Du jamais vu : des généraux d’active montent au front !
Il s’est passé un truc absolument incroyable dans l’armée française, ou du moins ce qu’il en reste. Les principaux dirigeants de cette noble institution, à savoir le chef d’état-major des armées, le récemment nommé Pierre de Villiers, et ses trois subordonnés de l’armée de terre, de la marine et de l’armée de l’air, auraient explicitement indiqué à leur tutelle, avec fuite dans la presse autorisée, qu’ils n’étaient pas prêts à assumer le rabotage supplémentaire que Bercy veut imposer aux armées dans le cadre de la recherche des 50 milliards d’économie.
Trois réactions me viennent spontanément.
La première, c’est que la parole de l’État ne vaut vraiment plus rien. Il y a moins d’un an, à l’issue d’un travail important, de multiples scénarios et d’arbitrages divers, le président sanctuarisait une LPM (loi de programmation militaire) déjà particulièrement sévère pour les armées. Cet engagement ne vaut en fait rien, puisque le voilà profondément remis en cause par les crânes d’œuf de Bercy, décidément plus audacieux pour mettre les militaires à la disette que d’autres types de fonctionnaires syndicalisés et manifestolâtres.
La seconde, c’est qu’il faut vraiment que la parole présidentielle soit affaiblie pour que le ministre de la Défense et les hauts gradés de l’Hôtel de Brienne s’autorisent à « l’ouvrir » ainsi. Jamais telle scène ne s’était produite par le passé (*) et je n’ai pas souvenir qu’une scène similaire se fût tenue dans un autre pays que le nôtre. Tant mieux si cette expression permet de sauver les meubles à l’instant même où nos forces sont requises, pour plus longtemps que prévu, de Kidal à Bangui. Mais c’est quand même frappant et triste de constater que, visiblement, plus rien ne semble tenu au plus haut sommet de l’État, qui inspire désormais plus de mépris ou d’ironie que de crainte.
La troisième, c’est que ces messieurs les étoilés ont visiblement retrouvé le courage de leurs vingt ans, de leurs années de commandement en unité où, en casoar et gants blancs, ils menaient leur section ou compagnie à l’assaut de leurs épiques rêves de jeunesse. On a très peu dit, en effet, que les différentes réformes des armées françaises se sont bien souvent déroulées grâce à la complicité passive, quand ce n’était pas active, des généraux français.
Bien logés et bien nourris, bien payés et souvent flattés, ces derniers ont largement cautionné un système qui exposait l’homme de troupe et faisait le lit des rêves des méritants officiers subalternes, de quinze ans leurs cadets. A l’exception notable de quelques très rares généraux, il fallait attendre la mise en retraite (pardon, le placement dans le cadre de réserve) de ces messieurs pour les entendre enfin toussoter et se plaindre.
Certes, il aura fallu l’indigence des budgets militaires, la grossière arrogance de Bercy et la faiblesse présidentielle pour que nos quatre grands chefs du moment retrouvent le chemin du courage et de l’honneur. C’est un bon début…
Philippe Christele
Source : Boulevard Voltaire
25/05/2014
Note
(*) En dehors du général Delaunay, chef d’état-major de l’armée de terre, qui a démissionné en 1983.