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Les raisons et les dessous de la campagne de désinformation contre la Croatie

Les raisons et les dessous de la campagne de désinformation contre la Croatie

par | 17 mars 2016 | Europe, Géopolitique, Politique

Les raisons et les dessous de la campagne de désinformation contre la Croatie

Jure Vujic, responsable du département de sciences politiques de « Matica Hrvatska », directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb

♦ A la suite de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de coalition centre-droit, la Croatie subit une campagne de désinformation sans précédent tant au niveau national qu’international, téléguidée en grande partie par la presse de gauche et d’extrême gauche postcommuniste et leurs relais internationaux, en Union européenne et en France.

Il est regrettable que Le Monde, avec un article ayant pour titre En Croatie, le retour des ultra-nationalistes (*), se fasse le porte-parole des thèses dont l’impartialité et l’objectivité propre à la profession journalistique laissent à désirer.


L’une des principales cibles de cette campagne de presse est l’actuel ministre Zlatko Hasanbegovic accusé à tort de défendre des thèses révisionnistes, alors qu’il s’est à maintes reprises expliqué sur le sujet et qu’il a ouvertement déclaré son antifascisme historique  ainsi que son antitotalitarisme (communisme et nazisme). Son plus grand tort a été de déclarer lors d’une prestation télévisuelle que l’antifascisme inscrit dans la constitution croate ne devait pas, dans le contexte de transition démocratique, servir de prétexte pour réhabiliter l’expérience historique yougoslave totalitaire en suivant á la lettre les recommandations de l’UE en la matière. Par ailleurs, l’association des journalistes croates et publicistes (HNIP) a, au milieu du mois de janvier, condamné ces accusations infondées et le manque d’impartialité de nombreux de ces médias fortement politisés, en appelant à une véritable pluralisation et démocratisation de la sphère culturelle et médiatique nationale.

Dans le cadre de cette véritable entreprise de démonisation médiatique, certains journaux, proches de l’ex-gouvernement néocommuniste sortant, n’ont pas hésité, comme le journal Novosti, à falsifier et retoucher une photographie du ministre de la culture Hasanbegovic afin de le présenter sous le trait d’un « néo-oustachi pronazi », ou bien d’interpréter fallacieusement certains de ces passages de ses livres et travaux historiques afin de lui coller une étiquette fasciste. Les mêmes cercles médiatiques et intellectuels parmi lesquels la « Platforme 112 » et l’initiative « Kulturnjaci 2016 », regroupant des activistes d’extrême gauche connus pour leur agressivité et leur intolérance, ont fait appel à leurs relais journalistiques et intellectuels internationaux. C’est ainsi qu’on a pu voir, lors de sa visite á Zagreb le 7 février dernier, le romancier Pascal Bruckner se laisser instrumentaliser par une minorité militante nullement représentative de la sphère culturelle croate : il est allé, en tant que romancier, demander maladroitement à la présidente croate K.Grabar Kitarovic de « revoir » la nomination du ministre Hasanbegovic, ce qui a été très mal perçu par l’opinion publique croate qui y a vu une ingérence flagrante dans les affaires intérieures.

Pour mieux comprendre les dessous de ces attaques non-fondées qui visent á discréditer le nouveau gouvernement croate fraichement constitué, il convient de replacer cette affaire médiatico-politique dans le contexte politique et social actuel de la Croatie.

Suite à l’échec du parti ex-communiste social-démocrate (SDP) de l’ex-premier ministre Milanovic aux dernières élections législatives, l’ensemble des médias, des organisations non-gouvernementales, ainsi que les lobbies néo-communistes proches du SDP ont été mobilisés afin de discréditer le gouvernement de la majorité gagnante des élections. L’une de premières décisions du ministre de la culture Hasanbegovic a été celle de mettre un terme au financement des ONG et des médias appartenant au secteur non profitable et qui étaient jusqu’ici en grande partie subventionnés par l’Etat et le ministère de la culture en accord avec les normes et les standards européens sur le financement des ONG. C’est ce qui, bien sûr, a été mal perçu par l’ensemble des acteurs médiatiques et des activistes de la gauche radicale qui depuis les années 1990 ont substantiellement puisé dans le budget étatique.

L’ancienne ministre de la culture Zlatar Violic, connue pour ses pratiques népotistes, a été condamnée au mois de février dernier pour conflit d’intérêt ayant usé de sa fonction de ministre pour assurer le financement, par le biais du budget du ministère de la culture, d’un média proche de l’ancien gouvernement de gauche sans respecter la procédure légale de concours public. Dans la même foulée, l’actuel ministre de l’éducation Predrag Šustar, après avoir déclaré dans un interview que « dieu était le meilleur designer », a été violemment attaqué par une grande partie de la communauté scientifique versée dans l’athéisme militant, l’accusant « d’être un dangereux détracteur de la théorie de l’évolution ». Une accusation frisant le ridicule mais révélatrice du climat d’intolérance dans le milieu de l’éducation, comme si tous les ministres de l’éducation devaient être obligatoirement athéistes et qu’il leur était interdit de participer au débat pluriséculaire entre créationnistes et évolutionnistes. Il est vrai que depuis les années 1990, les médias, le secteur de l’éducation et de la culture ont toujours été des domaines privilégiés de la gauche néocommuniste, dont le monopole a toujours été critiqué par la droite qui y voit encore aujourd’hui une véritable « hégémonie culturelle ».

L’actuel dirigeant toujours en poste de la télévision publique Goran Radman, ancien cadre communiste, est soupçonné d’être un membre des anciens services secrets militaires ex-yougoslaves (KOS), alors que la présidente du Conseil de l’Agence des médias électroniques, Mirjana Rakić, accusée de censure par les medias indépendants, a reconnu lors d’une récente émission télévisée d’avoir rempli des fichiers de renseignement pour les services secrets titistes á l’époque Yougoslave (UDBA) : il faut rappeler que la Croatie, depuis son accession á l’indépendance en 1990 est actuellement le seul Etat membre de l’UE avec la Slovénie dans l’Europe post-communiste à ne pas avoir voté une loi de lustration comme l’ont fait la Pologne, la Hongrie, l’Allemagne, la Tchéquie et bien d’autres…

Néanmoins, la Croatie, en tant que membre de l’Union européenne, a adhéré aux résolutions successives de l’UE relatives à la condamnation de son passé totalitaire communiste, comme celle du Parlement européen du 2 avril 2009 sur la conscience européenne et le totalitarisme ainsi que la résolution 1481 sur la nécessité d’une condamnation internationale des crimes des régimes communistes totalitaires, adoptée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le 25 janvier 2006. En dépit de ce cadre légal, cette confrontation avec le passé totalitaire communiste n’ a pu se faire en raison de l’absence de consensus national sur ce sujet.

Pour la Croatie le « retour à l’Europe », suite à l’accession à l‘indépendance et à la démocratie (ce qui lui a couté des dizaines de milliers de morts durant la guerre de libération nationale dont parlait Milan Kundera), s’est fait au prix d’une véritable « amnésie » sur les crimes communistes du régime titiste. Sous prétexte de l’impératif d’une réconciliation nationale et en raison des conditions spécifiques de guerre, l’ancien président Franjo Tudjman, ainsi que les gouvernements successifs de gauche et de droite, ont en quelque sorte « mis sous le tapis » les questions liées á l’assainissement du passé totalitaire communiste, en dépit des appels de la part de l’UE á la dé-communisation progressive des institutions démocratiques et des mentalités collectives.

Jure Vujic,
14/03/2016

Note :

Correspondance Polémia – 17/03/2016

Image : Théâtre national croate à Zagreb

 

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