« Un monde pacifié supposerait donc que les Américains renoncent au pharisianisme dans les relations diplomatiques futures. »
Les pires ennemis du Christ dans les Évangiles sont les pharisiens, secte qui se considérait comme meilleure moralement que le reste de l’humanité. Jésus les combat parce qu’ils sont mus par l’orgueil et sont toujours prêts à accuser d’impiété tous ceux qui ne leur plaisent pas. Dans sa première triade de la « Défense des Saints Hésychastes », le théologien byzantin Grégoire Palamas écrit :
« Les pharisiens ne veulent pas surveiller et purifier l’intérieur du vase, c’est-à-dire leur cœur, et, méprisant les traditions des Pères, ils cherchent à avoir sur tous la préséance comme de nouveaux maîtres de la loi ».
C’est ce comportement de pharisiens que l’on retrouve aujourd’hui notamment dans les jugements que la diplomatie américaine porte sur le monde. Celle-ci, qui se croit « maître de la loi » dans le monde, ne cesse de mettre en accusation les pays les plus divers tout en fermant les yeux sur ses propres pratiques. Elle n’éprouve aucun remords pour avoir déclenché une guerre contre l’Irak fondée sur le mensonge selon lequel ce pays détenait des « armes de destruction massive ». Elle prétend incarner l’État de droit et détient pendant des années des terroristes sans les juger dans des camps de concentration modernes comme à Guantanamo. On pourrait citer bien d’autres exemples.
Ce comportement hypocrite ne date malheureusement pas d’hier. Qui se souvient que la Cour suprême des États-Unis avait justifié l’esclavage au nom des droits de l’homme en 1857 dans son arrêt Dred Scott contre Sandford ? La Cour avait interdit à un territoire membre, le Missouri, d’abolir l’esclavage des Noirs comme il l’avait fait avec le compromis de 1820. Le motif était que le droit de propriété était un droit de l’homme absolu affirmé dans le fameux Bill of Rights qui fait partie des textes constitutionnels américains. Le président de la Cour Roger Taney écrivit même en 1857 que les Blancs ne sont tenus de respecter aucun droit des Noirs. Ce qui est très pharisien est de fonder cette décision sur les droits de l’homme eux-mêmes décrits dans le Bill of Rights .
Il semble bien que la guerre d’indépendance des États-Unis contre le roi d’Angleterre a été motivée par cette question de l’esclavage : en effet, en 1772, le juge suprême d’Angleterre Lord Mansfield déclara que l’esclavage était contraire à la loi naturelle. Dès lors tout esclave noir américain touchant le sol anglais était libre. Cette position de la justice anglaise révolta les propriétaires d’esclaves américains dont un des plus importants s’appelait Georges Washington ! Ceux-ci craignaient une jurisprudence du même type en Amérique et ils pensèrent que seule l’indépendance leur permettrait d’échapper au juge anglais ! Certes, direz-vous, mais c’est ancien. La guerre de Sécession, où l’armée du Nord tourna ses armes contre les citoyens du sud, faisant 620.000 morts, a permis de supprimer l’esclavage. C’est vrai mais Il n’empêche qu’utiliser l’armée contre ses propres citoyens est devenu un grave précédent dans l’histoire américaine.
Ce qui caractérise le comportement pharisien n’est pas seulement l’hypocrisie mais aussi l’arrogance ainsi que la volonté de punir, de sanctionner, ceux qui sont censés être des pêcheurs. La diplomatie pharisienne est donc moins fondée sur la négociation que sur la sanction unilatérale. Cette idéologie religieuse transposée dans le monde laïc représente aujourd’hui indiscutablement une grave menace contre la paix. Un monde pacifié supposerait donc que les Américains renoncent au pharisianisme dans les relations diplomatiques futures. En sont-ils capables moralement ? L’histoire le dira.
Ivan Blot
21/05/2014
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