Par Paul Tormenen, juriste ♦ Après avoir fait une présentation générale du rapport de la Cour des comptes sur la gestion de l’immigration par l’État, rendu public le 5 mai, analysé les différents dispositifs étatiques pour gérer l’immigration légale, fait le constat que la France est un pays de cocagne pour les immigrés clandestins, Paul Tormenen aborde aujourd’hui la « gestion » par l’État de l’immigration illégale. Une gestion qui s’apparente plus à une démission qu’à une politique ferme et résolue.
La Cour des comptes aborde dans son rapport sur l’immigration, présenté le 5 mai, la question de l’immigration illégale au travers de trois mesures : l’accès aux soins, les régularisations et la gestion des départs. Alors que cette institution est chargée de veiller au bon usage des deniers publics et en dépit des coûts qui augmentent très fortement pour la collectivité, peu de pistes sont esquissées pour maîtriser les dépenses liées à l’immigration clandestine. C’est même parfois le laxisme qui est préconisé !
L’accès aux soins médicaux pour les personnes en situation irrégulière
Constats – L’orientation idéologique des rédacteurs du rapport de la Cour des comptes (CC) transparaît dès les premières lignes consacrées à l’accès aux soins pour les personnes en situation irrégulière.
Le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) ? Il est « relativement stable depuis 2015 ». Ceci alors qu’il est passé de 252 437 en 2012 à… 315 800 en 2017 !
Le coût de cette mesure ? Pour éviter de dire qu’il avoisine désormais le milliard d’euros, les conseillers de la CC le rapportent au coût total des dépenses de santé (0,4 %) et des dépenses de l’assurance maladie (0,5 %).
Les conseillers de la CC estiment laborieusement que « l’analyse des coûts économiques de l’AME est difficile à établir ». Pour justifier une telle assertion difficilement compréhensible de la part de spécialistes de la dépense publique, la CC ne recule devant aucun argument :
« Il faudrait en effet pouvoir mesurer les coûts d’évitement de la propagation de maladies infectieuses ainsi que le coût des soins vitaux et urgents occasionnés par la non-prise en charge précoce des malades. » La CC ne peut passer sous silence le fait que « la France est un des seuls pays européens à prévoir une couverture maladie minimale gratuite pour les personnes étrangères en situation irrégulière. Ailleurs ne sont principalement pris en charge que les soins urgents et vitaux, excluant de fait des motifs de santé publique ».
Préconisations – Le rapport de la CC ne contient aucune préconisation précise en la matière. Est-ce parce que l’aide médicale d’État est une disposition du Code de l’action sociale et des familles et non du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), qui a été défini comme le périmètre du rapport ? (1). Cela mériterait des éclaircissements.
Commentaires – On aura compris que les conseillers de la CC ont intériorisé la doxa dominante selon laquelle les clandestins présents en France doivent se faire soigner dans notre pays, quel qu’en soit le coût pour les finances publiques et bien qu’ils n’aient souvent jamais cotisé à la Sécurité sociale !
Les conseillers de la CC ayant abordé la question des soins médicaux aux étrangers en situation illégale, il est néanmoins totalement incompréhensible que le rapport sur « l’entrée, le séjour et le premier accueil des étrangers en France » passe sous silence les « bonnes pratiques » mises en place à l’étranger pour réduire le coût pour les finances publiques des soins aux clandestins, des coûts qui augmentent sans cesse en France.
Un rapport parlementaire présenté en 2015 a mis en exergue le fait que « les modalités de prise en charge [des soins médicaux aux clandestins, NDLR] adoptées par nos voisins européens conduisent à une dépense beaucoup plus contenue [qu’en France, NDLR] » (2). Le rapport fait ressortir que les autres pays européens encadrent beaucoup plus rigoureusement le panier des soins pris en charge et imposent une participation aux frais, afin d’éviter des dérives en tous genres. Pourtant, des mesures visant à réduire l’envolée de ce type de dépenses et à les limiter aux actes urgents ne sont pas à l’ordre du jour en France.
Nous sommes, pour ce sujet comme pour d’autres, face à une position de statu quo tout simplement démagogique. Pendant ce temps, l’hôpital public a connu ces dernières années des coupes drastiques dans ses dépenses, dont les Français, en particulier les plus âgés, ont payé le prix fort pendant la crise sanitaire.
Les régularisations
Constats – L’octroi de titres de séjour à des extra-Européens en situation irrégulière sur le territoire concerne chaque année près de 37 000 personnes, alors qu’ils n’étaient que 24 500 à bénéficier de cette mesure en 2010. Les conseillers de la CC estiment que « l’admission exceptionnelle au séjour est parvenue à une forme d’équilibre en permettant la résolution de situations délicates sans déséquilibrer l’ensemble du régime du séjour ».
Le principal critère pris en compte par les préfectures pour régulariser les clandestins est l’ancienneté du séjour en France, qui obéit tacitement à une règle de cinq ans de présence depuis notamment la circulaire dite « Valls » (3). Le travail des clandestins pour remplir la demande de régularisation est facilité car l’État a mis en place un « dispositif d’accueil orienté vers la vérification de la complétude des demandes ».
Les conseillers de la CC constatent que « la vérification approfondie des conditions légales d’éligibilité [par l’administration, NLDR] n’a pas d’autre substance que celle de la recevabilité des dossiers ». La « connaissance des valeurs de la République » posée par l’article L.313-1 du CESADA « ne peut être vérifiée ». En l’absence de réception des requérants, il n’est pas vérifié non plus leur connaissance du français.
Préconisations – La CC ne préconise pas explicitement d’être plus exigeant concernant l’admission exceptionnelle au séjour des clandestins présents en France. Seul un « besoin urgent » de se pencher sur les différentes étapes de la procédure est évoqué. La CC prend acte de la déconnexion de la visite médicale, qu’historiquement tous les étrangers sollicitant la délivrance d’une carte de séjour temporaire devaient passer, et de ses résultats avec la procédure d’octroi des titres de séjour. Elle préconise de modifier l’arrêté du 11 janvier 2006 relatif aux visites médicales préalables « en privilégiant une approche de santé publique ».
Commentaires – Bien que la Cour des comptes constate l’absence de réel contrôle des conditions d’intégration des extra-Européens souhaitant être régularisés, l’institution ne remet aucunement en question les régularisations massives. Tout juste appelle-t-elle à se pencher sur les critères effectifs d’admission exceptionnelle au séjour.
Contrôle médical – Le contrôle médical des personnes sollicitant un titre de séjour a été institué après la Seconde Guerre mondiale pour contrôler les flux migratoires (4). La CC entérine la baisse d’exigence en la matière et la déconnexion de cette visite avec la délivrance d’un titre de séjour. Une position incompréhensible pour une immigration qui s’impose clandestinement.
Intégration et maîtrise du français – L’absence de vérification de la connaissance du français et d’adhésion aux valeurs de notre pays contribue à l’expansion de véritables isolats communautaristes en France. Il est utile de préciser que les principaux bénéficiaires de premiers titres de séjour sont issus de pays musulmans où le Coran inspire tant la loi que les mœurs. Est-ce cela « l’équilibre » dont parle la Cour des comptes ? Accorder des régularisations à partir de l’examen d’un dossier qui peut être rempli par un tiers pour se conformer formellement aux exigences de l’administration ?! Régulariser sans se baser sur les résultats de l’examen médical, sur la maîtrise du français et l’adhésion aux valeurs du pays d’accueil ? « Venez comme vous êtes », semble être l’adage du gouvernement qui régularise à la pelle.
Quid de l’appel d’air que cette mesure entraîne ? Les nombreuses régularisations accordées chaque année aboutissent pourtant à encourager non seulement les extra-Européens à se maintenir illégalement sur le territoire, mais également ceux qui ont un projet de départ à venir s’installer en toute illégalité dans notre pays pour bénéficier du niveau de vie et du système social français.
La gestion des départs des étrangers en situation irrégulière
Constats – La CC constate que le nombre de départs « administrés » d’étrangers en situation irrégulière est faible au regard du nombre de mesures d’obligation de quitter le territoire (OQTF). En 2018, seuls 19 957 départs sous l’effet d’une mesure administrative ont été organisés alors que 132 978 mesures d’éloignement ont été prononcées.
Les conseillers de la CC semblent s’accommoder du taux dérisoire (15 % en 2018) de retour effectif des clandestins dans leurs pays : il correspondrait à des « impasses juridiques du fait de la souveraineté des États d’origine ou des droits des personnes concernées ».
Les « départs forcés » sont présentés négativement par les conseillers de la CC : ils seraient « d’une grande complexité juridique », coûteux et peu efficaces. Le coût moyen de séjour en centre de rétention administrative avant l’éloignement est quant à lui estimé à 6 234 euros.
Plusieurs raisons expliqueraient que peu de clandestins sont réellement expulsés :
- la difficulté à établir l’identité des clandestins ;
- l’absence de délivrance de laissez-passer consulaires par les pays d’origine quand les personnes ont été identifiées ;
- l’annulation des décisions d’éloignement quand « un élément nouveau est soulevé ». Ces recours ont abouti à 32 827 annulations de mise en rétention en 2018.
Les conseillers de la CC estiment au sujet de l’effectivité des éloignements qu’« aucun service ne se risque à estimer que [leur nombre] peut significativement augmenter ».
Préconisations – Les deux préconisations de la CC en la matière consistent à :
- modifier les dispositions du CESADA relatives aux aides au retour volontaire pour préciser que celles-ci peuvent aussi bénéficier aux personnes dont le titre de séjour est proche d’expirer ;
- mettre en place les moyens nécessaires à l’augmentation du nombre de départs aidés.
Les conseillers de la CC estiment donc que, tant pour des raisons de coût que d’efficacité, les départs volontaires aidés devraient être amplifiés. Ils vont jusqu’à préconiser d’informer les migrants légaux dont le titre de séjour arrive à échéance qu’ils peuvent bénéficier d’aides au retour !
Commentaires – La CC s’inscrit sans originalité dans la lignée d’un récent rapport parlementaire, réalisé en juin 2019 par deux députés centristes, qui préconise de développer les retours aidés des clandestins et de mettre la pédale douce sur les retours forcés (5). Une préconisation qui s’inspire largement de la doxa maternante de la macronie vis-à-vis des clandestins, le « care », le soin, étant considéré comme l’alpha et l’oméga de la politique migratoire. Une orientation qui contribue pourtant « en douceur » à la submersion migratoire du pays.
À aucun moment les conseillers de la CC ne préconisent une politique résolue et ferme vis-à-vis des pays d’origine des clandestins. Les coûteuses aides au développement et autres annulations de dettes annoncées par le président Macron aux pays d’origine des clandestins pourraient être mises sous condition de la délivrance de laissez-passer consulaires, afin de rendre possibles davantage d’éloignements du territoire français. D’autres pays l’ont fait, pourquoi pas la France ?
En privilégiant les retours volontaires par rapport aux éloignements forcés, à aucun moment les conseillers de la CC n’envisagent ni ne quantifient le risque d’effet d’aubaine pour des migrants qui pratiquent le shopping migratoire dans les pays européens et qui affluent en France après avoir été déboutés de leur demande de régularisation ailleurs.
À aucun moment les conseillers de la CC n’envisagent que donner des aides au retour à des étrangers après l’expiration de leur titre de séjour va permettre des allers-retours vers le pays d’origine financés par le contribuable français. Un écueil qui s’est illustré notamment avec de nombreux Roms éloignés de France et qui sont revenus rapidement dans notre pays.
Il est utile de rappeler le coût pour les contribuables français des différentes aides, souvent cumulables, au retour des clandestins :
Aides par personne
Allocation forfaitaire | 650 € |
Majoration exceptionnelle | 1 200 € |
Majoration en cas de détention d’un passeport | 150 € |
Aide à la réinsertion sociale | 400 € |
Aide à la réinsertion par l’emploi | 4 000 € |
Aide à la création d’entreprise | 6 300 € |
Alors que l’entrée irrégulière sur le territoire français est une infraction punie d’une peine d’emprisonnement d’un an et de 3 750 euros, les autorités françaises distribuent généreusement des sommes considérables pour favoriser le départ volontaire de clandestins. Et elles sont encouragées par la CC pour le faire plus amplement… (6)
Les 11 propositions que la Cour des comptes aurait pu faire
La Cour des comptes ne propose dans son rapport sur l’immigration aucune piste pour lutter sérieusement contre l’immigration clandestine. Il est pourtant impératif de sortir du consensus mou qui conduit notre pays au déclin. Certaines mesures appliquées par nos voisins européens ou proposées par des parlementaires pourraient permettre de lutter efficacement contre l’immigration clandestine. Parmi celles-ci, on peut citer :
1- Rétablir les contrôles aux frontières et refuser de laisser entrer dans le territoire les individus non munis de titres d’identité, comme le fait la Suède. Les clandestins que l’on ne laisse pas entrer dans le pays sont ceux que l’on n’aura pas à gérer et à assister (7).
2- Traiter les demandes d’asile hors de France. Pour cela, les frontières tant nationales qu’extérieures de l’Europe doivent être renforcées et les entrées clandestines stoppées. Afin de lutter contre l’immigration clandestine, l’Allemagne et l’Autriche se sont prononcées récemment pour que les migrants soient arrêtés aux frontières extérieures de l’Europe et que les demandes d’asile soient traitées avant que les migrants n’entrent sur le continent (8). C’est du simple bon sens, vu la guérilla juridique que mènent de nombreux clandestins pour rester en France.
3- Restreindre drastiquement le droit d’asile et l’aide sociale à l’enfance, afin d’éviter que ces deux dispositifs facilitent l’immigration clandestine et les démarches opportunistes.
4- Conditionner les aides financières données par la France aux États d’origine des clandestins à leurs efforts en matière de délivrance de laissez-passer consulaires pour leurs ressortissants (9).
5- Exiger, comme au Canada, le versement d’une caution sous forme d’argent par tout extra-Européen à qui serait attribué un titre de séjour ou un visa, qui lui sera remis au moment de son départ.
6- Rétablir le délit de séjour irrégulier, supprimé par la loi n° 2012‑1560 du 31 décembre 2012, afin de rendre des pouvoirs coercitifs d’investigation aux forces de l’ordre.
7- Prolonger la durée des obligations de quitter le territoire français (OQTF).
8- Supprimer les régularisations de clandestins, qui créent un énorme appel à l’immigration clandestine.
9- Augmenter massivement les moyens pour lutter contre l’immigration clandestine, en augmentant notamment le nombre de places dans les centres de rétention administrative (1 800, actuellement). Il faut impérativement inverser la tendance qui aboutit à ce que les crédits affectés par l’État à la lutte contre l’immigration irrégulière diminuent, comme cette année de 26 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement.
10- Faire respecter l’obligation pour tout étranger de ne pas être une charge pour le système social, prévue par le Code d’entrée et de séjour des étrangers (CESADA) (10). De nombreux citoyens, venant notamment de l’est de l’Europe, restent sur le territoire sans activité et parfois sans autre ressource que les subsides de l’État-providence.
11- Restaurer le délit de solidarité, qui est utilisé par des militants No Border dont l’ambition est de supprimer le principe de nationalité et d’éradiquer les frontières.
Cherchez bien dans les 184 pages du rapport de la Cour des comptes le début d’une de ces mesures, vous ne la trouverez pas. Pourtant, la situation migratoire de la France est catastrophique et, pour paraphraser Jacques Chirac, tant le gouvernement que la Cour des comptes regardent ailleurs. L’immigration clandestine massive ne se combat pas en octroyant des régularisations à foison, en donnant toutes sortes d’avantages matériels et des soins gratuits, ni en attendant que les clandestins daignent repartir volontairement dans leur pays en leur distribuant avec largesse des primes. La place des clandestins est dans leur pays, pas en France. C’est de mesures fortes dont notre pays a besoin, des mesures fermes et résolues que le gouvernement dirigé par des socialistes défroqués se montre incapable de prendre. Pourtant, il y a urgence à changer radicalement de cap.
Paul Tormenen
10/07/2020
(1) Article L.251-1 du Code de l’action sociale et des familles.
(2) Rapport d’information sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État. Assemblée nationale. 3 novembre 2015.
(3) Circulaire du 28 novembre 2012 sur les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par des ressortissants en situation irrégulière.
(4) Avis de M. F.-N. Buffet sur le projet de loi de finances pour 2018. Sénat.
(5) Rapport parlementaire de MM. J.-N. Barrot et A. Holroyd. 5 juin 2019.
(6) Article L.621-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers.
(7) « Grand remplacement en Europe. La folie suédoise ». Paul Tormenen. Polémia. 3 juin 2019.
(8) « Austria backs Seehofer’s plan to stop migrants at EU border ». InfoMigrants. 24 juin 2020
(9) Proposition de loi n° 521 du 20 décembre 2017 présentée par plusieurs députés LR dont É. Ciotti et V. Boyer.
(10) « Un étranger a-t-il besoin d’un visa pour venir en France ? ». Service-public.fr