La situation du premier ministre sous la Ve République n’est guère enviable : soit il est mis en court-circuit par l’Élysée, comme au temps de l’hyper-président Sarkozy, soit il sert de fusible au président, soit il doit cohabiter avec un président qui n’appartient pas à la même majorité que lui. On sait maintenant qu’avec une présidence « normale », manifestement cela ne va pas mieux. Il suffit de voir la tête d’enclume que fait désormais Jean-Marc Ayrault.
Pauvre Jean-Marc ! Le voici désigné à la vindicte médiatique et politique, y compris dans son propre camp dès qu’il ouvre la bouche.
Pourtant Jean-Marc avait toutes les chances de son côté : élu local et parlementaire il devait connaître les préoccupations du terrain. Doté d’une majorité à l’Assemblée, alors que la gauche cumulait tous les pouvoirs – une première sous la Ve République – il ne devait pas avoir de souci politique à court terme. Et, professeur d’allemand, on nous disait qu’il n’aurait aucun mal à s’entendre avec la vraie patronne du club, la sévère madame Angela.
Mais six mois après la victoire des socialistes, Jean-Marc donne le sentiment de ne plus rien maîtriser du tout, même pas la communication ministérielle : un comble pour un politicien !
Il serait facile d’accuser Jean-Marc d’amateurisme, mais ce serait injuste car la faute incombe en réalité à Nicolas Ier et à François II.
La faute à Nicolas Ier
La faute incombe d’abord à Nicolas Ier parce que la victoire de François Hollande repose non pas sur l’adhésion de l’électorat au programme socialiste, mais sur le rejet de la personne du président Sarkozy sortant. Ce faisant Nicolas Ier a joué, malgré lui, un vilain tour à la gauche en lui donnant le pouvoir alors que la France s’enfonçait dans la crise.
Cette victoire, la gauche n’y croyait pas et s’y est mal préparée : un comble quand on connaît les positions qu’elle avait pourtant su gagner dans l’appareil d’Etat, dans les milieux intellectuels, les médias et les grandes entreprises.
François II n’est pas François I
La faute incombe ensuite au chef direct de Jean-Marc, c’est-à-dire à François II car ce dernier ne ressemble que de très loin à François Ier du nom, qui fut élu en 1981.
François Mitterrand avait déjà une longue expérience gouvernementale, en effet. Homme venu de la droite, il avait en outre défié De Gaulle en 1965, au nom de la gauche : tout autre chose que d’affronter les « primaires » du parti socialiste ! François I avait dû ensuite s’imposer au parti socialiste, puis négocier durement pour mettre sur pied la stratégie victorieuse d’union de la gauche et finalement marginaliser le parti communiste.
François II, lui, s’est borné à ramasser l’onction socialiste après que DSK, qui devait être le véritable champion de la gauche, eut été providentiellement éliminé.
La désillusion
Nos concitoyens n’avaient donc pas lu le programme de Francois II, tant il leur importait de se séparer de Nicolas Ier. Aujourd’hui, ils découvrent avec stupeur que rien ne va vraiment changer dans leur quotidien, sinon en pire.
Ils découvrent qu’ils vont devoir payer encore plus d’impôts, de taxes, de contributions, de cotisations, que la crise continue et que le chômage ne diminue pas plus que l’insécurité.
Ils découvrent aussi que la nouvelle majorité se préoccupe avec empressement de sujets qui ne les concernent pas, ou bien, pire encore, qu’ils ressentent comme un affront à leurs convictions profondes : le mariage pour les homosexuels, le droit de vote pour les étrangers non européens, le sort des roms ou bien encore la culpabilité de la France vis-à-vis de l’Algérie…
C’est que Jean-Marc se montre d’autant plus actif en la matière que, pour le reste, les résultats laissent à désirer : mais, hélas pour la gauche, nos concitoyens se rendent très bien compte de ce manège dérisoire.
La chute de popularité de Jean-Marc et de François II, beaucoup plus rapide que celle de Nicolas Ier (mais les médias ont eu la délicatesse de ne pas s’appesantir là-dessus), résulte de ce cruel constat.
Une majorité d’enclumes
C’est que le programme socialiste, improvisé dans la perspective des élections de 2012, repose sur un logiciel dépassé, dont les maîtres mots sont égalitarisme, redistribution, immigrationnisme et statu quo sur tout le reste. Et pour cause : l’idéologie de gauche règne en maîtresse sur l’oligarchie depuis 30 ans : ce n’est donc pas de ce côté que viendra le renouveau ! Ni en Europe ni en France !
Mais à la différence de François I, François II ne sait pas sortir de ce carcan absurde.
François I a choisi le tournant de la rigueur en 1983, rompant délibérément avec son programme électoral et finalement avec l’union de la gauche. En 1984, devant la mobilisation populaire il a aussi rompu avec le programme commun en matière scolaire, pourtant soutenu par son parti, le PS. En homme d’Etat, François I a su faire prévaloir l’intérêt général sur l’esprit de parti.
François II, lui, se cramponne à son programme comme à une bouée de sauvetage, dans la tempête qui s’annonce.
Il ne voit pas que cette bouée est en réalité une enclume qui les entraîne, lui et Jean-Marc, vers le fond. Le fond se mesure pour le moment à seulement 36% de personnes interrogées faisant confiance au président de la République et 34% au premier ministre (sondage TNS SOFRES des 25 et 26 octobre 2012). Au bout de seulement six mois d’exercice du pouvoir, Jean-Marc et François ont sans doute une satisfaction : le fond n’est pas encore atteint, assurément !
Michel Geoffroy
05/11/2012
Photo : Jean-Marc Ayrault en mars 2014. Auteur : ActuaLitté. Licence : CC BY-SA 2.0 Deed. Source : flickr.com
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