Par Camille Galic, journaliste et essayiste ♦ Le 22 mars 1968, pour protester contre l’interdiction faite aux filles par Pierre Grappin, doyen de la faculté de Nanterre, d’accéder de nuit au bâtiment des garçons sur le campus, Daniel Cohn-Bendit lançait le Mouvement du 22 mars, qui devait quelques semaines plus tard embraser toute la France, preuve que d’une cause mineure peuvent survenir de grands malheurs, en l’occurrence l’accélération du déclin d’une civilisation systématiquement déconstruite par le gauchisme enfantant ensuite le wokisme.
Expulsion de squatteurs d’extrême gauche
Cinquante ans plus tard, comment donner à la commémoration de cet événement tout l’éclat qu’il méritait ? Le 18 mars 2018, une cinquantaine d’étudiants ressemblant plutôt à des zonards, et en tout cas étrangers à la faculté de droit de Montpellier, envahissent celle-ci, l’occupent, la couvrent de tags, y commettent moult déprédations et s’acharnent sur la bibliothèque et le coûteux matériel informatique, à la grande fureur des étudiants légitimes ainsi lésés et du doyen Philippe Pétel, qui exige à plusieurs reprises l’intervention de la police. Appels au secours rejetés par le préfet de l’Hérault sur ordre de Frédérique Vidal, ministre délégué à l’Enseignement supérieur, et du présumé droitiste Jean-Louis Blanquer, ministre de l’Éducation nationale et donc ministre de tutelle de Mme Vidal. Il faudra attendre quatre jours pour que les forces de l’ordre interviennent enfin… après qu’une « quinzaine d’individus cagoulés » et armés de bâtons eurent nuitamment entrepris de chasser la cinquantaine de squatteurs présents dans l’amphithéâtre de la fac et décrits par la Médiaklatura, Radio France en tête, comme de paisibles « étudiants en grève » soumis à des « violences inadmissibles faisant de nombreux blessés » — en fait deux seulement dont un assaillant. Cette fois, la rue de Grenelle réagit au quart de tour : les flics sont dépêchés en nombre sur les lieux à une heure du matin.
Haro sur les partisans de l’ordre !
Accusé par les étudiants « d’avoir pour le moins facilité l’accès de l’université aux hommes armés et cagoulés », le doyen Pétel nie être à l’origine de l’opération cependant qu’après avoir condamné « tout acte de violence » (alors qu’il s’était abstenu de dénoncer l’occupation des lieux), le président de l’Université de Montpellier Philippe Augé porte plainte contre X « afin que toute la lumière soit faite sur les événements de la nuit dernière ».
Des enquêtes administratives et judiciaires sont ouvertes par le parquet de Montpellier pour « des faits de violences en réunion et avec arme », le doyen de la fac et un professeur sont mis en garde à vue et Frédérique Vidal, qui a saisi l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), annonce que, « sur la base des conclusions de cette enquête, [elle] prendra l’ensemble des décisions qui s’imposent, en engageant le cas échéant, des poursuites judiciaires ». Quant aux étudiants, ils votent pour un « blocus illimité » de l’université Paul Valéry où les cours sont suspendus, la fac de droit étant fermée. Au moment le plus crucial de l’année universitaire !
En attendant, le doyen Petel, qui a présenté (ou été contraint de présenter) sa démission, est mis en garde à vue ainsi qu’un professeur de l’université spécialiste de l’histoire du droit et auteur de plusieurs ouvrages estimés, Jean-Luc Coronel de Boissezon, soupçonné d’avoir activement participé au « raid fasciste », ce qu’il nie. À la suite du rapport de l’ IGAENR, tous deux seront lourdement sanctionnés le 7 février 2019 par le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) : le premier par une suspension de cinq ans sans rémunération, le second par une révocation de l’enseignement supérieur assortie d’une interdiction d’exercer dans tout établissement public, en plus d’une condamnation de six mois de prison ferme le 2 juillet 2021 par le tribunal correctionnel de Montpellier.
État de non-droit
Un scandale patent quand l’on pense que les casseurs initiaux ont, eux, échappé à toute poursuite. Mais le scandale ne s’arrête pas là.
Jean-Luc Coronel de Boissezon s’étant pourvu en appel, le CNESER décida en mai 2022 de réduire la révocation pure et simple à une suspension de quatre années, peine qui achevait d’être purgée et aurait permis le retour du professeur Coronel de Boissezon à la Faculté de Droit de Montpellier le 7 février prochain. Intolérable pour le Conseil d’État, plus haute juridiction française, qui, dirigé par le polytechnicien Didier Tabuteau, ancien des cabinets des ministres socialistes Claude Évin, Martine Aubry et Bernard Kouchner (avant d’être le premier directeur général de l’Agence du médicament ! ), a annulé le 30 décembre cette trop indulgente à ses yeux et ordonné au CNESER de revoir sa copie, « les deux autres niveaux de sanctions possibles étant la mise à la retraite d’office ou la révocation ».
L’universitaire ostracisé paye-t-il certains de ses engagements politiques, en particulier son hostilité au mariage pour tous en 2012 et sa présence au Forum de la Dissidence organisée le 3 décembre dernier par Polémia ?
Faire face aux persécutions universitaires, par Jean-Luc Coronel de Boissezon [Vidéo]
Question légitime à voir le curriculum vitae de deux des membres du triumvirat contentieux chargé de statuer sur son sort. Le rapporteur public, Raphaël Chambon, est un ancien cadre de l’UNEF et surtout « la rapporteure » (sic), Thalia Breton, est une militante de gauche au long parcours : cadre de l’UNEF elle aussi mais également du PS où elle copina avec Harlem Désir puis membre des cabinets des ministres socialistes Marisol Touraine et Najat Vallaud-Belkacem avant d’intégrer tardivement intégré l’ENA et de rejoindre le Conseil d’État tout en restant un fleuron d’Osez le féminisme, le lobby fondé par la pétroleuse Caroline de Haas, qui préconisait d’« élargir les trottoirs » pour éviter au sexe faible d’être trop harcelé par les migrants. Ses hautes fonctions n’empêche pas la « rapporteuse » de se répandre à jet continu sur son compte Twitter où elle se réjouissait le 16 mai 2022, que « les juges des référés du Conseil d’État suspendent la dissolution du Groupe Antifasciste Lyon et Environs, les éléments avancés par le ministre de l’Intérieur ne permettant pas de démontrer qu’il a incité à commettre des actions violentes et troublé gravement l’ordre public » et affirmait le 13 octobre que « les propos sexistes et racistes, tenus par un salarié protégé visant […] des femmes d’origine maghrébine et de confession musulmane, constituent une faute d’une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ». Sitôt l’arrêt rendu dans l’affaire Coronel, Mme Breton a évidemment exprimé sa jubilation.
Si, on le sait depuis la Révolution, « la République n’a pas besoin de savants », elle ne semble pas avoir besoin de juristes. Mais, alors que le gouvernement souhaite reculer l’âge de la retraite, il est pour le moins paradoxal qu’il se prive d’un universitaire de très haut niveau, âgé de 55 ans seulement. Et paradoxal aussi que, tandis que le ministre de l’intérieur Darmanin ameute contre un phantasmatique néo-nazisme, soit appliqué en France le Berufsverbot (bannissement professionnel) institué en 1933 par le IIIe Reich à l’encontre de la minorité juive d’Allemagne et à ses opposants politiques.
Camille Galic
10/01/2023
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