La démocratie directe a donné de bons résultats dans les pays qui l’appliquent, notamment en Suisse et aux USA où elle existe depuis plus de 100 ans. Deux séries de pays l’appliquent, certains pays occidentaux et des anciens pays communistes.
Les premiers sont : la Suisse, le Lichtenstein, les États-Unis (dans la moitié ouest surtout) l’Allemagne et l’Italie. Il faut ajouter l’Uruguay, surnommé « la Suisse de l’Amérique latine ».
La deuxième série de pays comprend, outre l’ancienne Allemagne de l’Est, la Slovénie, la Slovaquie, la Hongrie, la Lituanie et la Lettonie.
Mais est-elle exportable de façon universelle ?
Les conditions de la démocratie directe
Déjà Aristote écrivait que la démocratie suppose l’existence de nombreuses classes moyennes.
A notre avis, il faut quatre conditions pour que la démocratie directe soit viable :
- des conditions juridiques : il faut que les « droits populaires » comme on dit en Suisse soient reconnus, à savoir que les citoyens aient le droit de vote mais aient aussi l’initiative des lois et puissent voter ces dernières lors de votations (référendums dans le langage français hexagonal). Il faut aussi un état de droit qui notamment respecte la liberté d’expression.
- des conditions économiques : il n’est pas nécessaire que le pays soit riche. Les cantons suisses de montagne à l’origine étaient pauvres mais la majorité de la population était composée de petits propriétaires responsables de leurs exploitations. La liberté économique et la diffusion de la propriété sont des conditions favorables. Toutefois, les pays de l’Est ne remplissaient pas ces conditions lorsqu’ils ont adopté de nouvelles constitutions avec des dispositifs de démocratie directe.
- des conditions culturelles (la « Leitkultur » des Allemands). Les valeurs historiques, la mentalité issue de l’histoire européenne sont des conditions indispensables. Ainsi, dès que les pays de l’Est ont été libérés du communisme, ils ont adopté la démocratie à l’Occidentale. C’est moins vrai pour la Russie qui a son histoire propre. C’est encore moins vrai pour les pays de culture musulmane qui ont été décolonisés : la plupart se sont retrouvés avec des régimes autoritaires (religieux ou partiellement laïcs).
- des conditions politiques à savoir l’existence d’une véritable nation. Là où ce n’est pas le cas, la démocratisation se traduit par des scissions : la Yougoslavie est un bon exemple en Europe. En Suisse, la création du canton du Jura grâce à la démocratie directe a évité un séparatisme des francophones jurassiens.
Le cadre politique de la patrie
La démocratie directe peut s’épanouir dans un contexte de forte tradition ou de libération après une dictature. Par contre, une rupture révolutionnaire est à l’opposé de son génie.
La démocratie directe a besoin du cadre culturel politique (pas seulement juridique) de la patrie. Sinon, la scission du pays est difficile à éviter.
La démocratie directe n’est pas compatible avec l’étatisme généralisé. Elle est fondée sur l’idée que le peuple n’est pas l’Etat. L’Etat n’est qu’un organe du peuple (voir Nietzsche : l’Etat ment froidement et son mensonge, c’est : je suis le peuple !)
La démocratie directe s’oppose aussi au règne de l’oligarchie. Elle est justement un remède pour éviter cette dernière.
On voit à travers cette brève analyse que la démocratie directe repose surtout sur des conditions culturelles particulières (dont sortent le droit et la politique). Ces conditions culturelles sont remplies en Europe (qui est le berceau de la démocratie directe) et dans ses prolongements colonisés par des Européens comme l’Amérique du Nord, l’Australie et la Nouvelle Zélande ou l’Uruguay. Sur les autres continents et dans les autres aires culturelles, l’implantation de la démocratie directe, et même de la démocratie tout court, est plus problématique. En Europe, il faut faire attention que les populations immigrées venant d’autres aires culturelles restent minoritaires si elles ne sont pas parfaitement intégrées. Sinon, ce pourraient être des foyers de culture non démocratique au sein de la Nation, avec les dangers d’éclatement à terme (voir l’histoire du Liban ou du Pakistan par exemple).
En Europe et dans ses prolongements, la société a évolué vers une démocratie de plus en plus vidée de son contenu comme l’avait remarqué notamment le dissident russe Alexandre Soljenitsyne. Le pouvoir exécutif, lié à une culture socialiste d’Etat issue du vingtième siècle, s’est assujetti le parlement. Il est lui-même dépendant intellectuellement des hauts fonctionnaires et des medias. Il a tendance à se couper de plus en plus du peuple comme le montrent tous les sondages d’opinion. L’Europe, création de ces Etats oligarchiques est encore moins démocratique, ce qui est logique et elle pousse encore plus loin la logique oligarchique dont la Commission est l’incarnation assez caricaturale. Il n’y a guère que la démocratie directe qui puisse corriger cette évolution néfaste, pour le bien être économique comme pour les libertés et pour la cohésion nationale.
Le déclin de l’Europe au profit de nouvelles puissances dont les traditions culturelles sont autres n’exclu pas un jour un déclin de l’idéal même de la démocratie. Mais l’autre danger pour la démocratie est son évolution interne vers une « gouvernance » prétendue d’experts.
Un remède à la dérive oligarchique
Le vingtième siècle a vu la victoire de l’économie de marché sur l’économie planifiée. Il est possible que le vingt et unième siècle puisse voir la victoire de la démocratie directe (associée à la démocratie parlementaire) sur la dérive oligarchique que nous connaissons. La législation pourrait alors tenir compte des informations dispersées et vécues dans la population (informations « existentielles ») et ne pas dépendre des informations tronquées dont disposent les « experts ». Le travail et la bonne foi de ces derniers ne sont pas plus en cause que le travail et la bonne foi des anciens planificateurs des Etats de l’ancien bloc socialiste soviétique.
Yvan Blot
10/02/2011
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