts de la France. Il a privilégié le front médiatique de son image présidentielle.
Pierre Boisguilbert
06/02/2022