Par Pierre Boisguilbert ♦ Peut-il y avoir une alternative pour le mouvement national identitaire français en dehors de la marque et de la firme Le Pen ? C’est tout le pari d’Éric Zemmour, mais ce n’est pas la première fois que ce pari est tenté.
Il est bien évident que les hésitations de Nicolas Bay s’inscrivent dans la mémoire de son parcours. Nicolas Bay a été un bébé Mégret.
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Il avait constaté, avec une lucidité qui lui fait honneur, l’échec de ses actions sans remettre en cause ses analyses. Sa rupture avec Le Pen sur la ligne défendue aujourd’hui par Zemmour avait vidé le Front de ses cadres les meilleurs. Le parti ne s’en est jamais remis et n’a jamais retrouvé le niveau d’avant la scission ce qui explique largement la mainmise sur celui-ci de Marine.
Mais au niveau électoral il n’y a eu aucune conséquence. Le 21 avril 2002, il recueille 2,34 % des suffrages exprimés (667 000 voix), terminant en douzième position sur seize candidats. En vue du second tour, il appelle à voter pour Jean-Marie Le Pen. Il le fera aussi en 2007sans se présenter.
Nicolas Bay connaît cette histoire, il ne lui a pas été facile de rejoindre le FN puis d’y jouer un rôle. C’est pourquoi il y réfléchit à deux fois même si, de toute évidence, politiquement, il est sur la ligne Zemmour.
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Sur la ligne Zemmour également, Jean Marie Le Pen.
Et pourtant Jean-Marie Le Pen a affirmé dimanche 30 janvier soutenir sa fille, candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle, tout en assurant avoir de la « sympathie » pour Éric Zemmour, rival de Marine Le Pen dans la course à l’Élysée.
Et il incite Marion Maréchal à faire de même. « Si justement les programmes sont parallèles, tout doit la porter à être du côté de sa tante plutôt que du côté d’un inconnu, si sympathique soit-il », a déclaré Jean-Marie Le Pen sur BFM TV. Un ralliement de Marion Maréchal à Éric Zemmour serait « choquant », a dit le nonagénaire, qui a ajouté : « Je ne comprendrais pas. »
C’est un peu lui qu’on a du mal à comprendre. Sauf s’il met maintenant la marque au-dessus de la vision de la France.
On a critiqué parfois le Front national en affirmant qu’il était devenu un front familial. Les dernières déclarations du patriarche apportent une douloureuse confirmation à cette évolution. Mais déjà Le Pen avait annoncé la couleur et parlait famille en parlant de la France : « Je préfère ma fille à mes amis, mes amis à mes voisins, mes voisins à mes compatriotes et mes compatriotes aux Européens. » Et finalement les Le Pen à tous les autres. C’est pourquoi le choix de Marion s’annonce capital.
Si elle reste dans la mouvance de la firme, elle peut retarder la fin de la dynastie Le Pen qui cependant ne survivra pas à un nouvel échec de Marine. Le camp national a donc intérêt à voir plus loin dès maintenant. Mais maintenant rien n’est joué. Dans les milieux médiatiques on minimise volontairement et fébrilement un éventuel ralliement de Marion à Zemmour. C’est parce qu’elle fait peur. Par détestation de Zemmour, les médias prennent le risque de faire campagne pour Marine qui serait devenue une sorte d’extrême droite républicaine et fréquentable. Ils aiment Marine quand elle est moins Le Pen. Ils découvrent même que c’est une femme avec une sensibilité attirant l’empathie de ceux qui hier lui peignaient des moustaches sur le visage. Et le père ne semble pas vouloir s’en rendre compte. Les médias savent ce que Marion peut apporter à Zemmour. Un élan chez les femmes et aussi chez les jeunes. De plus, elle a la réputation justifiée de ne jamais se laisser entraîner vers ceux qui verglacent leurs entretiens. Les médias font un cauchemar, celui d’un meeting géant Marion-Éric. Avec une Maréchal brillante oratrice et au charisme indiscutable. Cela pourrait enflammer la salle mais surtout imposer le discours de Reconquête à travers les images à un vaste public. Au public des citoyens qui votent et qui hésitent à quitter la marque au nom de leurs idées… Pour ceux bien sûr qui considèrent que la marque ne correspond plus à leurs idées.
Pierre Boisguilbert
05/02/2022