Jean-Paul Baquiast, ENA, ancien haut fonctionnaire, carrière administrative au ministère de l’Economie et des Finances, essayiste.
Dans la guerre que Recep Tayyp Erdogan avait depuis longtemps déclarée à la Russie, avec le soutien américain, et qui a culminé avec la destruction d’un chasseur bombardier russe, l’Otan (autrement dit là encore l’Amérique) attendait une riposte militaire russe sur le territoire turc.
Cela aurait été l’occasion rêvée pour engager l’Otan tout entière dans une riposte militaire contre la Russie, selon le principe qu’une « agression » contre l’un de ses membres, en l’espèce la Turquie, devrait entraîner une riposte de l’organisation tout entière – y compris la France.
Or, à la déception générale au sein de l’Otan, Vladimir Poutine n’a pas riposté militairement. Il a par contre confirmé, dans son récent discours du 3 décembre devant le monde politique russe que la Russie n’oublierait jamais. Ceci se traduira par des sanctions économiques, abandon du projet de Turkishstream et de centrale nucléaire russo-turque, notamment. Mais il fallait faire plus dans l’immédiat pour rassurer l’opinion interne en Russie et surtout porter la crainte dans l’opinion turque, en Turquie et dans les pays turcophones et turcophiles.
Pour cela, le Kremlin s’est borné à organiser une conférence devant des représentants de la presse internationale. Quatre officiers supérieurs russes y ont apporté des preuves incontestables, car résultant d’images aériennes et d’images satellitaires, de l’implication de la Turquie dans le financement de Daesh, qu’Erdogan prétend combattre par ailleurs. Ces images sont accessibles au profit des opinions publiques mondiales dans une vidéo disponible sur le site de RT. Les militaires russes y montrent les trois voies d’exportation du pétrole extrait par Daesh en Irak et en Syrie. Des files interminables de camions citernes les véhiculent vers la Turquie, en direction d’un port maritime et de raffineries turques.
Les vidéos ne le montrent pas, mais d’autres sources, russes et américano-européennes, savent depuis longtemps qu’une grande partie des profits générés par la vente de ce pétrole en Turquie est reversée à Daesh, la famille de Erdogan, dont son fils, se servant généreusement au passage. Les vidéos montrent par contre le début des attaques menées par l’aviation russe sur les sites pétroliers et les camions citernes de Daesh en Irak et Syrie. Nul n’ignorait d’ailleurs dans la coalition américano-saoudienne que la Turquie était fortement impliquée dans ces trafics au profit de Daesh. Pratiquement cependant, comme le montrent les vidéos, aucune attaque occidentale n’avait jusqu’à ces derniers jours été menée (sauf par la France, mais très marginalement) contre ce qu’il faut bien nommer le nerf de la guerre de Daesh. Les dénégations du Département d’Etat américain sont pathétiques.
Dans la nouvelle forme de guerre menée par la Russie contre la Turquie, guerre de communication ne faisant appel qu’à des images authentifiables, la Turquie reste sans riposte possible. Elle devrait perdre tout crédit auprès de l’Union européenne, si celle-ci n’était pas devenue un simple instrument de Washington. En tout cas, la presse internationale réunie à Moscou en tirera des conclusions certaines. Poutine, déjà très crédible et persuasif, n’en trouvera que plus de crédit. Nous devons malheureusement noter que les médias officiels français, qui ne pouvaient ignorer les preuves fournies par les militaires russes, n’en ont tenu aucun compte et ont fait à ce sujet le plus grand silence, si grand est chez eux l’anti-poutinisme primaire – la palme en ce domaine allant à Libération et à la 2e chaine de télévision.
Concernant l’opinion américaine, la tuerie menée à San Bernardino, et très certainement imputable à un terroriste piloté par Daesh, obligera à poser des questions à Barack Obama lui-même. Etait-il bien prudent de soutenir financièrement Daesh ? Contrairement à ce que pouvaient penser les Américains, la grande mare (l’Atlantique) n’est pas une protection contre cette forme de terrorisme.
Grâce à Internet, les citoyens français pourront accéder directement aux éléments du dossier. RT publie sur son site une retranscription intégrale de la conférence de presse, accompagnée de cartes et photographies. Les propos des conférenciers russes sont traduits en français.
Jean-Paul Baquiast
4/12/2015
Source : Pour une Europe solidaire
http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=1997&r_id=
Voir : https://francais.rt.com/international/11395-larmee-russe-tiendra-point-presse
Correspondance Polémia – 6/12/2015
Image : Camions–citernes bombardés