« Au nom de l’égalité, le législateur et le juge ont créé une infinité de droits subjectifs qui paralysent toute politique d’intérêt général et détruisent la liberté commune au bénéfice de libertés particulières contraires au bien commun. » Tel est le constat de Jean-Louis Harouel, professeur agrégé de droit et professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas, dans son dernier livre, Les Mensonge de l’égalité (1). Ce professeur à qui nous devions déjà une utile critique des droits de l’homme (2), s’attaque maintenant à l’égalitarisme diffus qui infecte les sociétés occidentales et donc, au passage, la société française.
Qu’ils soient de gauche ou de droite, nous entendons sempiternellement nos politiciens et décideurs proclamer la nécessité d’aller vers plus d’égalité. Et pourtant, comme le constate l’auteur, « la volonté d’instaurer une parfaite égalité est le moteur du communisme, et celui-ci ne peut s’installer ni durer sans une politique de coercition totale fondée sur l’usage de la violence. » (3).
Les Mensonges de l’égalité doit être lu : il s’agit d’une vulgarisation au bon sens du terme, j’entends accessible à tout esprit curieux, et faisant le tour de la question.
Actualité de l’égalitarisme
La chute du communisme soviétique n’a pas entraîné l’évaporation de la mentalité marxiste, ni chez-nous ni en Europe où l’idéologie marxiste imprègne les mentalités, même en toute inconscience. En France, nous avons été particulièrement servis, puisque nous avons abandonné aux communistes le pouvoir culturel en 1945, avant de l’offrir derechef aux marxistes jean, rock, coca de Mai 68…
Jean-Louis Harouel, pour sa part, constate que le phénomène est porté par l’union des droits de l’homme et du wokisme. Ce dernier me semble être une sorte de trait d’union entre le marxisme résiduel et le puritanisme américain orphelin du Rédempteur : le pardon n’est pas possible vis-à-vis de l’homme blanc hétérosexuel…
Explorant nos institutions, l’auteur fait un état des lieux catastrophique.
Il constate le « saccage de l’enseignement au nom de l’égalité ». Infectés notamment par les théories de Pierre Bourdieu, « les intellectuels progressistes … ont pendant plus d’un demi-siècle exercé la direction de de l’enseignement français avec la bénédiction de ministres indifféremment de droite ou de gauche … (…) Aussi a-t-on choisi de détruire ou désactiver les mécanismes de sélection qui assuraient le bon niveau des études … (4), paradoxalement au détriment de la promotion sociales des classes populaires.
Quant à l’égalité entre les hommes et les femmes, elle vire à l’absurdité nihiliste, la négation de tout déterminisme sexuel ayant des conséquences démographiques socialement suicidaires.
L’auteur dénonce également la légende énoncée par Victor Hugo, selon qui : « C’est l’enfer des pauvres qui fait le paradis des riches. » ; l’économie n’est pas assimilable au partage d’un gâteau, n’en déplaise à Thomas Piketty, mais est commandée par la démographie et la productivité. Et de citer Jean Fourastié qui : « a repris livre après livre sa démonstration de l’impuissance de l’égalitarisme à enrichir une population. » (5)
Ce rappel au bon sens contre le wokisme : « Nous devons aux inégalités du passé l’essentiel de notre patrimoine intellectuel et artistique. (…) Art et culture sont le produit historique des inégalités. » (6).
Et n’oublions pas que « Derrière la revendication égalitaire, il y a l’envie. » (7). L’envie qui est probablement l’un des moteurs principaux de l’humanité…
Aux sources de l’égalitarisme
Jean-Louis Harouel veut exonérer le christianisme de toute responsabilité quant aux fondements des utopies égalitaristes qui ravagent l’Occident. Enfin, d’une certaine façon, reconnaissant toutefois la responsabilité des « hérésies » gnostiques et millénaristes. Ces hérésies n’en furent pas toujours, mais bon… L’angoisse millénariste, au demeurant, est d’actualité puisqu’elle se répand de nos jours, avec en toile de fond les vaticinations sur la fin du monde climatique si nous n’expions pas nos péchés.
Le livre refermé, force est de constater que les scories du marxisme, passé du matérialisme historique à l’idéalisme moral, rejoignent le moralisme essentiel des décombres du puritanisme américain, orphelin du Rédempteur, et infectent notre vie sociale et politique. La morale anti-discriminatoire, apparue il n’y a qu’une soixantaine d’années, érode toute vie sociale voire personnelle. C’est le nouvel ordre moral, qui appuie son empire par la coercition et Jean-Louis Harouel constate la fin de la liberté d’expression, soumise « au nom de l’égalité à un « régime disciplinaire » » (8), en reprenant cette expression à Pierre Manent.( (cf. lois Pleven, Gayssot, Lellouche ou Perben II).
Le communisme est de retour, mais, n’en déplaise à Olivier Besancenot, en communion avec le système capitaliste quant à la morale sociétale et anti-discriminatoire (cf. travaux de Jean-Claude Michéa), il s’arrêtera au perron de la Bourse.
Éric Delcroix
24/10/2023
Notes
- Éditions de l’Artilleur, septembre 2023 (citation précédente, p. 221).
- Les droits de l’homme contre le peuple, Éditions Desclées de Brouwer, 2016.
- Op. Cit. p. 21.
- Op. Cit, pp. 37 et 38.
- Op. Cit., p. 109.
- Op. Cit., p. 131.
- Op. Cit., p. 186.
- Op. Cit., p.79.
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