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Quelle harmonie possible en 2024 entre la morale, le droit, et la déontologie ?

Quelle harmonie possible en 2024 entre la morale, le droit, et la déontologie ?

par | 13 octobre 2024 | Société

Quelle harmonie possible en 2024 entre la morale, le droit, et la déontologie ?

Le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, présenté le 10 avril 2024 en Conseil des ministres, propose de renforcer les soins palliatifs et d’introduire une aide à mourir. Après de vifs débats, les députés ont adopté l’article 5 de ce texte le 6 juin dernier, avec 88 voix pour et 50 contre, posant les bases de « l’aide à mourir » (mot de novlangue pour « euthanasie » ou suicide assisté) en France. La dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 n’a pas permis aux députés d’achever l’examen du projet de loi en première lecture. Un vote solennel était prévu le 18 juin. Une nouvelle proposition a donc été déposée le 17 septembre pour compléter ces mesures. L’un de nos lecteurs lettrés nous a adressé la réflexion qui suit au cœur de l’été. Bien que nous la mettions en ligne tardivement (qu’il veuille bien nous pardonner !), cela n’enlève rien à sa qualité ni à son actualité.

Quelle harmonie possible en 2024 entre la morale, le droit, et la déontologie ?

Albert Camus écrivait dans L’Homme révolté[1] :

« Il y a des crimes de passion et des crimes de logique. La frontière qui les sépare est incertaine. Mais le Code pénal les distingue, assez commodément, par la préméditation. Nous sommes au temps de la préméditation et du crime parfait. Nos criminels ne sont plus ces enfants désarmés qui invoquaient excuse amour. Ils sont adultes, au contraire, et leur alibi est irréfutable : c’est la philosophie qui peut servir à tout, même à changer les meurtriers en juges. »

Il semblait judicieux, pour clôturer ce magistral quinquennat essentiellement consacré à l’inversion des valeurs, de couronner cette œuvre destructrice par un sujet urgent dont sont épargnés les Tardigrades[2] mais non la population française dans son ensemble, le plus souvent au terme de sa vie, mais pas que…

Par divine surprise, le Destin à l’affut en avait décidé autrement ; le 18 juin le vote ne fut point.

Il faudra tout recommencer, ou pas !

Feu ce législateur majoritairement athée, agnostique, franc-maçon, et égoïste, allait inconsciemment ouvrir une boîte de Pandore, une de plus, on ne résiste pas aux addictions perverses. Après la justification des douleurs intolérables, les revendications extrêmes ne manqueraient pas de s’imposer in futurum.

Il est écrit que les souffrances psychiques, les angoisses existentielles analysées comme apparente volonté, masquent l’aveuglement de l’individu victime d’une dépression passagère[3] suite au malheur ou à la culpabilité, elles seront donc prises en compte pour parachever le crime institutionnel.

Le débat apparaît cependant complexe en étudiant les sources livresques religieuses, historiques, et philosophiques.

Il faut donc revenir aux postulats qui se déclinent en deux phases.

Premier postulat : celui du Suicidé

Par définition, il n’existe plus, mais de quoi s’agit-il ?

« Le meurtre volontaire de soi-même dit Autochéirie chez les Grecs, Suicide chez les Latins, est l’action d un homme, qui par le fer, par le poison, ou de quelque autre manière que ce soit, se prive de la vie avec connaissance de cause et délibération. »[4]

À lire les philosophes, moralistes et théologiens, vous pourrez vous faire une idée personnelle sur les raisons léthifères[5] diverses et variées.

Les causes peuvent être des plus nobles quand il s’agit de l’idéal héroïque, pour sauver son prochain ou sa patrie ; c’est le suicide oblatif[6] de Jésus.

En toute hypothèse, nous pourrions reprendre à notre compte une des conclusions de l’auteur ci-dessus cité :

« Si l’âme est mortelle, ou ne lui fait pas grand tort, si elle est immortelle, on lui rend un très bon service ».

Dans la tradition chrétienne[7], et en toute logique, le suicide doit être considéré comme un échec de la vie et tout doit être fait pour pallier à cette triste réalité.

Second postulat : celui du complice, c’est-à-dire de l’aidant

Il n’y aurait en l’espèce aucune poursuite possible contre l’acteur principal, l’aidant lui échappe-t-il à la Cour d’Assises ? À Pau et dans le Tarn, les magistrats ont eu la lourde responsabilité de décider du sort de médecins. Il est difficile à commenter les arrêts de la Cour en si peu d’espace.

Le questionnement doit plutôt se porter sur l’aide à la survie ou l’aide à mourir dans le devoir du soignant. Le Code Pénal dispose :

« Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »[8]

Ce texte n’est pas en opposition avec le Serment d’Hippocrate, mais il est possible de s’interroger sur l’intégrité corporelle et sa compatibilité avec la théorie du genre et ses dérivés.

Quid donc de l’acte de l’aidant apportée au suicidant par le professionnel ad hoc en face d’une personne en péril, en souffrance, en perdition. Les textes sont là ; pour les médecins, infirmiers, sage-femmes, kinésithérapeutes, ils doivent porter assistance[9] !

L’assistance devrait consister en soins palliatifs il faut bien en convenir, grande cause nationale en 2018 et 2021… Une autre solution semblait s’imposer, plus économique, plus radicale…

Le Président est un homme de parole, il faut bien en convenir, il y avait urgence à proposer une aide à mourir pour le bien du citoyen, évidemment avec une disposition répressive pour celui qui veut s’y opposer, projet oxymorique[10] avec l’article 223-6 du Code Pénal, une sorte de en même temps…

Soyons tous sur nos gardes, qui peut se vanter de n’avoir jamais eu de pensées suicidaires lors d’un vécu dramatique. Ouvrir des possibilités législatives vers cette assistance mortelle, c’est demain voir se presser, implorer, menacer ces pauvres aidants pour en faire des complices malgré eux « d’une guerre contre les populations »[11] trop nombreuses aux yeux d’une soi-disant élite égoïste.

Une question préoccupante demeure, les voix trop faibles pourtant savantes et autorisées des Ordres de Médecins.

Dans cette période troublée, nous devons rester confiants comme Rutilius Claudius Namatianus, gaulois païen répliquant à Saint Augustin ; la décadence irrémédiable peut encore être évitée : « Trouver dans ses malheurs un principe d’accroissement est la loi de la résurrection ».[12]

Alain Chevalier
Juillet 2024

Alain Chevalier est avocat, Docteur en Droit, Docteur en Lettres et Docteur en Philosophie.

Notes

[1] Gallimard 1951, p. 13, exemplaire n° 94.
[2] Animal microscopique quasiment indestructible.
[3] Peut-il y avoir une décision lucide de l’intelligence en toute liberté – mortem sibi consciscere des Latins.
[4] Mélanges philosophiques de Johann Heinrich, Samuel Forney, huguenots français réfugiés en Prusse. Doyen de l’Académie de Berlin, T1 A. Leide, Imp. Elie Luzac, MDCCLIV, p. 187, lire plutôt autophonos.
[5] Cause qui provoque la mort.
[6] Oblatif : qui s’offre à l’autre.
[7] Cf. Saint Augustin – Saint Thomas d’Aquin.
[8] Le Code alourdit les peines pour les mineurs.
[9] Articles R.4127-3, R.4312-7, R.4127-315, R.4321-60 du Code de la Santé Publique.
[10] Oxymorique, en opposition formelle.
[11] Cf. Jean Dominique Michel, « La fabrication du désastre. Qui ? Pourquoi ? Comment ? », p. 258 et s., Résurgence médecine et santé, Marco Pietteur Ed. p. 258 et s.
[12] Maurice Crouzet, Histoire générale des civilisations, PUF 1956, T. III, p. 599.

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