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L’islam, une religion comme les autres ? (2/3)

L’islam, une religion comme les autres ? (2/3)

par | 26 février 2017 | Politique, Société

L’islam, une religion comme les autres ? (2/3)

J. d’Antraigues, ancien élève de l’Ecole Polytechnique ♦

                                                                                                    C-L’islam

1.Il ne s’agit nullement de tout savoir sur cette religion, mais simplement d’essayer de comprendre les mécanismes profanes qu’il met en œuvre, en partant de ses textes fondateurs et de la signification qu’ils sont réputés avoir pour les musulmans.

Il est évidemment fondamental de disposer du Coran, l’attention étant toutefois attiré sur l’absolue nécessité de se procurer une traduction où les sourates sont présentées par ordre chronologique de la révélation faite au Prophète Mahomet (4), et non par ordre de longueur décroissante, comme c’est le cas dans la présentation classique (pour une raison que l’auteur ignore, mais qui ne simplifie assurément pas l’abord de l’islam par le non initié).

Il convient de disposer en outre d’ouvrages qui donnent une vue d’ensemble des textes fondateurs de l’islam (lesquels ne se limitent pas au Coran), en fournissant de plus, ce qui est fondamental, car cela permet d’en vérifier le cas échéant la pertinence, des références précises à ces textes.
On peut citer les deux ouvrages suivants (évidemment, il y en a certainement bien d’autres) : Le Jihâd – Les textes fondateurs de l’islam face à la modernité , de Johan Bourlard (5), qui resitue ces textes dans le contexte de la genèse de l’islam (ce qui, on le verra, est absolument essentiel), et L’islam, sacrée violence :Textes fondateurs, de Malek Sibali (6).

Le blog de Sami Aldeeb, spécialiste du droit arabe et musulman, dont l’érudition est immense, est une mine d’informations (15)

On lira toujours avec intérêt les ouvrages écrits par des musulmans apostats qui expliquent, avec une argumentation souvent très affinée et très documentée, pourquoi, après avoir longuement étudié la question, ils ont abandonné leur religion (19).

Ce qui précède est en général nettement à charge. A décharge, on ne manquera pas de consulter les innombrables présentations de l’islam que l’on trouve un peu partout (en particulier dans les bibliothèques municipales), ainsi que des sites musulmans : pour voir quelles sont leurs démarches de pensée (qui sont tout de même assez différentes de celles auxquelles on est accoutumé), comment ils présentent l’actualité, tel ou tel point de doctrine, tel ou tel verset du Coran, etc…

 2. La genèse de l’islam

La connaître est essentiel à la compréhension de l’islam. Il y a au demeurant unanimité chez les musulmans eux-mêmes pour affirmer que le Coran ne saurait être exploité sans avoir été resitué dans le contexte de sa révélation.

Ce qui nous importe ici, ce n’est pas la connaissance de ce qui s’est réellement passé, mais celle de la présentation qui en a été faite dans les textes qui, pour les musulmans, relatent la vie du Prophète Mahomet.

▪ La révélation lui fut faite en 610 après Jésus Christ, alors qu’il était âgé d’une quarantaine d’années. Il était alors marié à Khatidja, riche veuve de la Mecque issue d’une famille chrétienne, au service de laquelle il était entré, et qui l’avait par la suite épousé.

De 610 à sa mort, en 632, il se retirait fréquemment dans des lieux isolés où lui était dictée mot à mot la parole d’Allah descendue du ciel par l’intermédiaire de l’ange Gabriel : les « versets » du Coran, qui furent par la suite, regroupés en chapitres (les « sourates »).

La révélation comporte deux phases bien distinctes :

– a) la période dite « mecquoise » (610 – septembre 622), dans laquelle Mahomet était simplement un prédicateur sans aucun pouvoir temporel.

Le Coran y reconnait l’existence des prophètes de l’Ancien Testament, ainsi que de Jésus, qui n’a en l’occurrence qu’un statut de simple prophète. Mais il ne s’agissait que de préparer la venue du Prophète Mahomet, et leurs messages ne pouvaient avoir qu’une portée limitée dans l’espace et dans le temps, tandis que celui du Prophète était destiné à la Terre entière, et cela jusqu’à la fin des temps. Ce message transmis, il n’y avait plus qu’un seul Dieu à prendre en compte, celui du Coran, et la loi divine édictée par le Coran devenait sur Terre la seule légitime.

A l’issue de cette période, en proie à l’hostilité d’un certain nombre d’habitants de La Mecque, et ayant de plus perdu son épouse et protectrice Khatidja, Mahomet quitta cette ville, avec quelques fidèles, pour l’oasis de Yathrib (la future Médine), où il s’était assuré qu’il y disposerait d’appuis.

Les versets de cette période ne préconisent que des comportements individuels sans aucun contenu politique (être vertueux, respecter certains rites…), et par ailleurs les seules sanctions et récompenses pour ces comportements se situent uniquement dans l’au-delà.

– (b) la période dite « médinoise » (622 – 632), qui vit Mahomet devenir en outre chef politique et chef de guerre, et dont le début marque donc la naissance de l’islam en tant que force politique.

C’est le début de cette période, «  l’Hégire » (le départ de Mahomet pour Yathrib, que l’on situe en septembre 622), qui a été retenu comme étant le point de départ du calendrier musulman (le calendrier hégirien, qui régit toujours la vie religieuse, et souvent aussi le calendrier civil, de pays musulmans).

Dans le calendrier musulman, l’an 1 est donc le début de l’islam politique.

La péninsule arabique était alors une région extrêmement pauvre, sans état constitué, et sans entité politique véritable au-dessus de la tribu. Les tribus se disputaient les oasis, et de temps à autre se combattaient (la « razzia »). Les vainqueurs en retiraient du butin, ainsi que des esclaves.

Au plan religieux il y avait des tribus animistes, des tribus juives, ainsi que des tribus chrétiennes.

A peine arrivé à Yatrib, Mahomet devint l’arbitre des conflits opposant les deux principales tribus. Très rapidement, grâce en particulier à une charte définissant sein de l’oasis la place de ses différents occupants, il fit de Yatrib un embryon d’Etat, dont il devint l’homme fort.

Cette démarche, qui au départ n’avait rien de religieux (il y avait alors très peu de convertis à l’islam), devint très rapidement, du fait de la descente de versets du Coran indiquant pas à pas à l’Envoyé d’Allah ce qu’il convenait de faire, une démarche à caractère religieux.

Les lois régissant la cité-état devinrent ainsi des lois divines. L’objectif essentiel de la défense et de l’extension de cette cité-état ne fut plus des considérations d’intérêt matériel ou d’ambition politique, mais la défense et de l’extension du champ d’application de la loi divine. Selon son comportement politique et militaire le croyant était récompensé (ou puni) à la fois sur cette terre et dans l’au-delà.

Les juifs de Médine se montraient particulièrement peu disposés à abandonner leur religion (cf (5)). Deux versets du Coran (87/2 :75 et  87/2 :79: voir encadré en rouge en ce qui concerne la numérotation des versets) indiquèrent qu’ils avaient sciemment falsifié le passage des Ecritures annonçant la venue du Prophète.

Numérotation des versets  : « 75 » est le numéro du verset dans la sourate ; « 87» est le numéro de la sourate dans le classement par ordre chronologique selon l’Azhar; « 2 » est le numéro de la sourate dans le classement habituel, qui est effectué par ordre de longueur décroissante Il se trouve que ce dernier classement met presque systématiquement en tête les sourates médinoises, qui sont les dernières dans l’ordre chronologique , les sourates mecquoises, qui ne se situent pas dans le domaine du temporel, et sont donc totalement pacifiques, se retrouvant à la fin du Coran. Cette double numérotation est celle présentée dans la traduction du Coran citée en (4).

Un autre verset (90/33 :26) justifie l’élimination, par le massacre ou la captivité, des juifs refusant la loi divine.

Une distinction fut faite entre croyants et incroyants : c’est ainsi que naquit l’Oumma (la communauté des croyants).

Une fois sa domination sur les tribus médinoises établie, Mahomet, qui disposait désormais d’une nette supériorité vis-à-vis d’une tribu restée isolée, entreprit d’étendre le champ d’application de la loi divine. L’extension de l’islam, par la conquête militaire (Mahomet aurait organisé pas moins de 65 campagnes militaires en 10 ans : cf (5)), ou simplement par l’intimidation, fut alors foudroyante.

Cette conquête se présenta d’abord comme une légitime défense de la loi divine chaque fois qu’elle était menacée, ce que justifia en particulier le verset 87/2 :217 autorisant la violation du « mois sans guerre » (pour éviter que les razzias ne débouchent sur d’interminables vendettas, elles étaient codifiées, et l’existence d’un mois sans guerre était un élément de cette codification).

Elle devint par la suite explicitement offensive.

De nombreux versets appellent à poursuivre le combat tant que la loi divine ne sera pas universellement reconnue (par exemple le verset 88/8 :39).

L’assistance d’Allah est promise à ceux qui combattent pour sa cause (par exemple les versets 88/8 :12 et 89/3 :123).

En tant que rétribution le butin est promis aux croyants (versets 111/48 : 18-20).

S’ils meurent au combat, le paradis leur est promis (par exemple versets 89/3 :169-171). Ceux qui restent en vie ont droit à 4/5 du butin qu’ils ont pu faire (le verset 88/8 :41 en régit le partage).

La conversion de force fut institutionnalisée, une exception ayant toutefois été introduite pour les « gens du Livre », autrement dit les chrétiens et les juifs : ils pouvaient garder leur religion, moyennant le paiement d’un impôt particulier, et au prix d’un statut inférieur (verset 113/9 :29). Quant aux autres, ils avaient simplement le choix entre la conversion ou la mort.

La Mecque fut prise en 630, et à la mort de Mahomet, en 632, l’Oumma régnait sans partage sur la totalité de la péninsule arabique.

Au cours de ces dix années, Mahomet se trouva amené à devoir gouverner et administrer un territoire considérable. Au fur et à mesure des besoins lui furent révélés tous les versets du Coran de type code civil et code pénal (relations entre hommes et femmes, règle d’héritage, définition et sanction des crimes et délits etc…).

• Il se posa à la mort de Mahomet, qui n’avait pas organisé sa succession, le problème de la désignation du « calife » (le « successeur ») c’est-à-dire de celui des croyants qui recevrait la mission de diriger l’Oumma, laquelle devait rester unie, et de faire appliquer au plan temporel la loi divine léguée par le Prophète. Il y eut dès le début opposition entre ceux qui estimaient qu’il n’y avait aucune obligation que le calife soit choisi parmi les membres de la famille de Mahomet, et ceux qui avaient la position contraire, leur candidat étant son gendre, Ali.

Les 3 premiers califes (Abu Bakr, Omar et Uthman) furent choisis en dehors de la famille du Prophète. Le quatrième, en 657, fut Ali, et c’est à son assassinat, en 661, qu’éclata l’Oumma, avec la séparation de la branche sunnite et de la branche chiite.

La branche sunnite débuta en fait dès la mort de Mahomet, Ali n’ayant été qu’une parenthèse dans la lignée des califes. C’est cette branche qui poursuivit l’extension de l’islam, conquérant en l’espace d’un siècle un immense empire qui, en 732, date où en France il fut arrêté à Poitiers, s’étendait, de la Loire à l’Indus.

C’est le nom du premier calife, Abu Bakr, qui a été repris par le calife actuel de l’Etat islamique du Levant.

3. On peut se limiter ici à l’islam sunnite, qui est le seul à nous concerner réellement

Les conquêtes de l’islam ont été pour l’essentiel des conquêtes de l’islam sunnite, et l’immigration musulmane dans le monde occidental est presque uniquement sunnite.

Comme on vient de le voir, c’est de l’islam sunnite qu’est né l’empire des califes, c’est l’islam sunnite qui a été adopté par l’empire turc, connaissant ainsi une deuxième vague d’extension, c’est l’islam sunnite qui est allé jusqu’en Extrême Orient, et c’est enfin l’islam sunnite qui, par le vecteur d’une immigration massive à partir de pays essentiellement sunnites et d’un considérable différentiel de natalité, est en pleine expansion dans le monde occidental.

Aujourd’hui 90% des musulmans sont sunnites.

On ne traitera donc que de l’islam sunnite qui, du moins du point de vue où se place la présente étude, est le seul qui nous concerne en première approximation. Au demeurant presque tout ce qui est dit un peu partout à propos de l’islam, sans autre précision, ne concerne en fait que cette branche de l’islam.

Contrairement à ce que pourrait laisser penser l’extrême diversité de ses manifestations, il s’agit bien d’une religion unique, dont on va voir qu’elle est totalement définie par des textes fondateurs de nature divine établis pour l’éternité, mais qui permettent une infinie plasticité dans leur mise en œuvre.

La branche chiite, en ce qui la concerne, a elle-même éclaté en de multiples branches, qui sont, elles, devenues autant de religions différentes.

4. Les textes fondateurs de l’islam sunnite (voir par exemple (5))

▪ Il y a tout d’abord le Coran, dont on a vu qu’il était la loi divine dictée mot à mot au Prophète Mahomet.

Œuvre incréée, immuable, inimitable et parfaite, il constitue la base intangible de la loi divine (la « loi islamique »,ou « charia »), qui régit la vie du croyant dans toutes ses composantes, aussi bien publiques et professionnelles que privées et familiales. Il comporte un peu plus de 6200 versets répartis en 114 sourates. Le Coran fut figé une vingtaine d’années après la mort de Mahomet par le calife Uthman, qui en fit détruire toutes les autres versions.

– L’établissement de cette « loi islamique » s’appuie sur une seconde source, la « Sunna », qui se compose de récits, les « hadiths », exposant les paroles et les actions de Mahomet. Un hadith comprend le récit proprement dit et l’indication de la chaîne des garants de son authenticité.

Pour l’islam sunnite, la Sunna a une valeur presque égale à celle du Coran. Il s’appuie pour cela, en particulier, sur les nombreux versets coraniques, tous médinois, qui commandent aux musulmans d’obéir conjointement à Allah et au Prophète, voire au Prophète seul.

L’utilisation de la Sunna comme source complémentaire d’élaboration de la  loi islamique  s’est rapidement révélée indispensable, le Coran ne pouvant fournir toutes les réponses aux questions posées par le gouvernement d’immenses territoires, et l’objectif d’en conquérir de nouveaux. Contrairement au Coran qui, on l’a vu, fut figé assez rapidement, la Sunna ne fut compilée que 2 siècles après la mort de Mahomet. Six recueils de hadiths, tous écrits au 9e siècle, font autorité dans le monde sunnite, les plus souvent cités étant ceux de Bukhari (810-870) et de Muslim (817-875).

Le volume de la Sunna est considérable : à titre d’exemple le seul recueil de Bukhari comporte environ 7300 hadiths.

– L’islam sunnite s’appuie aussi, bien qu’à un degré nettement moindre, sur la biographie de Mahomet, la « Sîra ». Cette biographie est toutefois précieuse en ce qu’elle contribue à situer dans la vie du Prophète la révélation des versets coraniques, et donc à les replacer dans leur contexte.

– Au sein de l’islam sunnite, il ne semble pas qu’il y ait aujourd’hui de divergences significatives sur le contenu du Coran et de la Sunna, la plus haute autorité sur ce point étant l’université Al Azhar du Caire.

Autant l’existence du Coran est bien connue des occidentaux, autant les hadiths, dont le rôle est pourtant essentiel, sont méconnus, voire dissimulés. De plus les traductions en langues occidentales sont rares, anciennes et difficiles d’accès.

En ce qui concerne la Sîra, il semble que la biographie écrite par Ibn Hichâm, par une compilation de textes de Ibn ‘Ishâq aujourd’hui perdus, dont il existe des traductions en français (13), soit considérée comme faisant référence. Notons que les traductions « abrégées » à l’usage du grand public occidental que l’on peut trouver, qui sont des hagiographies très édulcorées, n’ont évidemment aucune valeur dans l’élaboration de la loi islamique.

Les « contradictions » du Coran.

Le Coran comporte de nombreuses contradictions, dont il est apparu qu’elles étaient liées aux circonstances dans lesquelles avaient été révélés les versets concernés. Ainsi, en ce qui concerne la guerre sainte, certains versets incitent à la patience et à la lutte défensive, et d’autres à la guerre ouverte contre tous les mécréants.

Des exégètes du Coran ont ainsi développé la théorie de l’abrogation, selon laquelle, en cas de contradiction entre deux versets, le plus récent abroge le plus ancien. Cette théorie trouve sa source dans certains versets du Coran lui-même, qui indiquent explicitement qu’Allah peut remplacer un verset par un autre.

Compte tenu de la chronologie, il résulte de cette théorie que ce sont les versets guerriers qui abrogent les versets pacifiques.

Considérons ainsi le verset « de l’épée » (113/9 :5), peu amène vis-à-vis des chrétiens :

« Une fois écoulés les mois interdits, tuez les associateurs (ndlr : il s’agit des chrétiens) où que vous les trouviez. Prenez les, assiégez les et restez assis aux aguets contre eux. Si ensuite ils sont revenus, ont élevé la prière et donné l’aumône épuratrice, alors dégagez leur voie. Dieu est pardonneur et très miséricordieux ».

Il abrogerait à lui seul plus de 100 versets (cf (5)), dont en particulier le verset tolérant mecquois 18/109 :6 , qui est souvent cité :
« A vous votre religion, et à moi ma religion »

La théorie de l’abrogation n’est donc pas particulièrement rassurante pour les non musulmans.

Toutefois, très malaisément compatible avec le caractère incréé du Coran, elle ne fait pas l’unanimité.
Mais, s’il n’y pas abrogation, cela signifie qu’un verset donné peut ne pas être à appliquer en toutes circonstances, mais uniquement si l’on se retrouve dans le contexte de sa révélation, tel qu’il se dégage des hadiths et de la biographie du Prophète Mahomet (lequel, rappelons le, est un modèle pour tout musulman). Ce qui reste valable en toutes circonstances, ce sont les enseignements tactiques qui se dégagent du fait que Mahomet a eu tel comportement dans telle circonstance, et tel comportement dans une autre.
Dans l’exemple cité, qui concerne les chrétiens, il est clair que ce n’est pas plus rassurant que la théorie de l’abrogation.

Notons en outre, toujours en ce qui les concerne, le verset 113/9 : 29 déjà évoqué plus haut, qui fixe le statut des juifs et des chrétiens dans les territoires conquis par l’islam (le statut de « dhimmis »)

« Combattez ceux qui ne croient ni en Dieu ni au jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et son envoyé ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux auxquels le livre fut donné (ndlr : les chrétiens et les juifs), jusqu’à ce qu’ils donnent le tribut par leurs mains, en état d’humiliation ».

Plus amène que le verset de l’épée, il correspond à la situation qui fut pendant des siècles, en régime établi une fois assise la conquête musulmane, celle des chrétiens et des juifs dans l’empire des califes, puis dans l’empire ottoman.

▪ L’islam sunnite est défini par ces textes fondateurs, et par rien d’autre.

– La profession de foi de celui qui se convertit à l’islam (le « 1er pilier de l’islam ») est extrêmement simple :
« J’atteste qu’il n’y a pas de divinité en dehors d’Allah, et que Muhammad est l’envoyé de Dieu »
Ce faisant le converti reconnaît la valeur divine du Coran et de la Sunna, et la valeur d’exemple du Prophète Mahomet. Même s’il ne le réalise pas forcément alors, il s’engage à respecter tout ce qui en découle, qui couvre en fait toutes les composantes de son existence.
Mais c’est tout : il ne s’engage à rien d’autre que ce qui découle strictement de ces textes fondateurs.

Qui a légitimité pour faire appliquer sur Terre la loi islamique déduite des textes fondateurs, ainsi que pour en préciser le contenu dans le contexte du moment ? Ces textes fondateurs n’en disent rien de bien précis. En particulier l’islam sunnite ignore totalement la notion de clergé.

Telle est la situation depuis la fin du premier millénaire. Les autorités politico-religieuses d’alors (rappelons que, dans l’islam, politique et religion se confondent) décidèrent que le Coran et la Sunna, qui avaient fait la preuve de leur efficacité dans la conquête et le gouvernement d’un empire immense, devaient rester pour l’éternité la source unique et intangible de la loi islamique.

5. Que résulte-t-il de ces textes fondateurs ?

5-1 L’objectif: la conquête du monde par l’islam, le croyant devant être acteur de cette conquête, ce dont il est récompensé, dès sa vie terrestre, par un statut supérieur à celui du reste de l’humanité.

– Il ressort des textes fondateurs que la loi divine doit s’appliquer à toute l’humanité. L’islam sunnite des califes a d’ailleurs codifié l’organisation de cette conquête, avec la distinction bien connue entre « le Dar al-Islam » (le pays de l’islam) et le « Dar al-Harb » (le pays de la guerre). Comme on l’a vu, l’an 1 de l’islam dans le calendrier musulman, c’est l’an 1 de l’islam politique. Ce n’est évidemment pas un hasard si par exemple, en France, pour les mosquées, l’appellation la plus répandue est « El fath » (la conquête).

– Dans cette logique tout croyant doit participer à cette conquête, avec les moyens dont il dispose et dans la mesure de ses possibilités – mais il est impératif qu’il le fasse à chaque fois qu’il le peut, sauf à risquer d’être considéré comme un apostat. Bien entendu cette conquête peut aussi utiliser des moyens totalement pacifiques: par exemple, pour les femmes, faire des enfants. En corollaire, l’islam sunnite ne connaît pas, au contraire de la plupart des autres religions, la notion de « religieux », dans laquelle c’est uniquement une très petite minorité des croyants qui dédie son existence à sa religion.

– Le croyant en est récompensé, sur cette terre, par un statut privilégié, et, dans l’autre monde, par une place au paradis. Notons qu’il ne s’agit pas uniquement du paradis des âmes, comme dans le christianisme, mais aussi du paradis des corps. De nombreux versets du Coran (ainsi d’ailleurs que nombre de sites musulmans) sont extrêmement clairs là-dessus.

Mosquée al qarawiyin fes - Maroc

Mosquée sunnite al qarawiyin fes – Maroc

Comme on l’a vu, il est extrêmement facile de se convertir à l’islam. De plus tout homme naît musulman, et ce n’est que par une entorse à la loi divine que son entourage en fait éventuellement un mécréant. Il n’y a donc pas l’équivalent du sacrement de baptême (lequel, dans la religion catholique, doit de plus être confirmé par le sacrement de confirmation une fois atteint l’âge de raison). Dans une communauté musulmane on est donc automatiquement musulman à la naissance, avec tous les avantages (mais aussi les obligations) qui en résultent.

– L’apostasie est un crime punissable de mort
Cela ne résulte pas explicitement du Coran, mais est précisé sans ambiguïté dans des hadiths (cf 5, p122). Au demeurant, aujourd’hui, le code pénal d’un certain nombre de pays musulmans prévoit explicitement la peine de mort pour l’apostasie.
Même si l’apostat échappe à la mort physique, il est civilement mort : ses biens sont confisqués, il ne peut hériter, son mariage est dissous, etc…

Une lutte impitoyable contre l’apostasie est, depuis le début de l’islam (car très rapidement il y eut à faire face à des vagues d’abandon de l’islam par des convertis), un pilier de ce dernier. On lira l’analyse de Sami Aldeeb « Le délit d’apostasie aujourd’hui et ses conséquences en droit arabe et musulman » (cf (17)).

– Est apostat non seulement celui qui se déclare ouvertement comme tel, ou celui qui met en doute ouvertement le Coran, mais aussi celui dont le comportement permet d’affirmer qu’il a renié sa religion. Tel peut être le cas si, sans justification estimée valable, il ne respecte pas les obligations visibles de l’islam- lesquelles sont nombreuses, et particulièrement exigeantes. Pour une femme, ne pas élever ses enfants dans l’islam peut témoigner du fait qu’elle a perdu la foi.

Il s’y trouve en particulier 4 des 5 piliers de l’islam (le premier étant, comme on l’a vu plus haut, la profession de foi) : les cinq prières quotidiennes, la « zakat », ou « aumône aux pauvres » (dont Sami Aldeeb a montré le caractère très élastique que pouvait revêtir sa définition : il s’agit en fait de l’impôt musulman : voir (16)), le jeûne du ramadan, et le pèlerinage à la Mecque.
En ce qui concerne les 5 prières (leur caractère obligatoire, mais aussi leur contenu, car la prière dans l’islam n’a strictement rien à voir avec la prière dans la religion chrétienne : il s’agit d’un acte d’allégeance à Allah et de rejet d’autres religions)  on pourra lire l’analyse de Sami Aldeeb (20)).

5-2 L’islam, extraordinaire enjeu de pouvoir, mais aussi extraordinaire facteur de division et de violence.

– Le rôle dévolu au pouvoir politique dans l’islam sunnite est très simplement défini: faire appliquer la loi divine en fonction des circonstances du moment. Comme on l’a vu, cette loi divine couvre absolument tout. Elle définit non seulement comment le croyant doit se comporter, mais aussi les sanctions terrestres qui lui sont infligées s’il ne le fait pas. Des sanctions qui ont été en outre définies à une époque où les mœurs étaient particulièrement féroces.
Mais comment répondre à la question : que faire sur tel point particulier dans telle circonstance particulière?
Il résulte de ce qui précède que, dans le cas le plus général, cela passe à la fois par une exégèse des textes fondateurs, lesquels sont particulièrement volumineux, complexes et difficiles d’accès, tout cela à la lumière des circonstances de la vie de Mahomet qui se rapprochent le plus du contexte du moment.

On conçoit que cela puisse laisser une certaine marge d’appréciation, et que, en pratique, qui a légitimité pour faire appliquer la loi divine dispose d’un pouvoir temporel particulièrement absolu.

Et, comme on l’a vu, à peu près n’importe qui peut revendiquer cette légitimité (et éventuellement chercher à l’imposer par la force).

D’où les extraordinaires enjeux de pouvoir attachés à l’islam, avec tout ce qui peut en résulter d’autant que, au contraire du christianisme, l’islam se retrouve idéalement instrumentalisable par des intérêts temporels.

– Cela a évidemment puissamment contribué à son extension.
L’islam a été le vecteur de la conquête de l’empire des califes, et été repris comme vecteur de la conquête ottomane.
Dans tous les pays conquis, il est résulté du statut supérieur accordé aux musulmans la conversion de minorités ethniques s’estimant défavorisées, ou d’individus isolés, figeant ainsi pour l’éternité des divisions existantes, et en créant éventuellement de nouvelles. C’est ainsi que le reflux de l’empire ottoman a laissé derrière lui une population albanaise devenue essentiellement musulmane, qui a conquis en outre le Kosovo voisin et s’est fortement installée dans des pays limitrophes, ainsi qu’en Bosnie, une minorité slave islamisée. Plus d’un siècle plus tard le dirigeant de cette minorité, Alija Izetbegovic, a exigé et obtenu (comme Muhammad Ali Jinnah lors de l’indépendance de l’Inde), de disposer d’une nation où elle serait majoritaire. Ce qui dans les dans les deux cas n’a pas manqué de déclencher une guerre civile, les non musulmans se voyant difficilement passer sous l’autorité de musulmans.

L’immigration est aussi, le cas échéant – et c’est ce qui se produit aujourd’hui à une échelle massive dans le monde occidental – un puissant facteur de conquête. Une tendance naturelle de toute population immigrée est de se regrouper, de se communautariser et, pourquoi pas, si les circonstances le permettent, de partir à la conquête du pays d’accueil. La logique de l’islam fait de cette tendance naturelle un impératif divin, et dont, au nom de cette même loi divine, le non-respect est sanctionnable sur cette terre.

De tous temps, les échanges de femmes ont été un facteur essentiel de rapprochement entre communautés immigrées et communautés d’accueil. La loi islamique interdit un tel rapprochement, à moins que cela n’aille dans le sens d’une progression de l’islam. Elle introduit en effet une dissymétrie entre hommes et femmes, le mariage d’une femme musulmane et d’un non musulman étant un crime (à moins que le futur mari ne se convertisse), le mariage d’un musulman avec une chrétienne ou une juive étant par contre autorisé. A noter que l’on retrouve ces autorisations et interdictions dans l’actuel code civil marocain.

– Mais si l’islam dispose d’une remarquable capacité à conquérir de nouveaux territoires, il se trouve être, une fois installé, un extraordinaire facteur de division et de violence.
Cela résulte à la fois de son pouvoir de fanatisation religieuse, dont l’histoire récente a montré de multiples exemples, et de sa capacité à être instrumentalisé par des intérêts temporels.

C’est ainsi que tout le Moyen Orient, où il n’y a pourtant pour ainsi dire plus que des musulmans, s’est retrouvée être une mosaïque religieuse, chaque communauté ayant adopté (ou créé) un schisme de l’islam pour se distinguer politiquement des autres. C’est ainsi que l’Algérie, où il n‘y a que des sunnites, a connu tout récemment une atroce guerre civile dont le motif était explicitement religieux, et qui aurait fait en une décennie plus de 200 000 morts.
C’est ainsi que l’on constate qu’à peu près tous les pays musulmans, même ceux qui, tels le Pakistan, ont un islam particulièrement rigoriste, ont aujourd’hui leurs  « islamistes radicaux » .
C’est ainsi que d’une part l’islam, comme on l’a vu plus haut dans le décompte de The religion of peace , a le quasi-monopole des attentats et crimes commis pour des motifs religieux, et que d’autre part ils le sont essentiellement dans les pays musulmans.

Notons que l’islam a aussi permis de justifier des actes relevant du simple brigandage, dès lors qu’ils sont réputés cibler des mécréants : c’est ainsi que la piraterie barbaresque a pu pendant des siècles se présenter comme relevant de la guerre sainte. Aujourd’hui les activités d’AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique) semblent bien relever assez largement de ce domaine.

5-3 Le pouvoir politique et l’islam.

▪ La notion de « loi islamique » et de « juriste musulman ».

Comme on l’a vu, la réponse à la question : « que doit-on faire sur tel point particulier dans telle circonstance particulière ? » passe dans le cas général par un travail d’exégèse des textes fondateurs.
Il est évidemment rapidement apparu nécessaire de chercher à codifier le résultat de ce travail, qui est typiquement un travail de juriste : d’où la notion de « droit islamique» (ou « loi islamique », ou « charia »), et la notion de « juriste musulman », ou « savant musulman » (notion dont les « oulémas » relèvent aussi).
Notons qu’il semble qu’il n’y a guère que dans le monde occidental que l’on utilise le terme de « théologiens » en ce qui les concerne – ceci permettant d’établir de faux parallèles entre l’islam et le christianisme. Qui a entendu parler d’une « loi chrétienne », de « juristes chrétiens » ?

Compte tenu de la complexité et du volume des textes fondateurs, de la diversité des situations rencontrées, et de l’ambition de la loi islamique (puisqu’elle est réputée régir à peu près tout, des gestes et activités individuelles les plus quotidiennes aux décisions de l’homme politique) il ne peut évidemment y avoir de « droit islamique » unique. Quatre  écoles de droit se formèrent dès les premiers siècles de l’empire des califes et sont toujours citées par les juristes musulmans.

Soulignons que le « droit islamique », dont il convient de rappeler qu’il est censé régir l’existence de plus de 1,6 milliards d’individus, est tout un univers en soi. Pour s’y mouvoir il faut être en mesure de prendre en compte non seulement le Coran, la Sunna et la biographie de Mahomet, mais aussi ce qui en a été déduit par les 4 écoles de droit musulmanes, ainsi que les très nombreuses jurisprudences (fatwas…) émises, au cours des siècles, par les juristes les plus connus sur tel ou tel point particulier. Tout cela est écrit en général en arabe d’époques et pays divers.
Aujourd’hui, pour dire le « droit » islamique, l’Université Al Azhar est l’autorité la plus reconnue au sein de l’islam sunnite.

En définitive, c’est au pouvoir politique de chaque pays musulman de déterminer ce qu’est le contenu local de la loi islamique. Il n’a toutefois, vis-à-vis du croyant, que la légitimité divine que celui-ci veut bien lui accorder – ou celle que lui confère de fait la solidité et l’efficacité du pouvoir temporel dont il dispose : il ne peut y avoir de stabilité dans un pays musulman sans un fort pouvoir policier.

L’islam sunnite a évidemment connu un certain nombre de courants. On parle beaucoup aujourd’hui des courants « salafiste » et « wahhabite », courants « radicaux » d’où viendraient tous les problèmes de l’islam. Mais aucun courant de l’islam sunnite n’a jamais remis en cause l’essence divine du Coran et de la Sunna et la valeur d’exemple du Prophète Mahomet, dont découle, par une implacable logique, tout ce qui précède.

▪ La notion de « calife », ou « successeur »
Au début de l’islam la situation était d’une grande simplicité: il n’y avait qu’un calife, qui avait tous les pouvoirs (et en particulier celui de dire ce qu’était la « loi islamique »), et il dirigeait l’ensemble de l’Oumma, puis à tout le moins, suite au schisme chiite, la branche sunnite. Assez rapidement se constituèrent des califats locaux et, dès le 11e siècle le califat central, qui survécut pourtant jusqu’au 16e siècle, n’avait plus qu’un rôle symbolique.
Il fut repris par le sultanat ottoman, qui y vit un moyen de renforcer la légitimité religieuse de son pouvoir, et fut aboli en 1924 par Mustapha Kemal. Cette notion de calife, dans son contenu originel, a été réintroduite par l’Etat Islamique du Levant, et c’est pour cela que c’est le le nom du premier calife de l’islam, Abu Bakr, qui a été repris par le calife actuel.

▪ La tutelle du pouvoir politique sur l’islam.
Qu’il s’appuie ou non sur une légitimité religieuse, les motivations réelles du pouvoir politique sont en général avant tout profanes. Ce peut être uniquement de défendre les intérêts d’une caste dirigeante, mais c’est aussi souvent, qu’il s’agisse d’une dictature ou non, de défendre les intérêts des populations qu’il dirige, de faire en sorte que les territoires qu’il contrôle soient gouvernés au mieux, et qu’y règne la paix civile, qu’ils soient peuplés uniquement de musulmans ou non.

Il est évident qu’il lui faut absolument pour cela garder la maîtrise de l’islam.

Il est donc essentiel, pour le pouvoir politique d’un pays musulman, que l’islam, et en particulier les « juristes musulmans » locaux, dont le champ de compétences se télescope avec le sien, demeure sous son contrôle.

C’est ainsi que, bien que l’islam sunnite ignore la notion de religieux, le pouvoir politique a institutionnalisé un peu partout un équivalent de clergé, qu’il désigne et rémunère, et dont il cherche à bien encadrer le domaine de compétence.
Ainsi dans les pays de l’empire ottoman, lequel semble avoir fait preuve d’un très grand pragmatisme dans la gestion de l’islam sunnite, fut mis en place une hiérarchie de « muftis », le « grand mufti » du pays concerné étant nommé par le pouvoir. Cette hiérarchie de muftis existe d’ailleurs toujours dans un certain nombre de ces pays (en particulier dans l’ex URSS).
Aujourd’hui chaque pays musulman a en fait – ou s’efforce d’avoir – « son » islam, défini et enseigné par les religieux qu’il rémunère aux musulmans qui y vivent, ainsi que, le cas échéant, à ceux des communautés expatriées. C’est ainsi que l’on a en France des imans turcs, des imams marocains, des imans algériens, des imams tunisiens…

Soulignons l’importance de la mosquée en tant que lieu de pouvoir. Dans l’islam sunnite la mosquée est à la fois l’organisme qui tient à jour l’état civil vis-à-vis de la loi islamique, un tribunal , un lieu de prêche, l’école…Il est donc essentiel, dans un pays musulman, de « tenir » les mosquées.

En France, les mosquées sont aujourd’hui des enjeux de pouvoir local.

Le pouvoir d’imprégnation et le pouvoir potentiel de fanatisation de l’islam est tel qu’il est non seulement extrêmement difficile au pouvoir politique, dans un pays où il y a une majorité de musulmans, d’aller contre cette religion, mais qu’il est important qu’il se donne une légitimité religieuse. C’est ainsi que la constitution de la plupart des pays musulmans indique que tout doit être fait dans le respect du Coran et de la Sunna (l’application locale de ces textes fondateurs restant comme on l’a vu à définir, ce qui laisse une marge de manœuvre). Le roi du Maroc, du fait de la lignée dont il est issu, aurait une légitimité supplémentaire de « commandeur des croyants » (que l’on peut apparenter à la notion de calife). C’est au nom de cette légitimité que, dans un discours solennel du 20 août dernier, il a pu attirer l’attention des terroristes islamistes sur le fait que leurs attentats les conduiraient en enfer.

Jusqu’à une époque récente l’immense majorité des musulmans n’avait probablement qu’une connaissance très partielle du contenu réel du Coran, et à fortiori de la Sunna- et peut être ne s’en se préoccupaient-ils pas beaucoup. Il était en outre assez facile, en y trouvant les versets et les hadiths appropriés, de faire dire à ces textes fondateurs ce que l’on souhaitait qu’ils disent. En particulier, bien sûr, qu’ils devaient obéissance au pouvoir en place, mais aussi en mettant l’accent sur les versets et les hadiths de tolérance: un pouvoir politique a en général comme objectif de le maintien de la paix civile et, souvent, la modernisation de ses institutions.
C’est ce qui a permis « l’islam de papa ». Avec internet et la mondialisation des échanges entre musulmans, la situation est aujourd’hui totalement différente.

▪ Les « Frères Musulmans »
Il s’agit d’une organisation transnationale islamique sunnite fondée en 1928 par un égyptien, Hassan el-Banna (dont Tariq Ramadan, le prédicateur bien connu, est le petit-fils). Son objectif est de faire progresser l’application de la loi divine sur l’ensemble de la planète :

  • qu’elle soit mieux appliquée qu’elle ne l’est dans les pays officiellement musulmans
  • qu’elle soit introduite dans les pays qui ne le sont pas encore.

Dans les pays musulmans ces activités entrent en conflit ouvert avec le rôle du pouvoir politique, et cette organisation (ou les partis qui s’en réclament) y sont souvent interdits et pourchassés. Le terrorisme est parfois utilisé (l’assassinat d’Anouar El Sadate fut le fait des Frères Musulmans).
Dans les pays occidentaux elle constitue une nébuleuse qui semble disposer de moyens financiers considérables; la violence n’y est pas le mode d’action privilégié. Son activité y est typique de ce que l’on appelle l’islamisme « modéré ».
L’UOIF (Union des Organisation Islamique de France) est considérée comme étant très liée aux Frères Musulmans.

▪ L’Etat Islamique du Levant.
On a vu qu’il a rétabli le califat dans son acceptation originelle -ce qui signifie que sous cet angle il se heurte frontalement à tous les gouvernements des pays où se trouvent des musulmans (et en particulier aux gouvernements de tous les pays musulmans), et qu’il ne reconnaît pas, en ce qui concerne l’établissement de la loi islamique à partir du Coran et de la Sunna, l’autorité, par exemple, de l’université Al Azhar (qui l’a bien sûr condamné avec la plus grande fermeté).
On a vu la facilité qu’il a eu néanmoins de recruter des « djihadistes » au sein de communautés musulmanes du monde entier, et de mobiliser certains de leurs membres pour commettre un peu partout des attentats.
Assurément sa création a été instrumentalisée de l’extérieur, mais il semble aujourd’hui échapper quelque peu à ceux qui ont instrumentalisé cette création.

5-4 La terre tourne-t-elle réellement sur elle-même ?

« Et pour vous, Il a assujetti le soleil et la lune à une perpétuelle révolution. Et Il vous a assujetti la nuit et le jour » (verset 72/14 :33).

De quelque côté qu’on le prenne, ce verset, qui correspond à une conception géocentrique de l’Univers, n’est guère compatible avec l’explication de l’alternance jour / nuit par la rotation diurne de la Terre sur elle-même. Ce verset ne fait assurément pas partie de ceux sur lesquels les islamistes mettent actuellement l’accent (encore que, si l’on en croit internet, il semble que le débat sur le fait que la Terre tourne sur elle-même ou pas ne soit pas définitivement clos).
Il n’en reste pas moins qu’il est la parole de Dieu lui-même, à l’égal des autres versets (par exemple ceux interdisant de manger du porc), et que le mettre en doute explicitement est pour un musulman un acte d’apostasie.
De nombreux autres versets (ainsi que des hadiths) fournissent ainsi une certaine représentation du monde physique et du monde vivant, dans de multiples domaines. Toute recherche scientifique doit donc demeurer compatible avec l’exégèse du Coran et de la Sunna établie par les « juristes » ou « savants » musulmans.

Est-il surprenant dans ces conditions que ce soit dans l’Occident chrétien, et non dans le monde islamique, qui pourtant, comme on l’a vu plus haut, avait au départ plusieurs longueurs d’avance, que l’astronomie moderne, et plus généralement la science moderne, aient pu se développer ?

6- Les autres branches de l’islam (voir par exemple (8)).

▪ La plus importante est le « chiisme duodécimain », qui est la religion d’état de l’Iran, successeur de l’empire perse (lequel n’a jamais été inféodé à l’empire ottoman), et est aussi majoritaire dans l’Irak voisin. Contrairement à l’islam sunnite, il possède un clergé très fortement structuré réputé détenir le pouvoir de définir ce qu’est la loi islamique, ce dont il résulte que cette définition, même si elle n’est assurément pas aujourd’hui particulièrement tolérante, est très encadrée. Il a en commun avec l’islam sunnite le Coran, mais sa Sunna n’est pas la même, et n’a pas la même valeur. Contrairement à l’islam sunnite il est admis qu’il puisse évoluer.
D’autres branches chiites existent dont certaines, semble-t-il, peuvent prendre une assez grande distance avec les prescriptions du Coran.
Signalons que les alaouites , dont on parle beaucoup actuellement du fait que Bachar el Assad est alaouite, sont l’une de ces branches, au demeurant fortement différente du chiisme duodécimain (on aurait tort de considérer que l’aide apportée par l’Iran relève simplement de la solidarité religieuse).

Les druzes sont aussi une branche chiite.

Moins connus sont les alévis, qui constituent pourtant environ 10 à 20% de la population turque, et donc une partie non négligeable de l’immigration musulmane en Allemagne – avec comme conséquence l’apparition de progroms anti alévis au sein de cette immigration (8).

▪ Aux yeux de l’islam sunnite, les chiites sont considérés comme des mécréants et, l’islam sunnite étant majoritaire, et la loi islamique peu tendre avec les mécréants, les minorités chiites ont toujours été plus ou moins persécutées ou, à tout le moins, ravalées à un statut inférieur. Avec le réveil actuel de l’islam, les oppositions entre chiites et sunnites sont aujourd’hui plus nombreuses et plus violentes que jamais, alors qu’il résulte par ailleurs d’une expérience maintenant multiséculaire que les diverses branches de la chrétienté pouvaient parfaitement vivre ensemble sans que cela pose réellement de problème.

(A suivre)

J. d’Antraigues
13/02/2017

Voir aussi :
https://www.polemia.com/lislam-une-religion-comme-les-autres-13/
https://www.polemia.com/lislam-une-religion-comme-les-autres-33/
https://polemia.com/pdf_v2/islam_13-fev.pdf

Correspondance Polémia – 25/02/2017

Image : Le Coran

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