Dans sa remarquable préface à la réédition du Camp des Saints, l’écrivain Jean Raspail a défini l’idéologie contemporaine comme celle de « Big Other » : tout ce qui vient de l’autre est grand, beau et exemplaire. L’islam, comme culture et comme civilisation est le grand bénéficiaire de ce dogme politiquement correct. C’est loin d’avoir toujours été le cas. Professeur d’histoire, ce correspondant de Polémia dresse un panorama historique de la vision de l’islam à travers la conscience européenne et chrétienne. Une bien utile remise en perspective pour lutter contre la désinformation historique.
Aujourd’hui le devoir de repentance pare les musulmans de l’auréole du martyre en raison du proche passé colonial où les Européens auraient joué le rôle de bourreaux. C’est oublier que dix siècles durant le djihad fit trembler notre continent et qu’il enleva leurs terres aux chrétiens d’Orient. Aussi les aléas de l’Histoire ont-ils modifié notre conception de l’islam: vigoureusement polémique au Moyen Age, quand le monde chrétien, encadré par l’Église, ripostait par les armes et la controverse théologique aux assauts des cavaliers d’Allah, elle changea radicalement avec la révolution intellectuelle des Temps Modernes et poursuit encore sa métamorphose de nos jours.
L’image de l’islam au Moyen Age
Soumis aux agressions constantes du djihad, comment les chrétiens du Moyen Age auraient-ils pu voir dans l’islam la religion de tolérance, d’amour et de paix que nous présente la vulgate politiquement correcte ? Les historiens antiracistes, tels Norman Daniel ou même le marxiste Maxime Rodinson occultent les violences sarrasines ou turques décrites par les chroniqueurs ou troubadours et soupçonnent de diabolisation délirante leurs critiques des musulmans ou du message coranique. Qui sait pourtant si ces textes ne nous révèlent pas le vrai visage de l’islam en tant qu’entreprise de conquête du monde, image refoulée aujourd’hui par notre inconscient collectif et bannie de nos mémoires ?
Attaqué le premier par les troupes arabes, l’Empire Byzantin, qui perd la Syrie en 636, la Palestine et Jérusalem en 638, puis l’Égypte et enfin l’Afrique du Nord dans la seconde moitié du VIIe siècle fournit les premiers arguments polémiques destinés à galvaniser la résistance aux envahisseurs. Jean Damascène place l’islam parmi les hérésies et dénonce ses contradictions logiques : la prédestination islamique est incompatible avec le jugement dernier conduisant les élus au paradis et les réprouvés à l’enfer en l’absence de responsabilité humaine ; la toute puissance divine ne souffrant, dans la pensée musulmane, aucune limitation, supprime la possibilité des lois naturelles, remplacées par les habitudes d’Allah ; Sophronios, Maxime le confesseur, le pseudo-Méthode interprètent la religion mahomètane comme l’œuvre de l’Anti-Christ, comme un châtiment divin infligé à la Chrétienté en punition de ses péchés. Au début du IXe siècle, Théophane le confesseur avance une idée qui fera long feu, puisqu’on la retrouve chez Gustave Le Bon à la fin du XIXe siècle : Mahomet aurait été atteint de crises d’épilepsie. Pour Georges Le Moine et Jean Kameniatès le caractère violent et destructeur de l’islam le prive de toute légitimité spirituelle. Cependant le Patriarche de Constantinople désavoue le projet des Empereurs Nicephore Phocas et Jean Tzimiscès de proclamer la guerre sainte contre les Infidèles : l’Église d’Orient s’en tiendra, face au djihad, à la tradition d’un christianisme conçu comme une religion de salut répugnant à la violence guerrière et privilégiant la diplomatie.
L’occident, par contre, évolue différemment et finira par justifier la croisade, même s’il employa également le moyen pacifique de la mission à partir de la traduction du Coran réalisée en 1143, afin d’étayer le dialogue avec les musulmans, solution qui eut les préfèrences d’Abélard dans une controverse avec St Bernard, puis de St François d’Assise et de Raymond Lulle.
Les premières critiques occidentales de la religion mahométane viennent de chroniqueurs tels que Bède le vénérable ou Frédégaire qui décrivent les horribles ravages perpétrés par les Sarrasins en Gaule. La « chronique prophétique » dite d’Alphonse III au IXe siècle relate et dénonce l’invasion de l’Espagne, ce qui justifie la Reconquista conçue comme guerre de libération. Un pas de plus est franchi après l’exécution des martyrs de Cordoue au milieu du IXe siècle. pour avoir porté la contestation sur la légitimité de Mahomet en le qualifiant de faux prophète hérésiarque et libidineux – en raison de sa pratique de la polygamie – : la translation des reliques de trois de ces martyrs au monastère St-Germain de Paris sur ordre de Charles le Chauve popularise leur cause, non seulement dans le peuple chrétien, mais dans les écrits monastiques d’un Ratbert de Corbie, d’un Landelfus Sagax, de Sigebert de Gembloux ou encore de la chanoinesse de Gandersheim Roswitha qui développent le thème de la luxure d’un faux prophète prétendant dominer le monde par la violence et prêchant un paradis bassement matérialiste. On retrouve cette thématique dans la « Somme contre les gentils » de St Thomas d’Aquin : » Il [Mahomet] a séduit le peuple en lui promettant de ces plaisirs charnels à quoi nous soumet la concupiscence de la chair…En fait les vérités qu’il professait étaient mêlées à de nombreuses fables et à des doctrines relevant de la plus grande fausseté…Mahomet a dit qu’il était désigné par la force des armes, à savoir des signes dont ne manquent ni les voleurs ni les tyrans… Ceux qui crurent en lui étaient des hommes brutaux, des vagabonds du désert, largement ignorants de tout enseignement divin, des gens grâce auxquels il força d’autres hommes à devenir ses adeptes par la contrainte des armes… Ce fut donc une décision maligne d’interdire à ses adeptes de lire l’Ancien et le Nouveau Testament parce que ces livres auraient dénoncé ses mensonges. » Au siècle suivant Dante Aligheri place Mahomet au huitième cercle de l’enfer parmi les fauteurs de schisme dans « La Divine Comédie », scène que le peintre Giovani da Modena peindra en 1415 sur une fresque de la cathédrale San Petronio de Bologne.
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Abbon
12/05/2011