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L’homme nouveau ou la société contre le peuple

L’homme nouveau ou la société contre le peuple

par | 10 juin 2013 | Société

L’homme nouveau ou la société contre le peuple

Robert Redeker, professeur agrégé de philosophie et libre penseur, s’est fait connaître du public en 2006, à la suite de la parution dans « Le Figaro » d’une tribune s’en prenant aux « intimidations islamistes » qui lui valut une fatwah, tel un Salman Rushdie français. Anthropologue et philosophe, il observe les transformations actuelles de notre société et réagit sur son évolution. Robert Redeker ne manque pas de surprendre par un « conservatisme » inattendu.
Polémia

L’adoption du mariage homosexuel, l’introduction à l’école de la théorie des genres, qui devient une sorte de pensée officielle et obligatoire, le projet d’accorder le droit de vote aux étrangers, la palme d’or accordée par le jury du Festival de Cannes à un film qui, divine surprise, réunit la chance d’avoir été réalisé par un Maghrébin et de raconter une histoire d’amour homosexuelle, ne sont pas des événements disjoints. Solidaires, ils entretiennent entre eux un lien de constellation. Une même conception de l’homme autant qu’une même conception de l’avenir de la société qui les relie.

Un impératif commun, plus ou moins explicite, dirige ces événements : il faut remplacer l’homme, tel que nous le connaissons depuis la nuit des temps, par autre chose. Comme pour le mariage, le mot sera conservé mais pas ce qu’il désigne. Ainsi, le mariage a changé de sens en devenant le mariage pour tous. Ainsi, homme et femme sont des mots qui ne veulent plus dire du tout la même chose postérieurement au triomphe de la théorie des genres qu’antérieurement.

Quant à l’extension du droit de vote aux étrangers, il substitue une entité nouvelle au citoyen et à la nation, même s’il ne modifie pas les mots. Cet homme nouveau, que le gauchisme culturel veut substituer à l’homme tel qu’il existe, c’est l’homme sans héritage. Il n’est pas un héritier. Il est même, pour emprunter un vocable à Renaud Camus, un inhéritier. Non seulement l’accès à l’héritage des siècles – qu’il s’appelle la langue, la culture, la nation – lui est barré, mais il est psychiquement programmé pour refuser cet héritage autant qu’il est éduqué, ou inéduqué, pour pouvoir s’en passer. N’héritant pas du passé, ni n’en recevant le legs en héritage, il ne se sent débiteur d’aucune dette envers lui. Il ne doit rien à la patrie, rien à la nation et à son histoire, il ne doit rien à de Gaulle, rien à Jeanne d’Arc. On le veut radicalement neuf. Il se croit tel.

Jusqu’ici exista un individualisme spatial et sociologique : l’individu séparé des autres hommes. Voici qu’apparaît un individualisme temporel et historique : l’individu entièrement plongé dans le présent, sans racines dans le passé, séparé de l’histoire. Le type d’homme engendré par cette constellation de réformes sociétales sera un homme qui se vivra, se sentira et se pensera comme existant par génération spontanée.

Venue d’Aristote, défendue au XIXe siècle par Liebig et combattue par Pasteur, la théorie de la génération spontanée soutenait que des êtres vivants, par exemple des souris, pouvaient naître sans parents, sans pères ni mères, du seul fait de l’animation de la matière par la forme (l’idée). La comparaison avec nos réformes sociétales vaut. L’idée, la forme, c’est bien entendu le genre. C’est aussi la volonté de deux époux d’un même sexe, pardon, d’un même genre, d’élever un enfant qui n’aurait ni père ni mère, seulement des parents numérotés un et deux. Le grand combat contre la nature conduit par les propagandistes de la théorie du genre, socle philosophique du mariage pour tous, ramène dans l’actualité une variété de la théorie de la génération spontanée.

Une condition est exigée pour la réussite de ce projet anthropologique et politique : que les hommes ne soient plus des hommes et que les femmes  ne soient plus des femmes par nature. A la rupture avec l’histoire doit s’articuler la rupture avec la nature. L’invention de la théorie du genre c’est la cheville ouvrière de cette rupture. Ainsi, le mariage pour tous est-il à la fois le mariage déshistoricisé (jamais, en Occident, le mariage homosexuel ne fut institutionnalisé) et dénaturalisé (la différence naturelle des sexes, base historique, symbolique et biologique du mariage, est niée).

Le vote des étrangers (des personnes qui refusent d’adopter la nationalité française) illustre cette double négation. Il occulte le sens du mot « patrie » : la terre des pères. La patrie est, étymologiquement, un héritage. Il n’y a pas de patrie si les fils et les filles n’héritent pas des pères l’histoire et la terre. La patrie, cette terre des pères, est une mère qui engendra ceux qu’on appelait jadis des sujets et aujourd’hui des citoyens. Pour rendre possible ce vote, il faut masquer la dimension héréditaire qu’implique la notion de patrie. La patrie est le produit de l’histoire, et l’héritage celui de l’engendrement, c’est-à-dire de la nature. Héritage, père et mère, la patrie est à la fois histoire et nature. Exactement ce que la théorie du genre combat. Dessaisir les fils et filles de cet héritage est l’objet du droit de vote aux étrangers.

Le déni de la nature et de l’histoire apparaît encore plus nettement dans l’acharnement à vouloir effacer le mot « race » de la langue officielle. Deux siècles durant, la gauche affirmait représenter le peuple, la patrie et la nation. Aujourd’hui, sa nouvelle déesse est la société, fabriquée dans les laboratoires des sciences humaines. C’est au nom de la société qu’elle substitue l’inhéritier, l’individualiste nouveau, l’individualiste né par génération spontanée sans patrie et sans nation, sans racines historiques et politiques, au citoyen national. Le sociétal n’est pas seulement l’idéologie qui dresse la société contre le peuple, il est aussi l’idéologie qui détruit le peuple au nom de la société.

 Robert Redeker
03/06/2013
redeker.fr

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