« La chute de l’une d’entre elles provoquerait une crise destructrice ».
Dimanche dernier, la Banque Centrale Européenne a donc rendu son verdict sur les stress tests qu’elle mène depuis plusieurs mois, et cette fois plusieurs banques manquent l’examen. Les précédents stress tests menés en 2009 et 2011 avaient sérieusement entamé la crédibilité de la BCE en ne détectant rien du tout (les banques irlandaises avaient obtenu un satisfecit avant de faire faillite quelques mois plus tard, idem pour Dexia). Cette fois 25 banques échouent, sur 130 contrôlées au total, ce qui n’est pas rien. Un texte de Philippe Herlin, chercheur en finance et chargé de cours au Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris.
Faut-il pour autant prendre ces tests au sérieux, comme s’empressent de le faire les grands médias ? Pas vraiment. Déjà parce que cette liste ne compte que des banques de seconde catégorie, des banques chypriotes et grecques (pour lesquelles il n’y a nul besoin de réaliser des tests pour savoir qu’elles sont en faillite), ainsi que des banques italiennes. Les seuls établissements importants sont Dexia et Monte dei Paschi, dont les difficultés sont connues depuis longtemps. Aucune grosse banque systémique européenne ne figure parmi les recalés, et pour cause, la chute de l’une d’entre elles provoquerait une crise destructrice (on l’a vu avec Lehman Brothers) ! La BCE s’est limitée à désigner quelques petits canards boiteux de façon à rassurer les marchés.
Il n’y a pas non plus de quoi être rassuré lorsque l’on regarde, justement, les scénarios « noirs » retenus par la BCE pour les différents pays européens : une baisse des prix de l’immobilier de l’ordre de 20% ainsi qu’une baisse du même niveau des indices boursiers (seulement !), un taux de chômage à peine plus élevé que le taux actuel (12,2% en France contre 10,9 aujourd’hui, 27,1% en Espagne contre 23,2 aujourd’hui, 14,4% en Italie contre 12,2 aujourd’hui), une déflation limitée (-0,3% en France, +0,6% en Italie), une hausse des taux d’intérêt inférieur à ce qu’on déjà vécu certains pays (5,8% pour l’Italie alors qu’elle a été à 7,4%, 5,6% en Espagne alors qu’elle a été à 7,6%), et enfin une « récession » plus que limitée (-1,1% pour la France, -1,6% pour l’Italie, -1,0% pour l’Espagne). Ce dernier chiffre évoque plus une poursuite du ralentissement actuel qu’une véritable crise, ces scénarios manquent singulièrement de stress !
On notera également que le principal risque a été oublié : la dette souveraine. Un pays ne peut pas faire faillite comme chacun sait (sauf la Grèce, sauf Chypre… pour l’instant). Il ne faut pas se fâcher avec les grandes banques ni avec les Etats, la BCE est vraiment bien élevée.
Et puis, deux jours plus tard, comme par inadvertance, la BCE publie un chiffre qui aurait dû faire l’effet d’une bombe mais ne sera finalement pas repris dans les médias : les banques européennes ont 880 milliards d’euros de créances douteuses (c’est-à-dire en retard de paiement depuis au moins 90 jours), et ce chiffre représente 4% de leur bilan. 4% ça ne paraît pas beaucoup, mais cela correspond à leur effet de levier moyen, c’est-à-dire le rapport entre leurs fonds propres et leurs engagements, le total de leur bilan, le levier « brut », sans pondération des risques (par exemple pour BNP Paribas : 1800 milliards d’actif total pour 72 milliards de fonds propres, soit 72/1800=0,04 donc 4%, Deutsche Bank est à 3,1%, Société Générale à 3,3%, ING Bank à 4,6%).
Le chiffre de 4% est dans la moyenne de l’effet de levier des banques en Europe. Alors même si ces créances ne sont pas perdues en totalité (les paiements peuvent reprendre, la banque peut saisir l’actif du créancier pour le revendre), on découvre tout de même que les créances douteuses des banques européennes sont au même niveau que leurs fonds propres… Autrement dit, elles sont virtuellement en faillite. Merci à la BCE pour cette info !
Philippe Herlin
Source : 24hGold
30/10/2014