Michel Geoffroy, essayiste…
♦ On trouvera ci-après, avec quelque retard, le texte de l’intervention de Michel Geoffroy lors du Carrefour de l’Horloge du 23 mars 2017 qui portait à l’époque, c’est-à-dire avant les élections, le titre prémonitoire suivant : « L’oligarchie va-t-elle confisquer l’élection présidentielle ? »…
La présentation en est faite en 2 parties.
Les lecteurs qui le souhaiteront pourront lire l’intégralité de l’article en PDF ICI :
https://www.polemia.com/wp-content/uploads/2017/05/polemia-lesmanigancesdelasuperclassemondiale-170521023606.pdf
Polémia
Je remercie le Carrefour de l’Horloge de m’avoir invité pour évoquer la superclasse mondiale, ses pompes et ses œuvres, puisque c’est l’autre nom de l’oligarchie qui a pris le pouvoir en Occident après la chute de l’URSS.
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Confiscation de la souveraineté populaire en Europe par la superclasse mondiale
Les élections présidentielles françaises de 2017 montrent en effet que l’oligarchie est en passe de franchir une nouvelle étape dans la confiscation de la souveraineté populaire en Europe.
Le vote britannique pour le Brexit et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis ont constitué une grave alerte pour la superclasse mondiale : car ces votes ont montré, dans les deux pays qui ont été à l’origine du mondialisme contemporain, que la population rejetait désormais la politique menée par l’oligarchie. Comme l’illustre aussi la progression continue des votes en faveur des mouvements populistes et identitaires en Europe.
Cette progression renouvelle le clivage politique en Occident : moins horizontal comme l’a été l’opposition gauche/droite, et plus vertical opposant les peuples aux oligarchies, les majorités aux minorités dirigeantes, le monde d’en bas au monde d’en haut.
La haine de la démocratie
Le rapport Global Risks 2017 présenté au Forum de Davos de janvier 2017 n’a pas hésité à pointer comme risques le Brexit, l’élection de Donald Trump et l’échec du référendum de Matteo Renzi en Italie, en soulignant que les campagnes électorales de ces trois pays « ont mis en évidence le phénomène de désinformation rapide » des opinions publiques, résultant « d’une fragilisation de la confiance des populations ».
Les participants au Forum en déduisent « le besoin de mieux protéger nos systèmes de contrôle qualité de l’information » et que « les principaux facteurs de risque peuvent être endigués en créant des sociétés plus inclusives basées sur la coopération internationale et une vision à long terme (1) ».
Derrière ce pathos on comprend surtout que la démocratie constitue un risque pour la superclasse mondiale qu’il faut endiguer et que, pour s’en prémunir, elle compte sur un meilleur contrôle de l’information : donc que le Forum préconise une plus grande censure de l’information ! Au prétexte que si les peuples votent mal ce serait à cause des fake news de la réinfosphère.
Car pour l’oligarchie quand le peuple vote comme elle le souhaite cela s’appelle la démocratie. Dans le cas contraire c’est du populisme. Ou alors la faute à la Russie !
Après le Brexit on a d’ailleurs vu les porte-parole de l’oligarchie dévoiler leur profonde aversion de la souveraineté populaire.
Ainsi pour D. Cohn-Bendit « Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison » (2). Le journaliste Jean-Michel Apathie estimait de son côté qu’il « faut s’interroger sur la question du suffrage universel » (3). Et Emmanuel Macron, que « l’histoire a montré que quand on suit parfois la volonté des peuples, surtout dans des moments difficiles, on se trompe (4) ».
Jacques Attali, dans une tribune de l’hebdomadaire l’Express a d’ailleurs proposé une réforme constitutionnelle afin de déterminer les « sujets qu’un seul vote majoritaire du peuple ne pourrait suffire à trancher » et qui « seraient sanctuarisés en les inscrivant dans la Constitution (5) ». Sa tribune s’intitule d’ailleurs « Sanctuariser le progrès » : ce qui signifie, en novlangue, sanctuariser l’idéologie libérale/libertaire et le cosmopolitisme auxquels adhère l’oligarchie.
En d’autres termes il faut tout faire pour museler les électeurs en Europe car c’est la clef du pouvoir de la superclasse mondiale ! Et à l’évidence, l’oligarchie veille tout particulièrement aux élections qui ont lieu en 2017 en Europe, et donc en France, afin d’éviter à tout prix un renouvellement du scénario britannique ou américain.
Avant que d’autres intervenants n’approfondissent les manigances électorales de l’oligarchie, je voudrais revenir sur la superclasse mondiale : que désigne-t-on sous cette expression ? Que veut-elle et quels sont ses principaux moyens d’action actuels ?
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1/ – Qu’est ce que la superclasse mondiale ?
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1.1.
Au plan sociologique la superclasse mondiale correspond à l’aboutissement de la révolte des élites, telle que l’avait analysée Christopher Lasch dès 1995 (6).
La disparition de l’éventualité de la révolution socialiste après la chute de l’URSS a eu pour effet paradoxal d’ouvrir au sommet de la hiérarchie sociale et aux plus riches la possibilité de… révolutionner la société à leur profit. La superclasse mondiale incarne la révolution qui vient non plus d’en bas – du prolétariat désormais marginalisé par l’immigration et déclinant du fait de la désindustrialisation – mais du haut de la société.
L’histoire présente, certes, des exemples de révolution initiée par en haut. Pierre le Grand ou Mustapha Kemal ont bien révolutionné leur pays, par le haut. L’action de la superclasse mondiale diffère de ces précédents sur deux points essentiels :
– d’une part elle poursuit un objectif mondialiste : elle ne vise pas à renforcer une nation ou un Etat, mais au contraire à supplanter et dissoudre toutes les nations pour les remplacer par une « gouvernance mondiale » qu’elle dirigerait. Parce que la superclasse mondiale est cosmopolite ;
– d’autre part elle n’émane pas de la souveraineté politique mais du pouvoir de l’argent, dégagé de toute limite.
La superclasse mondiale repose en effet sur l’émancipation du pouvoir économique et financier vis-à-vis de la souveraineté du politique dans les sociétés occidentales :
– Une émancipation territoriale avec la mondialisation des échanges et la déterritorialisation de la richesse ;
– Une émancipation de la matérialité de l’argent et de l’économie elle-même, avec la financiarisation et la promotion d’un capital fictif ;
– Une émancipation sociale enfin, puisque la fin du socialisme, marquée par la chute de l’URSS et par le ralliement de la gauche au néo-capitalisme mondialisé, signifie que désormais le patronat et les super-riches n’ont plus peur du peuple – et qu’ils peuvent en outre en changer à volonté avec la délocalisation et l’immigration.
Le nouveau pouvoir économique et financier mondialisé ne reconnaît plus aucune limite à son développement ni à son pouvoir. Son instrument, le néo-capitalisme, repose sur une logique de fuite en avant par la création de besoins sans cesse renouvelés et étendue à toute la planète, puis à la nature de l’homme lui-même.
Avec la révolution culturelle des années 1960, le néo-capitalisme s’est rallié en effet à l’idéologie libertaire et hédoniste, comme levier en faveur de l’expansion de la société de marché. Le « Jouissons sans contrainte » des soixante-huitards a ouvert la voie au « Consommons sans limite », notamment grâce à l’explosion du crédit, à l’ahurissement publicitaire et grâce à la déconstruction méthodique des obstacles culturels à la domination de l’argent, présentés comme ringards, machos ou réacs. Cela avec le précieux concours des idiots utiles de l’oligarchie : l’extrême gauche.
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1.2.
L’expression superclasse mondiale renvoie concrètement à une triple réalité :
– Il s’agit bien d’une classe, donc d’un groupe social, qui présente des traits particuliers et durables qui le distinguent des autres ;
– Cette classe se situe au-dessus (super) des anciennes élites nationales et hors de la portée, voire de la vue des peuples ;
– Cette classe est transnationale et son mode d’action est mondial comme son projet est cosmopolite.
Cette superclasse se présente comme un ensemble de quatre cercles concentriques qui a la richesse ou l’argent comme dénominateur commun, cette richesse provenant principalement de la financiarisation de l’économie, de la dérégulation et de la mondialisation.
Quels sont ces différents cercles ?
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Le cercle de l’élite financière mondiale
Au centre de la superclasse mondiale se tient l’élite financière mondiale : les responsables des institutions financières internationales et des banques centrales, les dirigeants des grandes entreprises cotées et mondiales, les grands opérateurs financiers et les personnes les plus riches de la planète, ou du moins des pays développés.
Ce cercle concentre à lui seul l’essentiel de la richesse mondiale : d’après l’ONU, 10% de la population mondiale contrôlerait 85% des richesses, 2% la moitié et 1% : 40% (7).
L’épicentre de ce cercle se situe aux Etats-Unis, pays le plus riche du monde.
L’Amérique du Nord abrite également le siège des plus grandes institutions financières internationales et des grandes firmes. Elle est enfin l’épicentre du pouvoir médiatique mondial, en particulier cinématographique et télévisé.
Cette élite financière se connaît, se rencontre, parcourt le monde, parle la même langue (l’anglais) et finit par partager plus de dénominateurs communs qu’elle n’en a avec ses concitoyens respectifs.
« I am not a Frenchman » aurait déclaré significativement Jean-Claude Trichet lors de sa prise de fonction à la tête de la Banque Centrale européenne en 2003 ! Je ne suis pas Français et il le dit en anglais…
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Le cercle des médias et de la culture
Pourquoi ? Parce que les super-riches et les grands patrons possèdent la plupart des médias mainstream en Occident.
Ce n’est pas seulement pour de la diversification financière mais parce que les médias permettent d’influencer les décideurs, la classe politique ainsi que la population. Je renvoie sur ce plan aux travaux de la Fondation Polémia et à l’ouvrage de Benjamin Dormann : Ils ont acheté la presse.
Il faut donc être milliardaire, comme le candidat Républicain Donald Trump, pour se permettre de se mettre à dos les médias pendant une campagne électorale !
Les médias commandent aussi l’accès à la culture, qui constitue l’autre composante du second cercle d’appartenance à la superclasse mondiale. Car les médias font les réputations culturelles comme ils font les réputations politiques.
Les médias permettent aussi de faire la renommée des intellectuels médiatiques, justement, ces essayistes – dont les « nouveaux philosophes » ont constitué le prototype à la fin des années 1970 – que l’on voit partout, qui ont leurs entrées dans les grandes écoles, dont on lit partout la prose édifiante et bien-pensante et que le patronat adore inviter dans ses colloques : Michel Crozier, Alain Touraine, Edgar Morin, Pierre Bourdieu, Bernard-Henri Lévy, Alain Minc, Jacques Attali, Boris Cyrulnik, par exemple, pour ne citer que les plus célèbres de ces maîtres-penseurs encensés et portés par le Système médiatique. Ce sont les zélés relais des préoccupations de la superclasse mondiale car ces intellectuels médiatiques, grands contempteurs de « la société bloquée », de « l’exception française » et de la « France rance », ont contribué à diffuser partout la doxa libérale/libertaire de la nouvelle oligarchie. Ce sont les « intellectuels organiques », comme disait Gramsci, de la superclasse mondiale !
On n’oubliera pas non plus la catégorie des vedettes du show-business et du cinéma qui constituent un précieux relais dans la diffusion de l’idéologie de la superclasse mondiale. On a vu ainsi, lors de la campagne présidentielle américaine, quasiment tout le gratin d’Hollywood prendre position contre la candidature de Donald Trump.
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Le cercle des entités non gouvernementales
Il comprend les ONG, les fondations et ce que l’on nomme la société civile.
Le premier cercle de la superclasse mondiale a justement massivement investi dans les ONG et les Fondations : ce qu’on appelle en novlangue la philanthropie qui représenterait 56% des investissements libres des milliardaires en 2015 (8). Pourquoi ? Pour faire avancer leur idéologie et marginaliser la régulation politique des Etats.
La majorité des ONG caritatives, écologistes, humanitaires et autres défenseurs des droits de l’homme et de la cause animale (l’ONU en reconnaît 1300…) sont en effet d’origine anglo-saxonne. Leur action correspond donc souvent à la promotion de la conception du monde ou des intérêts anglo-saxons, qu’il s’agisse de la promotion des droits de l’homme, de la promotion des minorités ou de la lutte contre les essais nucléaires.
Les ONG constituent surtout un remarquable instrument de contournement de la souveraineté des Etats et de prise en charge directe des populations, sous différents prétextes, comme l’urgence humanitaire ou écologique, et au nom d’un devoir d’ingérence de nature idéologique aux mains de l’oligarchie.
De même certaines Fondations jouent un rôle particulier au service de la superclasse mondiale, comme, par exemple, l’Open Society Foundations, un réseau de fondations créé en 1979 par le milliardaire américain George Soros. A l’origine l’Open Society se donne pour mission de favoriser la transition démocratique des anciens pays communistes. Mais on s’aperçoit vite que sa conception de la démocratie est sans-frontiériste, immigrationniste et mondialiste.
De son côté, la société civile est un concept fourre-tout rassemblant tout ce qui ne relève pas strictement des institutions publiques et des entreprises, mais qui exerce une influence reconnue sur la vie d’une nation.
Ce « troisième secteur », comme dit l’ONU, comprend principalement les associations, les organisations professionnelles et syndicales, les représentants des cultes, les clubs de réflexion et « think tanks » et ce que l’on nomme désormais les « autorités morales » : autre concept flou qui vise à regrouper ceux censés agir pour le respect des droits de l’homme, en particulier toute la mouvance des associations dites « antiracistes » et de « défense communautaire » qui s’est progressivement imposée en France à partir de la loi Pleven de 1972, mais aussi les différentes obédiences maçonniques, par exemple.
Il s’agit donc, comme pour les ONG, d’une galaxie en expansion. Mais cette société civile présente des caractéristiques communes.
La « société civile » permet en effet d’influencer le Pouvoir, tout en échappant à la régulation du Pouvoir en démocratie, c’est-à-dire à l’obligation de se soumettre au verdict électoral. Les gouvernements écoutent ainsi les « autorités morales » pour traiter par exemple de l’immigration au même titre et souvent plus, que les parlementaires et a fortiori que les électeurs.
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Le cercle étatique et de la haute administration
C’est le cercle de la trahison des élites publiques, notamment en France.
En 1988, Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, publie un petit livre au titre évocateur : La France par l’Europe (9) » : « La France, à la veille du troisième millénaire (…) doit en finir avec ses guerres intestines et s’ouvrir au grand large. Ainsi l’interdépendance mondiale et les perspectives européennes, en particulier, la conduiront-elles inéluctablement à redéfinir le rôle de l’Etat, son rapport à la société civile comme aux instances politiques territoriales. »
Delors ne livre pas une réflexion mais un programme : celui de la trahison des élites publiques
Car l’Europe et le « grand large », c’est-à-dire « l’ouverture des frontières » et la « mondialisation économique », vont enfin leur fournir le levier permettant de faire sauter les fameux « blocages » nationaux et leur fournir aussi le levier qui va permettre de se passer de l’approbation populaire – au nom de l’Europe, qu’il faut toujours « construire », et de la nécessité de s’adapter, en réalité d’adapter les autres, au « grand large ».
Ce sera un programme de rupture et de déconstruction :
– La rupture avec la souveraineté nationale d’abord, grâce aux transferts de souveraineté monétaire, puis budgétaire, au profit de l’Union européenne ; et demain du « gouvernement économique », comme le préconise Emmanuel Macron ;
– La rupture avec le consentement populaire ensuite, symbolisée par le Traité de Lisbonne imposé en 2009, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, malgré le vote négatif des Français au référendum sur le projet de Traité Constitutionnel européen en 2005. Une rupture illustrée de nouveau en 2015 lors de la crise migratoire, par le diktat allemand de répartir partout des quotas d’immigrants clandestins en Europe sans consultation des autochtones ;
– La rupture avec l’identité nationale. Déjà en germe dans la loi Pleven de 1972 qui assimile la prise en compte de la nationalité à une discrimination comparable au racisme, la détestation de l’identité française et européenne devient le mot d’ordre de la bourgeoisie d’Etat.
(A suivre)
Michel Geoffroy
Publié le 21/05/2017
Correspondance Polémia – 21/05/2017
Image : Superclasse : Conseil d’administration et comité exécutif
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