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Les conflits ethniques et la déconstruction de la France

Les conflits ethniques et la déconstruction de la France

par | 30 juin 2023 | Société

Les conflits ethniques et la déconstruction de la France

Alors que la France a connu une troisième nuit d’émeutes ultra-violentes, nous republions pour nos lecteurs un texte datant de 2006 à propos des conséquences émeutes de 2005 qui nous apparaît d’une terrible actualité. Bien entendu, depuis l’année 2006, la situation a dramatiquement empiré.
Polémia

Les violences dans les banlieues ont porté sur le devant de la scène une réalité cachée : les conflits ethniques en France. Mais cette mise en lumière s’est immédiatement accompagnée d’une surinterprétation idéologique et médiatique : l’explication des violences ethniques par les « discriminations ».
Porté par les « médias centraux », relayé par les deux chefs de l’exécutif (Chirac/Villepin), soutenu par l’éminence grise du patronat (Bébéar), le thème de la « discrimination » est devenu une bombe à fragmentation pour l’identité française.
Explications.

1. La culpabilisation

Par un formidable retournement dialectique, les violences ethniques du Ramadan 2005 n’ont pas conduit à la mise en cause des communautés dont étaient issus, pour l’essentiel, les émeutiers, mais à la mise en accusation de la majorité – française, européenne, chrétienne – qui a fourni les victimes (les deux morts d’Epinay et de Stains, notamment). Jugés objets de discriminations, les coupables ont été ainsi promus victimes et porte-paroles des communautés d’origine. Jugées auteurs de discriminations, les victimes ont été déclarées coupables et se sont fait faire la leçon par les « autorités morales » médiatiques et politiques. Comme si la discrimination n’était pas un phénomène social naturel que toutes les communautés pratiquent, consciemment ou non, et pas seulement la communauté majoritaire !

2. Les réparations

Le « diagnostic » une fois posé, la solution en a découlé : déverser des dépenses supplémentaires sur les banlieues et reprendre massivement le financement d’associations artificielles (190 millions d’euros de crédits nouveaux pour commencer) et de faux emplois. Ainsi « la révolte de l’économie de rente » devient rentable pour ses auteurs puisqu’elle augmente la rente dont ils bénéficient. Et là où elle devrait imposer davantage d’exigences, la communauté publique offre davantage de moyens. Au sens moral comme au sens économique, les contribuables français se trouvent d’ailleurs placés dans une logique de « réparation ». De même que l’Allemagne déclarée coupable de la première guerre mondiale (comme elle le fut à nouveau en 1945) avait été condamnée à « payer » des réparations (Traité de Versailles), aujourd’hui les forces vives, déclarées coupables de discrimination à l’encontre des jeunes des banlieues, se voient surtaxer. Au risque de handicaper encore davantage l’économie française dans la compétition mondiale.

3. La négation de l’histoire

Symboliquement, l’année 2005 a été marquée par la participation de la France, à travers son vaisseau amiral, le « Charles de Gaulle », à la commémoration de la défaite de Trafalgar, et par son absence à la commémoration de la victoire d’Austerlitz. La signification de ce double choix est forte.

C’est d’abord la reconnaissance de la victoire des thalassocraties anglo-saxonnes : car les guerres napoléoniennes, ce sont moins les guerres de la France contre l’Europe coalisée que l’expression fatale et récurrente du conflit du continent contre l’Angleterre, de la terre contre la mer, des producteurs contre les marchands.

C’est ensuite un détournement de sens. Contrairement à ce qu’affirment bruyamment quelques associations noires extrémistes, le bilan de Napoléon ce n’est pas d’avoir, aux marges de son empire, rétabli l’esclavage, son œuvre, c’est d’avoir assuré la synthèse entre l’Ancien Régime et la Révolution et légué à la France un mode d’organisation sur lequel elle vit encore largement aujourd’hui à travers son Code civil et ses institutions administratives.

Il ne faut pas non plus négliger la profondeur du mythe napoléonien, en France comme en Europe, ainsi salué par Frédéric Nietzsche dans « Le Gai Savoir » : « Ce sera à Napoléon qu’un jour on reconnaîtra le mérite d’avoir restitué à l’ “homme” en Europe la supériorité sur l’homme d’affaires et le Philistin […] Napoléon, qui tenait la civilisation avec ses idées modernes pour une ennemie personnelle, s’est affirmé par cette hostilité comme l’un des plus grands continuateurs de la Renaissance ; c’est lui qui a ramené au jour tout un morceau de nature antique, le morceau décisif peut-être, le morceau de granit » (http://leventmauvais.hautetfort.com/).

4. Le vol de la mémoire

De plus en plus tourné vers la seule lecture culpabilisante du passé, la France a multiplié les lois mémorielles : en 1990, la loi Gayssot sur la « Shoah » ; en janvier 2001, la loi sur la reconnaissance publique du génocide arménien ; en mai 2001, la loi Taubira de reconnaissance de la traite océanique et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité ; en février 2005, l’amendement Vanneste sur la reconnaissance du rôle positif de la présence française outre-mer.

Dix-neuf historiens de premier plan se sont prononcés, le 12 décembre 2005, pour l’abrogation de ces lois, selon eux, « indignes d’un régime démocratique » et de rappeler dans un texte fort et dense que « l’histoire n’est pas une religion. L’histoire n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabou. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique. L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui » !

Logiquement ce texte aurait dû conduire à l’abrogation des quatre lois visées. Tel ne sera pas le cas. Une seule le sera, celle qui visait à protéger la mémoire de l’œuvre française outre-mer. Au-delà des péripéties politico-médiatiques, la signification de cet événement est claire : il n’y a de mémoire (en tout cas de mémoire protégée) que s’agissant de minorités ; la majorité, elle, malgré une histoire différente, riche, complexe et parfois contradictoire, n’a pas le droit à d’autre mémoire que celle des minorités.

Alors que toutes les civilisations ont pratiqué l’esclavage et que seule la civilisation européenne l’a aboli, seuls les Européens doivent expier ! Et subir le ressentiment historique des autres.

5. La fin de la raison d’État

Dans ce contexte de culpabilisation et de judiciarisation, la vie des services de l’Etat, en 2005, aura été marquée par trois événements majeurs : la mise en détention préventive d’un policier ayant participé à la répression des émeutes de Seine-Saint-Denis, la mise en garde à vue du général Poncet et de son adjoint le colonel Burgaud, chefs de la force Licorne en Côte d’Ivoire, et leur mise en examen pour complicité dans le meurtre d’un coupeur de route ivoirien ; et la mise en cause – pour complicité de génocide, cette fois – des troupes françaises au Rwanda.

Certes, si l’Etat a le monopole de la violence légitime, il doit la contrôler et éviter les débordements injustifiés. Pour autant, peut-on envisager durablement de tout déballer sur la place publique ? Peut-on accepter sans graves dommages de « lâcher » des hommes qu’on a exposés dans des situations difficiles ? Peut-on conduire une guerre uniquement en respectant le Code pénal ? Peut-il y avoir encore un Etat sans raison d’Etat ? Il est clair qu’aujourd’hui encore toutes les grandes puissances (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine, Inde) – sauf la France – répondent non à ces questions. En répondant oui, les autorités françaises satisfont peut-être l’appétit immédiat des médias mais elles risquent de se heurter demain à des difficultés majeures lorsque leurs forces de l’ordre seront engagées face à des émeutes plus dures que celles de l’automne dernier, ou lorsque leurs forces armées conduiront de par le monde des actions de rétablissement de la paix, voire des opérations spéciales, contre des milices d’ensauvagement.

6. La fin de l’élitisme républicain

Chaque pays a son mode de sélection des élites. L’Angleterre a ses collèges et ses universités, la Russie, ses grandes universités et ses académies, les Etats-Unis d’Amérique leurs grandes universités et l’accaparement des élites du reste du monde ; la France, elle, a l’élitisme républicain structuré autour des classes préparatoires, des grandes écoles (publiques et privées) et des grands corps. Le système a sans doute ses imperfections ; il a aussi sa force, une sélection sévère fondée sur des critères, certes, imparfaits mais objectifs et connus ; il a aussi son efficacité, car ce qui reste aujourd’hui de puissance française ou euro-française – dans le nucléaire, l’énergie, l’espace, l’aéronautique, l’optique, les télécommunications et l’armement – est le produit de ce système de sélection.

Or l’élitisme républicain est aujourd’hui fortement menacé. Au motif que l’Education nationale ne remplit plus, à la base, c’est-à-dire dans les écoles primaires et les collèges, son rôle de détection des enfants capables, et de promotion sociale des plus méritants, on reproche au système des classes préparatoires d’être discriminatoire. Et pour y faire face les autorités politiques et patronales préconisent la « discrimination positive », ce qui revient à remplacer le système imparfait du concours par la faveur et la combine ; et à privilégier la Seine-Saint-Denis sur le Rouergue.

7. Quelles causes ? Tyrannie médiatique, tyrannie des minorités, tyrannie culpabilisatrice

L’ampleur des bouleversements en cours doit conduire à s’interroger sur les causes.

La première cause est l’abdication de tous les pouvoirs devant la tyrannie médiatique : ce qui détermine les actions et les prises de position des hommes politiques comme des grands patrons, ce sont désormais les exigences de la « communication » ; on ne décide plus de ce qui est bon, on décide de ce qui est bien communicable.

La deuxième cause est la tyrannie des minorités : celles-ci sont visibles et revendicatrices alors que la majorité est à la fois silencieuse et invisible.

La troisième cause est la tyrannie culpabilisatrice : les forces les plus nombreuses (la majorité d’origine européenne et chrétienne, les familles), les forces les plus puissantes (la technostructure issue des grands concours) sont paralysées par la culpabilisation, elle-même conséquence de la tyrannie des minorités et de la tyrannie médiatique.

8. Quelles réponses : la réponse électorale ?

La première réponse envisageable est la réponse démocratique, la réponse politique. Aujourd’hui les victimes de l’évolution actuelle en termes économiques, fiscaux, sociaux, culturels et sentimentaux sont encore majoritaires en France. Il pourrait donc y avoir une réponse en terme électoral. On peut d’ailleurs penser que les événements de 2005 font pencher la balance électorale vers la droite identitaire et sécuritaire et que le total des voix Le Pen/Sarkozy/Villiers sera sûrement élevé en 2007. Mais l’exercice électoral est strictement cadré par la sélection médiatique préalable :
– avant le premier tour, par la répartition des rôles : protestataire radical d’un côté, homme de gouvernement responsable, c’est-à-dire sensible à l’humeur médiatique, de l’autre ;
– après le premier tour, par l’interdiction formelle de toute coalition de deux électorats partageant pourtant des « valeurs communes » selon l’expression de Charles Pasqua… en 1988 !

9. Quelles réponses : la conscientisation des forces vives ?

Le second type de réponse est plus qualitatif ; il vise à recenser les forces vives qui ont un intérêt matériel ou sentimental à l’existence de la France à travers son identité et ses institutions, et à les conscientiser.

Ces forces sont nombreuses et influentes. Prenons quelques exemples :

Un patron de grande entreprise française, présente à l’internationale, voit de facto sa position affaiblie dans le monde anglo-saxon et dans le monde tout court quand le gouvernement de son pays participe à la commémoration de Trafalgar et boycotte celle d’Austerlitz ; un patron de PME voit sa liberté réduite quand le libre choix de ses collaborateurs s’amenuise sous l’effet des dispositions antidiscriminatoires et que les dépenses d’immigration et d’intégration qu’il finance augmentent ; un ingénieur issu d’une grande école ne peut que déplorer la remise en cause du modèle qui lui a permis de faire ses preuves et dont il espère souvent qu’il sélectionnera ses enfants ; un chercheur qui s’exprime en français ne peut que déplorer l’abaissement de l’image internationale de son pays quand il constate que les communications scientifiques doivent être rédigées en anglais ; un officier ne peut que souffrir quand il voit l’action de ses pairs mise en accusation sur la place publique.

La déconstruction de la France nuit à toutes les élites qui la dirigent, qu’elles soient économiques, administratives ou militaires. Encore faut-il qu’elles en soient conscientes et que, en étant conscientes, elles aient le courage d’en tirer les conséquences.

C’est ici que la formule de Jaurès prend tout son sens : « Il n’y a de classe dirigeante que courageuse. »

10. Quelles réponses : la décrédibilisation des médias centraux

Encore faut?il que le courage soit possible !
De ce point de vue là, la modification du rapport de forces entre les grands médias centraux (télévisions et journaux qui inspirent leur ligne éditoriale) et les médias périphériques (sites, blogs et courriels sur Internet) est déterminante.

La tendance va évidemment dans le bon sens : la presse écrite recule, les médias audiovisuels se dispersent et Internet se renforce.

Néanmoins les grands médias conservent l’avantage de la masse et, sur la masse, leur décrédibilisation est aujourd’hui un préalable nécessaire à quiconque espère un changement des paradigmes dominants. Pour que l’estime d’être soi?même remplace le mea culpa universel.

Polémia
30/06/2023 – 1re publication le 12/01/2006

P.S. : Lorsque les émeutes du ramadan 2005 partirent de Clichy-sous-Bois, la une du site Internet officiel de cette mairie socialiste était consacrée à la répression des émeutes de la manifestation FLN du 19 octobre 1961. Ce type de communication, unilatérale et culpabilisatrice, ne pouvait que légitimer la méfiance des bandes vis-à-vis de la police nationale et les violences qui en ont découlé.

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