Par Nicolas Faure, spécialiste de l’Allemagne et traducteur ♦ En France il n’y a plus guère de débat au sein des partis politiques de droite sur l’indépendance française et européenne. En particulier par rapport à la domination économique, culturelle et militaire de l’OTAN qui n’est pas ou plus mis en cause. Il en va différemment en Allemagne où la prise en compte de l’intérêt national et continental est posée. Responsable des questions internationales auprès de l’AfD, le député Petr Bryston a organisé au Bundestag une brillante conférence sur le continentalisme européen. En voici un compte-rendu dont la traduction a été assurée par Nicolas Faure (le correspondant en Allemagne de Polémia, pas l’animateur de Sunrise !).
Polémia
Les orateurs de la première « Conférence du continentalisme européen » au Bundestag allemand se sont montrés sévères envers l’UE actuelle et définissent les bases d’une Europe souveraine. Petr Bystron, qui a organisé la conférence, a réussi à faire venir à Berlin une série d’orateurs de renommée internationale. La question de l’émancipation de l’Europe des influences transatlantiques dans les domaines de la finance, de la défense, de l’économie mais aussi de la culture était au centre du débat.
Petr Bystron, politologue et porte-parole aux affaires étrangères du groupe AfD a ainsi fustigé dans son discours la politique de l’Union européenne, citant le père spirituel du « continentalisme européen », Algis Klimaitis, qui considère que l’Union européenne est un « projet politique inefficace » qui contribue « à l’affaiblissement des nations européennes et de la souveraineté des différents pays d’Europe ».
« La critique de Klimaitis porte sur le fait que les États-Unis contrôlent l’Union européenne de l’extérieur et l’utilisent essentiellement comme un moyen de renforcer leur propre influence en Europe », a déclaré Bystron.
Dans son intervention, Bystron a souligné la nécessité de développer une nouvelle identité politique pour l’Europe, qui se démarque clairement à la fois du « transatlantisme d’une part, et de l’eurasiatisme de Dugin d’autre part ». La politique européenne doit s’appuyer sur les fondements de l’histoire, de la culture et de l’identité européennes, sur les fondements de la philosophie grecque, du droit romain et du christianisme. Outre les explications politiques et scientifiques, le chargé de politique étrangère a également abordé l’actualité. Il a déclaré que la guerre en Ukraine n’avait rien à voir avec la défense de la démocratie, mais plutôt avec l’extension de l’influence américaine sur le continent européen.
« Tous ceux qui ont défini des intérêts allemands dans ce conflit sont soudain devenus les amis des Russes. Tous ceux qui ont fait valoir les intérêts américains à nos dépens, aux dépens de l’Europe, de l’Allemagne, ont soudain été érigés en grands sauveurs de l’Ukraine. Dans les deux cas, c’est tout aussi fallacieux », selon Bystron.
Le conflit ukrainien a également été au centre de l’exposé de l’expert militaire suisse Ralph Bosshard, qui a passé plusieurs mois sur le terrain en tant qu’observateur pour l’OSCE. Dans son discours, Bosshart a critiqué la politique d’élargissement à l’Est de l’OTAN, la qualifiant de fallacieuse. Il a souligné que l’un des principaux problèmes était l’absence de propositions de la part de l’OTAN pour atténuer la méfiance des Russes. Les mesures prises par l’OTAN ne font que saper une confiance. Selon l’analyste, ces erreurs relatives à l’élargissement pourraient être l’une des principales raisons de la situation du moment.
Bosshard a également souligné que l’élargissement de l’OTAN ne s’accompagnait pas seulement d’un contrôle des armements ni de mesures de nature à renforcer la confiance et que la plupart des actions de l’Occident risquaient de susciter le mécontentement de la Russie. Selon l’expert militaire, cela accentuerait le sentiment d’humiliation de la Russie par l’Occident remontant aux années 1990. Selon lui, cela conduirait la Russie et la Chine à se liguer contre l’Occident dans le cadre d’un partenariat stratégique.
Bosshard en est arrivé à la conclusion que l’Occident devrait se préparer à une concurrence économique plus rude avec la Russie et ses alliés. Il a mis en garde contre le fait que des changements de régime risquaient alors d’être imposés dans les pays qui sont en désaccord avec la politique de l’Occident.
« D’un point de vue économique, nous devons nous attendre à ce que la Russie et ses alliés fixent bientôt des prix concernant les matières premières, l’emploi et leur savoir-faire qui ne nous seront pas favorables. La compétition économique sera de facto de plus en plus virulente.
Bien sûr, les Européens de l’Ouest feront désormais tout pour maintenir le cap et rester dans leurs rangs. Les quartiers généraux de l’UE et de l’OTAN à Bruxelles sanctionneront les points de désaccord par des mesures économiques. Il pourrait y avoir des actions de changement de régime politique« , a déclaré Bosshard.
Christian Zeitz, chercheur à l’Institut d’économie politique appliquée, a abordé dans son exposé des aspects primordiaux de la politique européenne du moment, et de l’immigration.
Il a souligné que l’UE n’était pas un vecteur de paix et que, plus que toute autre organisation, elle avait attisé la guerre en Ukraine en mettant à disposition des armes et des moyens de financement. Dans son discours, il a mentionné les demandes de certains États membres de l’UE, comme la Slovaquie, de mettre des munitions et des aérodromes à la disposition de l’OTAN.
« J’espère que le nouveau Premier ministre Fico mettra fin à ces activités déplorables, car elles vont à l’encontre de la paix« , a précisé Christian Zeitz.
Zeitz a ajouté qu’il était dans l’espoir que la raison et le respect des valeurs culturelles puissent s’imposer et a appelé à l’arrêt des activités militaires qui vont à l’encontre de la paix.
Le Dr serbe Dušan Dostanić, chercheur à l’Institut d’études politiques de Belgrade, a souligné l’importance de la souveraineté de l’Europe en matière de politique étrangère et de sécurité, avec pour but de s’affranchir de la domination des États-Unis et de préserver ses propres intérêts.
« En premier lieu, les Européens doivent retrouver la conscience de leur propre identité. Cela signifie également que les Européens ont besoin d’un modèle socio-économique basé sur cette identité« , a déclaré Dostanić.
En conclusion, Dostanić a souligné que pour maintenir sa souveraineté économique, l’Europe nécessitait une dominance en matière de politique sur l’économie.
« Si l’Europe veut préserver sa souveraineté économique, cela signifie avant tout une domination politique sur son économie. Cela signifie également reconnaître qu’il existe des domaines dans lesquels la logique de marché n’a pas sa place. Ou bien qu’il y ait des secteurs qui ont leur logique propre, au-delà de la libre entreprise et de la concurrence ».
Harley Schlanger, vice-président de l’Institut Schiller aux États-Unis, a appelé à la dissolution de l’OTAN, estimant qu’elle en était la première vers une nouvelle ère d’accords multilatéraux, de coopération et de coordination avec les pays du Sud dans le monde. Dans sa déclaration, Schlanger a souligné l’importance d’un « nouveau multilatéralisme qui doit être adopté par les États européens souverains afin de s’affranchir de la domination de l’UE ».
Nicolas Faure
31/10/2023