L’union politique doit absolument précéder l’union monétaire, étant entendu que, dans un cadre démocratique, l’union politique (autrement dit la constitution d’un État fédéral), ne peut être une simple construction technique, mais doit résulter de la volonté librement consentie de plusieurs nations de partager un destin commun. Par ignorance, par inconséquence, ou par calcul, il n’a pas été tenu compte de cette règle essentielle lors de l’institution de la monnaie unique par le traité de Maastricht.
D’où la situation actuelle, où cette monnaie unique est un échec économique avéré, et où, au sein de la zone euro, les écarts entre pays ont été aggravés, et une situation conflictuelle s’est créée. De plus, loin d’être une protection, par un piège de l’endettement artificiellement créé, l’euro livre les nations ainsi mises en difficulté aux intérêts et ambitions du monde entier, ainsi qu’à une dictature de plus en plus intrusive de la Commission européenne, elle-même cheval de Troie du mondialisme, et dont la dépendance politique vis-à-vis des États-Unis est évidente. Une seule solution : reprendre tout simplement sa liberté, sans se laisser impressionner par les perspectives de catastrophes purement imaginaires que nous promet une ahurissante propagande, et se retrouver enfin à pied d’égalité avec l’immense majorité des autres pays de la planète. C’est en outre la seule façon de permettre la reprise de la construction européenne sur la seule base possible : celle d’une Europe des nations.
Présentation
Quel que soit le niveau d’instruction, seule une infime minorité de la population a réellement conscience de ce qu’est réellement la monnaie, des mécanismes qui lui sont attachés, et de ce qu’il y a d’existentiel, pour une nation, de disposer de sa pleine souveraineté monétaire.
C’est à la faveur de cette ignorance que l’euro, en 1992, a été introduit dans le traité de Maastricht, ce dernier ne comportant de plus aucune clause de sortie autre que la sortie de l’UE elle-même.
La crise de 2008, en faisant exploser les dettes souveraines, a fait ressortir le problème structurel que pose une monnaie commune à des États profondément différents. Aujourd’hui, seize ans après sa mise en place, l’échec économique est évident.
De plus, il apparaît au grand jour que, par le piège de la dette qu’il a artificiellement créée, l’euro est un outil extraordinaire d’asservissement politique des nations, ainsi que de leur ouverture forcée aussi totale que possible au capitalisme international, le cas de la Grèce n’en étant que l’exemple le plus criant.
Il est impossible de ne pas considérer que seuls les enjeux attachés au maintien de cet outil peuvent réellement expliquer l’acharnement actuel à le maintenir.
On comprend donc l’hystérisation du débat par la classe politico-médiatique à toute évocation d’une sortie de l’euro : il s’agit de terroriser par l’annonce de catastrophes purement imaginaires (explosion de la dette, hyperinflation, mise de la France au ban des nations, etc.). En fait cette sortie n’est en soi qu’une simple opération technique de sortie d’union monétaire, et il n’y a pas d’exemple que de telles opérations, qui n’ont rien d’exceptionnel, aient abouti à des échecs. À son issue, la France se retrouverait simplement dans la situation de l’immense majorité des pays de la planète, et, cette fois-ci, sur un pied d’égalité avec eux.
Dans une démarche parfaitement totalitaire, les difficultés résultant de l’abandon de souveraineté qu’est l’euro ont servi de prétexte à un abandon de souveraineté supplémentaire : la ratification le 12 octobre 2012 du « pacte budgétaire européen », qui place le budget de la France, c’est-à-dire en fait la France elle-même, sous la surveillance de la Commission européenne, avec possibilité de sanctions. Cela donne évidemment un poids tout particulier, ainsi que l’a d’ailleurs montré la loi Macron, à ses « recommandations » concernant le « programme national de réformes » que (ce qui est très peu connu des Français) la France doit chaque année présenter.
C’est sans surprise que les recommandations pour l’année 2014 portent sur la « suppression de rigidités », sur des privatisations nouvelles, sur la nécessité de réduire les budgets sociaux (ce qui, dans le contexte actuel, a toutes chances de déboucher sur la généralisation de prestations sous conditions de ressources, et donc sur l’extension du champ des assurances privées), etc.
Rien évidemment, dans l’analyse de la Commission Européenne, sur les facteurs massifs de chômage et de déficit des budgets sociaux que sont la mise en vases communicants de la France avec des pays à bas salaires, une immigration massive et de moins en moins assimilée, et l’impossibilité d’adapter la valeur de la monnaie à son économie. Sur ce dernier point soulignons que ce n’est en aucune façon un problème qui pourrait être résolu par une simple baisse de l’euro : il faut aussi que la France puisse dévaluer par rapport à l’Allemagne, avec qui se fait une part très importante de son commerce extérieur, afin de pouvoir retrouver sa compétitivité par rapport à cette dernière.
La collusion avec la classe politico-médiatique française est totale. Il s’agit, dans un scénario bien réglé :
- de culpabiliser les Français : la position de la Commission européenne est exactement celle de l’UMP, de l’UDI, de la fraction dite « réaliste et responsable » du PS (en fait celle qui gouverne réellement), de tous les grands médias non positionnés à l’extrême gauche, de tous les économistes de service, et de tous les représentants du patronat (du moins ceux que l’on entend s’exprimer). Pour eux la cause est définitivement entendue : la situation de la France ne résulte que de ce qu’elle a différé trop longtemps d’indispensables réformes structurelles, et sa mise sous tutelle externe pour cause d’endettement excessif n’est que la juste et salutaire sanction de son inconséquence ;
- de dramatiser le problème de la dette, alors que, même avec son montant actuel, il n’aurait strictement rien d’existentiel si la France disposait de sa souveraineté monétaire ;
- d’effrayer l’électeur de droite, en établissant de faux parallèles entre le Front national et l’extrême gauche. Ce que dénonce le Front national, c’est, en l’absence d’obstacles réels, qui ne peuvent être que la nation et l’existence d’un sentiment national, ce qu’a de prédateur et d’intrinsèquement destructeur le capitalisme international (le cas de la Grèce en étant une illustration d’école). Ce n’est en aucune façon le capitalisme lui-même.
- de stériliser les suffrages de ceux qui ne font absolument plus confiance aux partis au pouvoir depuis des décennies, en les détournant vers les partis d’extrême gauche, qui par principe excluent toute démarche nationale (ce qui en fait des auxiliaires extrêmement précieux du capitalisme international, qu’ils ne cessent par ailleurs de dénoncer), alors que seule la reprise de sa souveraineté monétaire, démarche nationale s’il en est, peut permettre à la France de se sortir du piège actuel.
Cette contribution à Polémia fait suite à de précédentes contributions de ma part relatives à l’Union européenne :
- Le piège mortel du mondialisme de l’Union européenne, où sont décrits les mécanismes qui font qu’une nation ne peut plus se défendre contre quoi que ce soit, dès lors qu’elle avait abandonné ses attributs essentiels que sont la souveraineté monétaire, des frontières, et la possibilité, par des dispositions appropriées, d’imposer qu’un minimum de la consommation nationale soit effectivement produite sur le territoire national.
- Sortir de l’euro… et le plus vite possible, il sera fréquemment fait référence à cette contribution, qui fournit des éléments détaillés et chiffrés.
- L’arnaque de l’éolien : le pillage de la France : on y notera le rôle clé de l’UE dans cette gigantesque arnaque, dont les bénéficiaires sont pour l’essentiel des intérêts étrangers ; de plus, par un véritable tour de passe-passe, son coût exorbitant est à l’abri de toute politique d’austérité (il est en effet neutre vis-à-vis de la dette publique, la subvention étant directement versée par le consommateur).
L’euro, facteur de prospérité et de rapprochement entre les peuples : l’imposture
L’euro a été « vendu » en tant que puissant facteur de prospérité et de rapprochement entre les peuples, dans la perspective d’une future union politique, alors même que, dès le départ, il était évident, pour qui examinait le problème avec un minimum de compétence, d’attention, et de simple bon sens, qu’il ne pouvait en résulter qu’exactement le contraire (voir §3).
L’énormité de la manipulation éclate maintenant au grand jour (voir ci-dessus sortir euro1): la zone euro est à la traîne de l’ensemble des pays développés, et au sein de cette zone, du fait de l’inéluctable divergence des économies de pays profondément différents. L’Allemagne, grande bénéficiaire de la situation, son excédent commercial s’étant nourri du déficit des autres, a littéralement laminé la France et les pays méditerranéens.
C’est ainsi qu’ils se sont retrouvés enfermés dans le piège de l’endettement, lequel avait été amorcé dès leur entrée dans l’euro.
L’abandon de leur souveraineté monétaire les a en effet institutionnellement privés de la possibilité pour leur Banque centrale de prêter directement à l’État (techniquement, ceci s’appelle « monétiser la dette »), possibilité qu’ont tous les États du monde, et dont la seule existence, un État s’endettant normalement dans sa monnaie nationale, les met structurellement à l’abri d’être pris au piège de l’endettement.
Le piège s’est refermé à l’occasion de la crise de 2008, qui s’est abattue sur des pays déjà étranglés économiquement par une monnaie trop forte, par la suppression de tout protectionnisme vis-à-vis des pays bas salaire, et pour certains de plus par le coût d’une immigration massive (voir en particulier le rapport Posokhow qui, sur la base d’une analyse méthodique, a estimé à 84 milliards, soit 4,2% du PIB, le coût budgétaire pour l’année 2011.
Par une manipulation de l’opinion supplémentaire, la crise de l’euro, dont l’origine est structurelle, mais qui se manifeste par une crise de l’endettement, a été présentée comme le résultat de politiques budgétaires irresponsables : d’où le « pacte de stabilité budgétaire » signé le 12 octobre 2012, qui met le budget des États sous le contrôle de la Commission Européenne, avec possibilité pour cette dernière d’imposer des sanctions. Il s’agit donc d’un abandon de souveraineté majeur. Or un simple examen de la situation montre que c’est la crise qui a fait exploser les dettes de pays fragilisés, et non un quelconque laxisme, y compris en ce qui concerne la France.
On pourra en outre se reporter à une analyse approfondie de Jacques Sapir sur une longue période (1984-2014) d’où il ressort que les Français n’ont en aucune façon « vécu au-dessus de leurs moyens ».
De plus, lorsque l’on y regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que l’origine de l’augmentation régulière de la dette de la France depuis une trentaine d’années était largement artificielle : depuis la loi du 3 janvier 1973, en effet, la France s’étant interdit les prêts de la Banque centrale à l’État, elle ne pouvait emprunter qu’auprès des banques privées, aux taux des marchés financiers, d’où une augmentation mécanique de la charge de la dette.
On en est donc au point, tout de même extraordinairement préoccupant, où des difficultés résultant d’abandons de souveraineté ont servi de prétexte à des abandons de souveraineté supplémentaires.
Lorsqu’un pays, pour des raisons qui peuvent être extrêmement diverses, a vu sa compétitivité économique se dégrader fortement, il n’y a pas d’autre solution que la dévaluation, qui est très simple à mettre en œuvre (on laisse flotter la monnaie), et dont l’effet est mécanique et immédiat, et cela indépendamment de l’organisation interne du pays concerné (voir dossier§B). Mais l’euro l’interdit.
Vouloir obtenir le même résultat par une «dévaluation interne », c’est tout simplement aussi absurde que la démarche qui consisterait, pour le passage à l’heure d’été, à ne pas changer l’heure, mais à demander à tout le monde de décaler ses horaires. Il faut absolument que la monnaie d’un pays puisse s’adapter à son économie.
C’est pourtant une politique de dévaluation interne, combinée à une politique d’austérité budgétaire, qui est aujourd’hui imposée, avec comme conséquence, sept ans après la crise de 2008, une situation de plus en plus catastrophique de tous les pays concernés. De tous les prix Nobel d’économie qui se sont exprimés sur cette politique, il n’y en a évidemment pas un seul qui ne l’ait jugée avec une extrême sévérité.
L’Allemagne est aujourd’hui la grande gagnante :
- d’une part son inflation structurellement faible et une politique de dévaluation interne (déflation salariale, transfert sur la TVA de cotisations patronales) l’ont placée au fil des années dans la position extrêmement favorable qui est actuellement la sienne, au détriment des autres pays de la zone euro (et cela sciemment, car ce n’est évidemment pas sa compétitivité avec les pays à bas salaires que cette politique pouvait améliorer) ;
- d’autre part, imposer le respect de l’équilibre budgétaire lui évite tout risque de devoir les aider financièrement.
Par ailleurs elle s’est ménagée une situation par rapport au traité de Lisbonne particulièrement confortable. Certes, elle l’a signé en l’État, mais sans toucher à sa propre constitution, et en précisant bien (arrêt de la Cour de Karlsruhe du 30 juin 2009) que c’était cette dernière qui demeurait la loi suprême (voir §1).
Notons que, dans cette affaire, il n’y a strictement rien à reprocher au gouvernement allemand, qui n’a fait que défendre les intérêts de l’Allemagne, et dont on ne peut même pas dire qu’il a joué le rôle moteur dans la mise en place de dispositions qui ne pouvaient que l’avantager. Il convient par contre de s’interroger sur le rôle des gouvernements français qui se sont succédé.
Seize ans après son introduction, l’échec de l’euro est évident, de même qu’est évident ce qu’il a d’irrémédiable – du moins si l’on s’impose de devoir rester dans un cadre démocratique.
La raison fondamentale en est le fait, connu de longue date, qu’une monnaie n’est viable que si elle est adossée à une nation : partager une même monnaie implique des transferts budgétaires qui doivent pouvoir être très importants, et ceci nécessite un fort sentiment de solidarité.
Ce n’est tout de même pas sans raison que tous les États significatifs de la planète, hors zone euro, ont leur monnaie propre.
Or, si tant est qu’on ait pu rêver un jour d’un État fédéral, pendant européen des États-Unis d’Amérique, il est faible de dire, plus de vingt ans après la création de l’Union européenne, que ce rêve n’est plus d’actualité.
À supposer, pour prendre bien conscience de la situation, que l’UE se réduise à ce qui en est présenté (du moins par les médias français) comme sa « locomotive », à savoir le « couple » franco-allemand, pourrait-elle constituer un État fédéral ? Poser la question, c’est y répondre : les deux peuples n’en voudraient absolument pas, et en 2014 beaucoup moins qu’en 1993.
On n’aura pas la cruauté d’évoquer une union politique entre l’Allemagne et la Grèce.
On nous explique aujourd’hui que les problèmes actuels ne viennent pas de l’Europe, mais de ce qu’il n’y a encore que « trop peu d’Europe », et qu’il suffirait, pour les résoudre, de mettre en place « l’intégration budgétaire ». Ceci est assurément exact : si tel avait été le cas des pays de la zone euro, par définition il n’y aurait pu avoir le problème de dettes souveraines. Aux États-Unis, comme l’a fait remarquer Paul Krugman, certains États ont été fortement touchés par la crise de 2008, et personne n’a entendu parler de leurs problèmes d’endettement.
Mais « l’intégration budgétaire », ce n’est pas, contrairement à la présentation insidieuse qui en est faite, une simple disposition technique, qui n’aurait besoin que de techniciens pour être mise en œuvre : ce n’est ni plus ni moins, compte tenu de ses implications que l’union politique, et c’est justement ce dont les peuples ne veulent absolument pas.
L’euro, outil d’asservissement politique et économique, et d’ouverture forcée aussi totale que possible au capitalisme international
C’est probablement, pour certains, ce qu’il a toujours été. C’est, de toutes façons, ce qu’aujourd’hui il apparaît être au grand jour.
Comment expliquer, autrement que par un calcul politique, l‘entrée récente dans l’euro de deux pays de l’ex URSS, de l’Estonie et de la Lettonie, alors même que, vu l’État de crise de la zone euro, on pouvait tout de même penser qu’il y avait des choses plus urgentes à faire ?
Rappelons que l’adoption de la monnaie unique n’est pas du tout optionnelle : une fois réunies un certain nombre de conditions de convergence (les célèbres « critères de Maastricht »), elle est impérative pour tout membre de l’UE, à moins que le contraire n’ait été explicitement mentionné dans le traité de Lisbonne (ce qui n’a été le cas que pour le Danemark et la Grande Bretagne ; si la Suède n’est pas non plus dans l’euro, c’est parce que, suite à son rejet par le peuple suédois par le référendum de 2003, contre d’ailleurs l’avis de son gouvernement, de ses médias et de presque toute sa classe politique, elle s’arrange pour ne pas respecter les critères de Maastricht).
En outre le seul critère qui soit difficilement manipulable est celui de l’endettement public (qui doit être inférieur à 60% du PIB). S’ils devaient à nouveau rentrer dans l’euro, à peu près tous les pays de la zone euro seraient dans l’impossibilité absolue de le respecter (la vertueuse Allemagne est à près de 80% !). Mais, inversement, ce critère est très largement satisfait pour la quasi-totalité des pays de l’UE qui ne sont pas encore dans l’euro: pour piéger l’un d’entre eux, il suffit donc de pouvoir bénéficier d’une complicité simplement momentanée de son gouvernement.
Comme on l’a vu, l’euro place les pays en difficulté sous la tutelle de fait des marchés financiers, c’est-à-dire du capitalisme international, dont la philanthropie n’est pas la raison d’être, et dont il est de plus notoire qu’il est dominé par les États-Unis. L’UE est elle-même le cheval de Troie de ce capitalisme international, par la doctrine « ultralibérale » qui est à la base à la fois de ses textes fondateurs et de la politique qu’elle a toujours menée. Le poids de l’Allemagne au sein de l’UE est évident, et le drame ukrainien a montré le degré d’asservissement politique de l’UE aux États-Unis.
Selon cette doctrine ultralibérale, « le fonctionnement libre et spontané du marché conduit à l’allocation optimum des ressources », et ceci à l’échelle du monde, et en considérant toutes les catégories d’activités. On ne s’étendra pas ici sur l’indigence conceptuelle de cette doctrine invraisemblablement simpliste, ni sur son démenti par les faits, ni sur le fait que seule une gigantesque manipulation a pu permettre de présenter comme le moteur du progrès de l’humanité ce qui permet avant tout d’enrichir prodigieusement une infime minorité de la population de la planète, voir par exemple : Le piège mortel du mondialisme de l’Union européenne 1/3.
C’est ainsi qu’une disposition clé du traité de Maastricht (reprise par l’article 63 du traité de Lisbonne), impose la libre circulation des capitaux, y compris avec les pays extérieurs à l’UE, et cela sans aucun restriction (y compris donc avec les paradis fiscaux). Ainsi l’UE se trouve totalement ouverte au capitalisme international, ce qui signifie aujourd’hui que, privatiser une activité, c’est courir le risque de l’ouvrir au monde entier, dans un contexte où, en outre, la France perd de plus en plus la maîtrise réelle des règles à respecter chez elle.
De plus, la concurrence ayant été érigée comme un principe ordonnateur de l’action publique, auquel même l’État doit se plier (alors que normalement ce n’est qu’un moyen au service de l’État, qui a donc la possibilité de l’utiliser ou non en fonction de l’appréciation de son utilité réelle), l’UE, seule juge des limites à l’application de ce principe, est en situation de détruire les obstacles opposés par les nations à la pénétration du capitalisme international.
Le « pacte de stabilité budgétaire » a mis la France, dans l’impossibilité où elle se trouve, contrainte de toutes part comme elle est, de respecter un objectif d’équilibre budgétaire, en situation de devoir en permanence solliciter l’indulgence de la Commission européenne. Ceci donne un poids particulier aux recommandations de cette dernière, dont, bien évidemment, de nouvelles privatisations et la suppression de « rigidités » sont la pierre angulaire.
Ainsi, c’est dans les recommandations relatives au programme de réforme de la France pour 2014 que l’on retrouve l’origine des mesures sur la libéralisation de l’accès aux professions règlementées et sur l’introduction de la concurrence sur les lignes de TGV, mesures dont tout le monde se demandait où le gouvernement avait pu les chercher. Si on ne voit toujours pas en quoi en quoi elles pourraient réellement contribuer, même marginalement, à résoudre les gravissimes problèmes de la France, on voit par contre très bien qu’elles dégagent de nouveaux gisements de profit.
Les activités économiques liées à l’exercice de l’action publique et à la notion de service public sont, pour l’essentiel, financées par des ressources publiques, et ont, pour certaines d’entre elles, un caractère stratégique, soit par ce qu’elles concernent des pôles d’excellence industriel de la France (lesquels, comme d’ailleurs partout dans le monde, se sont essentiellement construits à partir de commandes publiques), soit parce qu’elles touchent à la défense nationale. Très souvent en outre, de par leur nature même, elles sont exercées par des monopoles.
Il résulte de la conjonction, depuis plus d’une décennie, de l’absence de marge de manœuvre budgétaire et des intrusions de la Commission européenne que, outre que le gouvernement français a lui-même à peu près renoncé à toute idée de politique industrielle nationale, la France se trouve aujourd’hui dans une situation de vulnérabilité extrême, ainsi qu’en témoigne jusqu’à la caricature la lamentable et désastreuse affaire du passage sous contrôle américain de la branche énergie d’Alstom. Voir par exemple les deux contributions suivantes à Polémia :
- Alstom-les délires du court-termisme
- Racket américain et démission d’État
- ainsi que l’article de Jacques Sapir dans Le Figaro, Vente d’Alstom : faut-il nationaliser ?
Sortir de ce piège infernal, c’est existentiel !
Au vu de ce qui précède, est-il réellement utile d’insister là-dessus ? Mais est-il aussi nécessaire d’insister sur les enjeux qui, à l’opposé, sont attachés à ce que la France reste piégée ?
La cible n’est pas cette fois ci un vulgaire pays du tiers-monde, mais un pays dont la richesse nationale (le total des patrimoines public et privé) demeure extraordinairement intéressante, et qui, non vassalisé, peut encore peser lourdement sur la scène internationale. De plus il est probable que, si la France quittait l’euro, cela marquerait la fin de ce dernier, et peut être celle du processus dictatorial en cours, dont il est un rouage absolument essentiel.
On comprend donc pourquoi, dès qu’il s’agit de l’euro, le système politico médiatique hystérise le débat. L’euro n’étant pas défendable en tant que tel, tant son bilan est à l’évidence calamiteux, il s’agit de susciter la peur, en annonçant des catastrophes purement imaginaires : mise de la France au ban des nations, dévaluation et hyperinflation, explosion de la dette, qui devrait être remboursée en monnaie forte, le franc n’étant plus qu’une monnaie de singe, etc….
Au hasard :
- « Bye Bye l’euro » film de propagande diffusé le 17 février par France 5
- « La sortie de l’euro est une absurdité, un suicide, qui conduira la France à la déchéance absolue » (Jacques Attali à l’issue de ce film)
- « Les conséquences d’une politique du franc faible seraient catastrophiques. Notre dette étant libellée en euros, elle augmenterait de manière mécanique dès que le franc dévisserait» (Alain Juppé, Le Monde, 5 mai 2014)
Or qu’en serait-il réellement ?
Observons d’abord tout de même que l’histoire récente comporte, avec l’éclatement de l’URSS, de l’ex-Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie, de multiples exemples de sorties d’union monétaire, et il n’est pas d’exemple que cela ait conduit à des échecs. Plus précisément :
a) Il devrait y avoir une forte dévaluation du franc, puisque c’est justement l’un des intérêts essentiels de la sortie de l’euro.
Forte dévaluation ne signifie absolument pas forte inflation, ainsi que le montre en particulier le cas de la Grande Bretagne, qui a dévalué de 30% en 2008 (Voir dossier, chap.B), ce dont il n’est résulté qu’un supplément d’inflation minime. De telles variations ne sont en outre en rien exceptionnelles: ainsi, depuis 2 ans, le yen, le dollar australien et le dollar canadien se sont dépréciés par rapport au dollar de 34 %, 28 % et 31 % respectivement, l’inflation dans ces pays a à peine varié, et le monde ne s’est nullement écroulé.
b) Le montant nominal de la dette publique, exprimé en francs, ne serait pour ainsi dire pas modifié par cette dévaluation, du fait que 97% de la dette publique relève de contrats de droit français, et est donc libellée en monnaie nationale. Or l’euro n’est pas une « monnaie de la zone euro », mais la monnaie nationale commune des États de la zone euro. Le 1/1/1999 la dette publique française a été convertie en euro, sur la base de 1€= 6,55957 F, et son montant, exprimé en euro, n’a pas été par la suite modifié par les fluctuations de cette monnaie. De même le montant de la cette dette, exprimé à nouveau en francs le jour où la France ressortira de l’euro (probablement sur la base 1F=1 €), restera indépendant du taux de change du franc (voir §1).
Voir aussi l’analyse approfondie, qui ne laisse aucune ambiguïté, de Jacques Sapir, dans son article « Déconnants décodeurs » et l’article du Monde du 26 septembre 2014 auquel il répond. Notons que Valéry Giscard d’Estaing, lorsqu’il a proposé le 18 février dernier une « friendly exit » de la Grèce, a implicitement confirmé tout ce qui précède. Ça ne coûte rien d’écouter Giscard de temps en temps.
c) Le piège de la dette serait littéralement désamorcé, du seul fait de la possibilité retrouvée de la Banque centrale de prêter directement à l’État (« monétisation de la dette »). Notons que le principe même de cette possibilité clé est aujourd’hui immédiatement diabolisé : ce serait inflationniste. Or il n’en est à coup sûr absolument rien pour des montants allant jusqu’à 5% du PIB, ce qui serait très largement suffisant). En l’occurrence cette diabolisation exploite à fond l’ignorance à peu près totale de l’immense majorité de la population en ce qui concerne les mécanismes de création de la monnaie (qui, il est vrai, sont profondément déroutants, puisque si tout le monde remboursait ses dettes, il n’y aurait plus de monnaie), et le fait que, de toutes façons, la création monétaire n’est qu’un facteur d’inflation parmi d’autres.
d) En ce qui concerne le remplacement de l’euro par le franc, il s’agit d’une opération uniquement technique, qui n’a en soi rien d’exceptionnel, et qui est du seul ressort de la France. Pour éviter tout risque d’action déstabilisatrice, elle nécessitera un contrôle des capitaux pendant un certain temps, ce qui n’a rien d’extraordinaire, et ne bloque en rien les échanges de biens et services. Là encore, la diabolisation d’une telle mesure à sa seule évocation est totalement injustifiée.
Du point de vue du droit international l’UE, de façon générale, n’est qu’une construction supranationale, dont une nation peut s’affranchir. Aujourd’hui le traité de Lisbonne ne s’impose à la France que parce qu’il a été introduit dans la Constitution par sa modification du 4 février 2008, et la modification inverse est donc possible.
Il appartiendra au gouvernement français de décider, en fonction du contexte du moment, comment se fera la sortie de l’euro : sortie concertée, sortie déclenchée par la France, sortie à l’occasion d’une crise déclenchée par d’autres pays, la France s’étant préparée à une réaction rapide…. Le point essentiel est que, s’il l’a décidé, rien ne peut l’en empêcher, et que la situation de la France, à l’issue de l’opération, sera simplement celle de l’immense majorité des États de la planète.
Ce sera en particulier, presque exactement, celle de la Grande-Bretagne. Personne ne s’inquiète réellement de la dette de cette dernière, qui pourtant est très voisine de celle de la France à la fois en montant et en % du PIB. En outre elle a dévalué de 30%, elle n’hésite pas à l’occasion à monétiser sa dette, et pourtant son inflation est toujours restée faible, et ses taux d’intérêts très bas, et très voisins de ceux de l’Allemagne (voir dossier §A4).
Que l’on en revienne simplement au bon sens !
On est au sein d’un système extraordinairement complexe, où la régulation s’effectue dans un cadre fondamentalement décentralisé dont l’acteur de base est l’État nation, lequel dispose de la souveraineté monétaire. La situation finale résulte, un certain nombre de règles du jeu étant bien sûr à respecter, de l’équilibre entre les intérêts des différents États nation, intérêts défendus à armes égales par leurs gouvernements respectifs.
L’exemple de l’Islande, qui s’est retrouvée en 2008 avec une dette égale à sept fois son PIB, et qui est aujourd’hui tirée d’affaire, montre à quel point, dans un tel cadre, on peut redresser des situations fortement compromises.
En supprimant les possibilités de régulation au niveau de chaque État, et en les reportant au niveau d’un ensemble d’États, l’euro a créé une situation à la fois inextricable et conflictuelle, et c’est ainsi que, aujourd’hui, on se retrouve face à des problèmes insolubles qui sans l’euro ne se seraient tout simplement jamais posés.
Le seul moyen d’en sortir, et de plus d’en sortir de façon non conflictuelle, c’est de reprendre sa liberté.
C’est d’ailleurs très exactement ce qu’a proposé Valéry Giscard d’Estaing, le 18 février dernier, en ce qui concerne la Grèce, dont il commence à être évident pour tout le monde qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir sans dévaluer sa monnaie. Le redressement de la Grèce résulterait avant tout, tout simplement, de ce que les mécanismes de régulation classiques pourraient enfin jouer à nouveau : elle n’aurait plus à quémander, et à se voir en contrepartie mise sous tutelle (voir « Pour réduire sa dette, la Grèce doit abandonner l’euro »).
Mais ce qui est vrai pour la Grèce, c’est aussi vrai pour la France.
Si, réellement, on veut sincèrement « construire l’Europe », le simple bon sens impose de le faire avec prudence, et de reprendre totalement cette construction en évitant de commencer par détruire la seule chose qui, au vu d’une expérience maintenant séculaire, est réellement susceptible de fonctionner : l’État nation, avec bien sûr sa souveraineté monétaire.
Rappelons que le marché commun, qui a été un grand succès, est resté construit autour de cette entité. Rappelons que les grands succès industriels européens (Airbus, Ariane) résultent de la collaboration de nations, et que l’UE n’y est strictement pour rien. Aujourd’hui, comme grand projet ayant effectivement abouti, l’UE n’a toujours accouché que du développement massif de l’éolien.
Les États-Unis d’Amérique se sont construits sur un territoire où il n’y avait rien, et où presque tout le monde parlait la même langue. Malgré tout, il a fallu pour cela une guerre civile de quatre ans, et qui a fait plus de 600 000 morts.
Antraigues
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