Henry de Lesquen propose sur son site un article passionnant sur l’influence majeure exercée par le zoroastrisme sur le judaïsme et sur le christianisme. Fidèle à son catholicisme de tradition, l’auteur considère que le christianisme, « ainsi que sa morale universelle, est allé plus loin et plus haut, en sorte que l’on peut le qualifier de zoroastrisme accompli ». Cette filiation spirituelle méconnue concerne au premier chef la « longue mémoire » européenne.
Le zoroastrisme
« Le zoroastrisme ou mazdéisme était la religion des anciens Iraniens (Perses, Mèdes, Parthes), qui formaient avec les Indiens, ou plus précisément avec les Indo-Aryas, la branche orientale, dite indo-iranienne, de la famille des peuples indo-européens. »
Le prophète Zoroastre, alias Zarathoustra, qui vécu aux environs de -1400, instaura une religion strictement monothéiste. Ahura Mazda, un dieu infiniment bon entouré d’un cortège d’archanges et d’anges, a créé le monde mais aussi l’Esprit Saint et l’Esprit du Mal. Ce dernier a choisi en toute liberté de s’opposer à lui, avec l’assistance d’une foule de démons.
Le premier livre saint, l’Avesta ancien, date de -1200 environ. Il contient les Gâthâs, des chants attribués au prophète Zoroastre et donc antérieurs à sa rédaction. Le second livre saint, dit « récent », date de -800 au plus tard.
« Le zoroastrisme croit à la vie éternelle, au jugement de l’âme après la mort, à la rétribution des bonnes et des mauvaises pensées, paroles et actions, à l’enfer et au paradis. Il croit aussi à un Sauveur qui reviendra à la fin du monde, à la résurrection des morts, au jugement dernier et à l’avènement du Royaume de Dieu. »
La triade « pensée, parole, action » est au cœur de la morale zoroastrienne. Pour être sauvé, il faut avoir de bonnes pensées, prononcer de bonnes paroles, faire de bonnes actions. Les péchés peuvent être effacés par la confession à un prêtre. La réversibilité des mérites justifie la prière pour les défunts.
Ces valeurs morales sont les mêmes pour tous les hommes car cette religion universaliste ne s’adresse pas, à l’origine, à un peuple particulier.
Le second Avesta révèle une « réaction polythéiste ». Tout en reconnaissant la suprématie d’Ahura Mazda, les disciples infidèles de Zoroastre ont ressuscité les dieux défunts, notamment Mithra, tandis que les anges sont redevenus des dieux.
Le zoroastrisme a ultérieurement muté vers le dualisme. Dans l’empire perse sassanide (226-651), Ahura Mazda s’appellait Ohrmazd et Angra Manyu, l’esprit du mal, était devenu Ahriman.
Après la conquête musulmane, les communautés zoroastriennes se sont repliées sur elles-mêmes. De nos jours, cette religion est encore pratiquée par quelque 200 000 fidèles dans le monde, surtout en Iran (« guèbres » ou « zarthoshtis ») et en Inde (appelés « parsis », parce qu’ils descendent d’immigrés venus de Perse pour fuir les persécutions.
L’influence du premier monothéisme sur le judaïsme
« L’Avesta, le livre saint du zoroastrisme, est antérieur de plusieurs siècles à la rencontre des Juifs et des Perses, qui s’est produite en 539 avant Jésus-Christ, quand l’empereur Cyrus a pris Babylone, où les Juifs avaient été déportés. Il faut donc en conclure que le judaïsme de l’Ancien Testament a hérité des dogmes zoroastriens après cette date et qu’il les a transmis au christianisme. »
« Le point essentiel est qu’il n’y avait jamais eu de contacts entre Juifs et Perses avant -539 et qu’au contraire ces contacts ont été des plus étroits après cette date, qu’ils n’ont pas cessé pendant toute la durée de l’empire achéménide, jusqu’à sa chute avec la victoire d’Alexandre le Grand en -330. »
« Les Juifs étaient un peuple marginal dans l’empire achéménide. Admirateurs de Cyrus, ils ont recueilli les dogmes de la religion des Perses, tandis que celle-ci ne leur a rien emprunté. On conçoit que les Juifs aient adopté le Dieu unique de Zoroastre en l’identifiant à leur dieu ethnique. »
« De fait, les plus anciens livres de la Bible semblent avoir été écrits du temps d’Esdras, “scribe de la Loi du Dieu des cieux”, sous Artaxerxès Ier, qui régna sur l’empire perse de -465 à -425 (Esdras, VII 11-12). La Bible de Jérusalem doit le reconnaître : “Esdras est vraiment le père du Judaïsme” (p. 442). », même si celui-ci a très probablement utilisé des matériaux antérieurs.
Au passage, Henry de Lesquen entreprend de réfuter la thèse selon laquelle le judaïsme aurait été influencé par le pharaon Aménophis IV, ou Akhénaton, qui régna sur l’Égypte de -1379 à -1362 : « Bien que celui-ci rendît un culte exclusif au dieu-soleil Aton, il ne niait pas l’existence des autres dieux ; sa doctrine, qui affirmait la primauté d’un dieu sur les autres dieux, était donc un simple hénothéisme, et non un monothéisme. »
Le christianisme comme « accomplissement sublime »
« Un Père de l’Église, Clément d’Alexandrie, qui vivait au IIe siècle, nous a enseigné qu’une inspiration divine avait été donnée à certains “païens” pour préparer l’accueil de l’Évangile, autrement dit que le don de la prophétie n’avait pas été réservé aux Israélites de l’Ancien Testament. Si le Saint-Esprit a parlé par les prophètes, comme nous le dit le Credo, il faut comprendre qu’il a parlé en premier lieu par Zoroastre, le prophète de l’Iran, en lui inspirant ces croyances sublimes qui ont été transmises par les Israélites et qui sont parvenues jusqu’à nous grâce à la Révélation chrétienne. »
« N’est-ce pas la signification profonde de l’hommage que “des mages venus d’Orient” ont rendu à l’enfant Jésus dans sa crèche de Bethléem (Matthieu, II 1-12) ? » C’est ainsi, en effet, que l’on appelait les prêtres zoroastriens à l’époque du Christ.
Henry de Lesquen insiste pourtant sur le fait que le christianisme ne saurait se réduire au monothéisme zoroastrien, car il instaure une « éthique du pardon et de la charité, opposée à la cruauté de la Bible hébraïque, qui n’était pas présente dans le zoroastrisme, sinon à l’état de traces ».
En outre, le christianisme y a ajouté la création ex nihilo, le péché originel, l’Incarnation, la Rédemption par le Sacrifice de la Croix et la Sainte Trinité.
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Cette thèse séduisante est de nature à ouvrir un débat de haute volée avec les penseurs de la Nouvelle Droite qui considèrent que la mentalité spécifique aux Indo-Européens les portent essentiellement vers le polythéisme.
Selon l’argumentation érudite de l’auteur, la parole fameuse « Ex Oriente lux » concernerait donc la lumière du premier monothéisme apparut d’abord en Iran, au sein d’un peuple indo-européen de haute culture.
C’est peut-être l’intuition de cette lointaine filiation spirituelle qui a inspiré Frédéric Nietzsche dans son œuvre majeure, Ainsi parlait Zarathoustra, bien qu’il ait fait proclamer au prophète, à rebours de son enseignement, la mort de Dieu…
Johan Hardoy
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