« La médaille, celle qui revient de droit à nos médias, champions toutes catégories du Bobard d’Or antirusse ! »
Les médias occidentaux l’avouent timidement maintenant que la fête est finie : les Jeux de Sotchi ont bien été un succès russe. Pas d’attentats tant désirés par les Occidentaux : seulement du sport. La Russie, le « pays de Poutine », comme dit si joliment le journal Le Monde (lemonde.fr du 24 février 2014), a en outre remporté beaucoup de médailles. Cela n’a pas empêché nos médias de se livrer en permanence à un « Sotchi bashing » permanent. Retour sur image pour ceux qui auraient déjà la mémoire courte.
Les Jeux sécuritaires
D’abord on nous a présenté négativement le fait que les Russes mobilisaient leurs forces de sécurité pour prévenir les attentats, qui effectivement n’ont pas eu lieu.
On nous a donc dépeint Sotchi et ses environs sous les couleurs d’un État policier miniature. « JO de Sotchi : le camp retranché de Poutine », titre ainsi Le Monde du 6 février 2014, qui ajoute : « Sotchi en état de siège à la veille des Jeux ». Le Figaro n’est pas en reste qui souligne encore aujourd’hui « le climat trop sécuritaire » de ces Jeux et « les 100.000 représentants des forces de l’ordre déployés autour des sites » (lefigaro.fr du 23 février 2014). Quel scandale en effet que les Russes veuillent éviter les attentats ! On nous a même dit que des policiers cosaques brutalisaient les gentilles Femen. On imagine la scène, à la limite du sado-maso !
Les moralistes médiatiques
Le journal Le Figaro nous explique aussi, dans le même registre, que « les JO finis, 400 personnes devant la justice » (25 février 2013) : il s’agit, nous dit-on, d’une « vague d’interpellations ». Vraiment, quel enfer que la Russie ! À noter toutefois que 400 interpellations dans un pays de 143 millions d’habitants constitue une répression moindre que celle en usage contre les Français des Manifs pour tous, mais passons.
Soyons assurés, toutefois, que si par malheur des attentats avaient eu lieu, les mêmes moralistes médiatiques – qui trouvent très bien, par contre, que l’on mobilise nos forces de l’ordre contre les opposants à la loi Taubira mais pas contre les hooligans d’extrême gauche qui saccagent Nantes – auraient alors dénoncé l’impéritie russe.
Qui veut noyer son Poutine l’accuse de la rage comme on dit dans les salles de rédaction.
Les Jeux de Berlin
À l’évidence il s’agissait pour nos médias bien pensants de jeux totalitaires.
D’ailleurs le philosophe de service Roger Pol-Droit se fend, comme par hasard dans le journal économique Les Échos, d’une chronique loufoque intitulée « La face noire de l’Olympisme » (Les Échos du 21 février 2014), pour l’édification de nos cadres d’entreprise, sans doute. D’après l’auteur, en effet, « un large pan de l’esprit olympique est étroitement lié au fascisme, au racisme et au sexisme ». Bon sang mais c’est bien sûr : Pierre de Coubertin était fasciste et Poutine est son prophète !
D’ailleurs, vous vous souvenez : on nous a dépeint, au début des Jeux, ces fachos de Russes qui allaient nuire à la spontanéité et à la qualité des compétitions en écartant les athlètes gays ou lesbiens.
Bref : Sotchi et les Jeux de Berlin de 1936, même combat, la neige en plus.
Des Jeux pour les sportifs quel scandale !
Le Sotchi basching a ensuite porté sur les conditions d’accueil des journalistes.
Quelle audace encore : les Russes ne traitaient pas la gens médiatique occidentale avec tous les égards dus à son rang. On nous a alors cassé les oreilles avec des histoires de robinets qui fuyaient, de toilettes bouchées ou d’annexes non terminées dans les délais : une nouvelle preuve que ces Russes restent des moujiks arriérés, évidemment.
« Sotchi : des Jeux patriotiques dans une Russie à l’économie fragile », titrait d’ailleurs avec une horreur mal dissimulée Le Monde dans son édition du 9 février 2014 ; une « économie encalminée, rongée par l’absence d’État de droit, la corruption et l’inefficacité », écrivait ce grand quotidien de référence. Et, en plus, les Russes sont patriotes, ces arriérés ! « À Sotchi, chronique de la corruption ordinaire », titre aussi Les Échos du 7 février 2014. Car ces mafieux de Russes sont corrompus. Ce n’est pas en France ou aux États-Unis que pareille chose arriverait, on s’en doute.
Non seulement les Russes nous menacent mais leur économie est nulle. C’est vrai qu’ils ont près de… 5% de chômeurs. Vous vous rendez compte ! Quel désastre !
Quel dommage aussi que le président du CIO, Thomas Bach, ait rétabli les choses en rappelant que « les Jeux sont faits pour les sportifs », pas pour le confort des journalistes.
L’argent des pauvres
Nos médias ont néanmoins poursuivi dans le registre de l’argent, la seule valeur qu’ils respectent.
Ils nous ont expliqué d’abord que ces Jeux étaient « les plus chers de l’histoire » : notez qu’aux États-Unis ou au Qatar cela passerait pour un compliment. Mais quand cela se passe en Russie cela devient au contraire un crime.
Puis nos médias ont mis en scène ces pauvres Russes expropriés pour faire place aux installations sportives ou aux infrastructures. Notez le bel effet de bascule entre l’image des riches oligarques mafieux et celle des pauvres autochtones s’entassant dans les bidonvilles à cause de la volonté de puissance du terrible Poutine. Du bel ouvrage.
Évidemment, ces mêmes médias font preuve de beaucoup plus de discrétion quand il s’agit d’évoquer le sort des personnes expropriées pour les mêmes raisons ailleurs qu’en Russie. Mais quand on a la haine, on ne compte pas !
Le coup de grâce
Mais le coup de pied de l’âne revient quand même au Figaro qui, après avoir cité le vice-premier ministre russe se félicitant que « les Jeux ont permis à la Russie d’être un peu plus proche et mieux comprise dans le monde », ajoute sentencieusement que ce même vice-ministre « oubliait cependant un peu vite la question ukrainienne » (lefigaro.fr du 23 février 2014). Bref, si l’on comprend bien ce quotidien du matin, ce salaud de Poutine aurait organisé les Jeux pour détourner l’attention de la répression des manifestants ukrainiens. Manifestement Poutine a dépassé Machiavel !
Évidemment, il ne vient pas à l’idée de notre brillant journaliste que l’inverse pourrait être vrai : et que la déstabilisation réussie du gouvernement ukrainien se soit justement déroulée quand la Russie avait l’attention fixée sur Sotchi…
Ces Jeux nous auront en tout cas apporté à nous Français une autre belle médaille : celle qui revient de droit à nos médias, champions toutes catégories du Bobard d’Or antirusse !
Michel Geoffroy
25/02/2014
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