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Les projets de programmes d’histoire et de géographie à l’école et au collège

Les projets de programmes d’histoire et de géographie à l’école et au collège

par | 1 mai 2015 | Politique

Les projets de programmes d’histoire et de géographie à l’école et au collège

Ils ont tué l’histoire-géo, tel était le titre de l’essai que j’ai publié en 2012, aux éditions François Bourin, en dénonçant notamment le charabia sévissant dans les textes officiels concernant l’enseignement de l’histoire et de la géographie, ainsi que les erreurs et lacunes se trouvant dans les programmes de ces disciplines. Ils continuent de tuer l’histoire-géo, ainsi pourrais-je intituler un nouvel essai, après avoir lu les projets de programmes d’histoire et de géographie élaborés par le Conseil supérieur des programmes (CSP), qui seront applicables, à partir de la rentrée 2016, du CM1 à la 3e, dans le public comme dans le privé sous contrat.

Pour le charabia, cela va de mal en pis, alors que le CSP s’était engagé à « présenter les programmes de façon compréhensible par les non-spécialistes, qu’il s’agisse des professeurs, des parents, et des élèves eux-mêmes ». Ce charabia tourne autour de quelques mots-clés :

  • L’investissement : « Investir des thématiques et des démarches », « Convoquer régulièrement les repères géographiques, les faire manipuler et réinvestir dans différents contextes », « Réinvestir la lecture des paysages du quotidien de l’élève », etc. ;
  • L’appropriation : « S’approprier un document pour en comprendre le sens général », « S’approprier un lexique spécifique en contexte », « S’approprier les représentations des espaces et les dynamiques des territoires », etc. ;
  • La mobilisation : « Mobiliser les savoirs, le savoir-faire, le savoir-être, les procédures, les repères historiques et géographiques », etc. ;
  • La production : « Produire des messages à l’oral et à l’écrit », « Produire un document et des productions graphiques », etc. ;
  • Le questionnement : « Questionner les documents », « Questionner les libertés et les droits », « Questionner la périodisation de l’histoire et pratiquer de conscients allers-retours au sein de la chronologie », etc. ;
  • Les pratiques : « Pratiques de classe », « Pratiques d’écriture », « Pratiquer un lieu et un espace de vie », etc. ;
  • La synchronie et la diachronie : « Montrer les dynamiques synchroniques ou diachroniques des faits étudiés » en 6e, puis « Mettre en relation les faits étudiés dans une démarche synchronique et/ou diachronique » de la 5e à la 3e.

Ce charabia extravagant va de pair avec l’inanité des programmes proposés. Quelques observations à ce propos :

  • Le mot « date » est banni de ces programmes dans lesquels pullule le vocable « repère ». Une date et une seule y figure : c’est 1892, pour le programme d’histoire en CM2, dans le cadre de l’expression « 1892 : la République fête ses cent ans » [sic].
  • Certaines questions historiques ne doivent être traitées que dans la perspective de polémiques politiques de notre époque. C’est le cas de « l’histoire du fait religieux » (les religions polythéistes, les débuts du judaïsme et du christianisme en 6e, l’Islam au Moyen Age en 5e) qui doit « permettre à l’élève de mieux situer et comprendre les débats actuels ». C’est aussi le cas, en 6e, de « l’histoire des premières grandes migrations de l’humanité », durant la Préhistoire et dans l’Antiquité, qui doit « amener à voir autrement le monde d’aujourd’hui ». Il fallait y penser.
  • Le programme d’histoire de 5e embrasse une période de mille ans, du VIIe au XVIIe siècle, mais ne comporte que trois thèmes obligatoires pour la France, l’Europe et le monde : l’Islam du VIIe au XIIIe siècle, la construction du Royaume de France du XIe au XVe siècle, « l’émergence du roi absolu » [sic] du XVe au XVIIe siècle. On ne court pas le risque de l’exhaustivité que redoute tant le CSP.
  • Si « Charlemagne, roi et empereur » est mentionné dans le programme d’histoire de CM1, c’est parce que, faute d’incarner les « valeurs de la République », « sa figure est l’occasion d’observer les dynamiques territoriales d’un empire qui relèvent plus d’une logique européenne que française ». Il est vrai qu’Aix-la-Chapelle n’est pas bien loin de Maastricht…
  • Quatre rois de France sont également cités en CM1 (Louis IX, François Ier, Louis XIV et Louis XVI), mais ensuite aucun chef d’État ou de gouvernement de notre pays n’est nommé, sauf Jules Ferry en CM2. On y cherchera vainement Napoléon Ier et Napoléon III, Louis XVIII et Louis-Philippe, Clemenceau et Léon Blum, le général De Gaulle et Georges Pompidou.
  • Lorsque les deux guerres mondiales sont traitées en CM2, on ne doit y « aborder la question du génocide des Juifs » que « dans le cadre de la France », comme si ce n’était pas essentiellement l’Allemagne hitlérienne qui avait conçu, planifié et mis en œuvre le massacre des Juifs européens.
  • Les programmes de géographie sont corrompus par deux obsessions : celle du développement durable qui occupe toute l’année de 5e après avoir déjà été traité en CM2 ; celle de la « mondialisation » qui occupe toute l’année de 4e après avoir déjà été traitée en 6e et avant de l’être à nouveau en 3e. La géographie physique, si importante pour comprendre la géographie humaine, est absente de tous ces programmes, à l’exception d’une vague allusion en 6e.

Le quatuor UMP « Sarkozy-Fillon-Darcos-Chatel » était responsable du désastre dont j’ai rendu compte en 2012. Le trio PS « Hollande-Valls-Belkacem » l’est de celui qui menace aujourd’hui, avec la complicité active d’une députée et d’un sénateur UMP, qui représentent leur formation politique au sein du CSP et en ont approuvé les projets. Il est vrai que ces politiciens ont deux objectifs infiniment louables : la promotion du « vivre ensemble » et le « succès scolaire pour tous ». Pas moins.

Laurent Wetzel
30/04/2015

Laurent Wetzel

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