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L’Union européenne, source de nos problèmes… vraiment ?

L’Union européenne, source de nos problèmes… vraiment ?

par | 13 octobre 2021 | Europe, Politique, Société

L’Union européenne, source de nos problèmes… vraiment ?

Par Paul Derey ♦ L’ancien commissaire européen et deux fois ministre des Affaires étrangères Michel Barnier déclarait jeudi dernier à propos de la politique migratoire à mettre en œuvre : « Nous ne pouvons pas faire tout cela sans avoir retrouvé notre souveraineté juridique, en étant menacés en permanence d’un arrêt ou d’une condamnation de la Cour de justice européenne ou de la Convention des droits de l’homme, ou d’une interprétation de notre propre institution judiciaire1. » Quelle est la place des institutions européennes dans les problèmes que connaît la France ? Sont-elles aussi néfastes que le prétend un certain souverainisme, ou bien leur influence est-elle surestimée par rapport aux juges nationaux ?

 

Nous allons dans un premier temps évoquer la structure de l’Union européenne, ainsi que les modes de désignation des membres de ses diverses institutions, puis évoquer la source des nombreux textes restrictifs des libertés. Nous verrons que ni les atteintes à la liberté d’expression ni l’immigration de peuplement ne sont en premier lieu le fait des institutions européennes, mais celui des gouvernements, parlements et juges français. Enfin, nous conclurons sur le véritable ennemi qu’un candidat patriote – Éric Zemmour ? – devra affronter pour imposer sa politique.

L’Union européenne, bouc émissaire facile

L’UE ne fonctionne pas selon le principe de séparation des pouvoirs, mais de coopération de ceux-ci. Ainsi, la fonction exécutive est partagée entre trois institutions. La première, le Conseil européen, est composée des « chefs d’État ou de gouvernement des États membres, ainsi que de son président et du président de la Commission » (article 15, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, ou TUE). On y retrouve donc Angela Merkel, Emmanuel Macron, Viktor Orbán, etc. ainsi que son président, le Belge Charles Michel. Suit le Conseil de l’Union européenne, souvent appelé « Conseil des ministres de l’UE », ayant des prérogatives législatives et exécutives ; il représente les gouvernements des États membres et est composé « d’un représentant de chaque État membre au niveau ministériel » (article 16, paragraphe 2, TUE). La Commission européenne, elle, bénéficie d’un quasi-monopole de l’initiative législative, et « exerce ses responsabilités en pleine indépendance » (très théorique) des États membres (article 17, paragraphe 3, TUE), bien que les commissaires soient proposés par eux au Conseil européen et approuvés par le Parlement européen. La présidence de la Commission est proposée par le Conseil européen au Parlement européen, et est actuellement occupée par Ursula von der Leyen. Enfin, le Parlement européen partage la compétence législative (élaboration des textes sur initiative de la Commission) et budgétaire avec le Conseil européen (article 14, TUE), et est élu au suffrage universel direct, les modalités d’élection (proportionnelle intégrale ou non, etc.) étant dévolues aux États membres. Il est présidé par l’Italien David Sassoli. La composition de ces quatre institutions est donc extrêmement liée aux États membres.

La construction européenne : histoire, écueils, enjeux et défis

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, prévue à l’article 19 du TUE) « assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application des traités ». Elle est composée de juges et d’avocats généraux, qui sont « nommés d’un commun accord par les gouvernements des États membres ».

Alors, « l’Europe des nations » n’existe pas encore ? Passons sur les autres institutions (Banque centrale européenne, Banque européenne d’investissement, etc.) sans quoi cet article serait interminable.

Mentionnons tout de même une institution issue du Conseil de l’Europe, la très décriée Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), issue des 47 États membres du Conseil de l’Europe, organisation internationale instituée en 1949 par le traité de Londres (à la suite de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU en 1948). Ses arrêts souvent horripilants pour les patriotes sont rendus par 47 juges, un par État membre, élus par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe sur proposition… des États membres, encore et toujours (article 22, ConvEDH). Les arrêts de la CEDH « ne permettent ni d’annuler ni de modifier automatiquement les décisions prises par les juridictions françaises2 », mais doivent être en principe respectés par elles. Cette contrainte est issue de lois nationales, tout comme d’arrêts de cours nationales telle la Cour de cassation en 20113, reconnaissant que les États doivent respecter la jurisprudence de la CEDH « sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ». La Russie, l’Ukraine et la Turquie sont les États les plus condamnés par la CEDH, qui a rendu contre le pays de Vladimir Poutine 198 arrêts en 2019 pour 186 condamnations, et un total de pénalités financières de… seize millions d’euros4, soit environ 0,00007 % du budget fédéral russe. On est loin d’une dictature juridique inextricable. Nous pouvons par ailleurs douter fortement du respect de ces arrêts dans les trois pays en tête du podium des condamnations.

Enfin, notons que les fonctionnaires européens sont issus de concours et d’écoles suivant le modèle national, rien n’empêche des patriotes de s’y présenter afin de constituer un « contre-État profond ». Le Collège d’Europe, à Bruges, joue le rôle d’une sorte d’« ENA européenne », et est largement méconnu des étudiants français, alors même qu’une de ses deux langues officielles est le français… Pourquoi le camp national est-il si rétif à prendre ces places et ce pouvoir, qui sont loin d’être tenus à l’écart ?

L’immigration et les censures idéologiques, des initiatives bien françaises

En France, les lois Pleven, Gayssot, Taubira ou le projet retoqué de loi Avia ne proviennent nullement des institutions européennes, la classe politique française n’a pas besoin d’ordres pour être farouchement politiquement correcte.

Rappelons aussi qu’il s’agit bien de Jacques Chirac qui fit pression pour retirer l’inscription des racines chrétiennes de l’Europe dans le projet de constitution pour l’Europe en 20045, ou encore que rien dans le droit européen n’oblige l’État français à naturaliser des dizaines de milliers d’étrangers par an. La France est ici seule responsable. Le « recul » du droit du sol à Mayotte proposé par le gouvernement Macron en 2018 et validé par le Conseil constitutionnel le prouve : malgré l’ire des militants de la CEDH et des ONG, quand le gouvernement veut et est appuyé par les juges, il peut. En août 2021, Gérald Darmanin proposait d’ailleurs d’accentuer encore plus la dérogation au droit du sol, en augmentant de trois mois à un an6 le délai de présence sur le sol de l’île afin qu’un nouveau-né bénéficie du droit du sol.

Le Frexit : une impasse politique et civilisationnelle

L’UE irréformable ?

Bien que la majorité des décisions néfastes provienne du niveau national, il convient de battre en brèche une idée reçue : l’UE serait irréformable. Si l’article 48 du TUE prévoit deux procédures de révision des traités nécessitant l’unanimité des États membres, il est faux de dire qu’un accord conjoint n’arrive jamais : il y a unanimité des États membres de l’Union européenne concernant des sujets exprimant l’intérêt commun de tous ces États membres. Les Européens partagent, parmi leurs différences qu’il n’est pas question de nier, des intérêts communs de nature à les unir dans une communauté politique.

Les États membres n’ont pas vu d’un mauvais œil l’ajout de compétences et de légitimité démocratique au Parlement européen concernant le traité de Lisbonne en 2007 (à ne pas confondre avec le projet de Constitution pour l’Europe rejeté par les Français en 2005). Aussi, la défense d’intérêts d’une majorité d’États membres est possible sans l’accord de tous, comme le prouve l’instauration de l’espace Schengen « à l’extérieur » de l’UE par cinq États sur douze en 1995.

Derrière la paille des juges européens, l’énorme poutre des juges français

Éric Zemmour l’a compris et devrait continuer dans sa voie : la dénonciation de l’idéologie des juges européens de la CJUE et de la CEDH, mais avant tout celle des « machins » français, Conseil constitutionnel, Cour de cassation, Conseil d’État, Conseil supérieur de l’audiovisuel… les golems du politiquement correct sont bien plus nombreux et puissants au niveau national, il convient de réformer leur pouvoir par une réforme constitutionnelle, afin que « le Parlement et le peuple aient le dernier mot7 ».

Comme illustré, l’UE n’est que le miroir des États membres, il ne tient qu’au peuple français d’y placer ceux qu’il veut y voir ; mais il ne tient qu’à lui aussi de dénoncer les véritables obstacles à une politique patriote en France et en Europe.

Paul Derey
13/10/2021

 

1 « La classe politique divisée après les critiques de Michel Barnier contre la justice européenne », Alexis Feertchak, Le Figaro, 12 septembre 2021.

2 « Quelles sont les conséquences d’un arrêt de la CEDH sur la justice française ? », Vie publique, 7 mai 2021.

3 Cour de cassation – Assemblée plénière, 15 avril 2011, n° 10-17.049, Bull.

4 « La Russie est toujours le pays le plus condamné par la CEDH », Daniel AC Mathieu, Mediapart, 25 juillet 2021.

5 « Quand le président Chirac refusait de mentionner les “racines chrétiennes de l’Europe” », Claire Lesegretain, La Croix, 27 septembre 2019.

6 « Restreindre (encore) le droit du sol à Mayotte, une mesure polémique », Jérôme Rabier, Public Sénat, 31 août 2021.

7 Éric Zemmour chez Pascal Praud, « L’heure des pros », CNews, 13 septembre 2021.

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