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« L’entreprise doit être méritocratique »

« L’entreprise doit être méritocratique »

par | 13 janvier 2017 | Politique

« L’entreprise doit être méritocratique »

Interview de Bertrand Dumazy, PDG du groupe Edenred, donnée au Figaro

♦ Le PDG du groupe Edenred explique pourquoi il « croit plus dans les managers que dans le management » et selon lui, «l’entreprise est un lieu de construction personnelle et d’émancipation ».

Cette interview, qui relève d’une profonde réflexion, pourrait former une trilogie avec, en premier lieu une analyse, l’article précédent déjà en ligne chez Polémia, Mathieu Bock-Côté : L’année 2016 a commencé à Cologne et s’est terminée à Istanbul, et pour clôturer, un article en cours de publication toujours chez Polémia, relatif aux changements de comportement, Les Cinq tendances ou Une révolution idéologique surgit.
Polémia


Interview – Bertrand Dumazy, PDG du groupe Edenred, pense « que chacun a une part de génie et qu’il doit l’exprimer ».

LE FIGARO — L’émotion est-elle utile pour diriger des équipes ?

Bertrand DUMAZY — L’une des responsabilités d’un dirigeant est d’emmener une organisation vers les objectifs fixés. Mais les chiffres ne suffisent pas pour entraîner les équipes. Il faut leur parler de cœur à cœur. Il faut pour cela aimer les autres. Un dirigeant ne peut pas emmener des personnes vers des sommets qu’elles n’imaginent pas s’il ne fait pas preuve d’humanité et de volonté de cheminer avec elles.

Avez-vous choisi d’être aux commandes d’une entreprise ?

Je suis passionné par le métier de chef d’entreprise, car le chef d’entreprise peut vraiment changer les choses, tout en respectant les clients au sens large, les collaborateurs et les actionnaires. Je suis passionné par l’entreprise, qui est un voyage. Or, « c’est le voyage qui fait l’homme », comme l’explique l’écrivain et photographe suisse Nicolas Bouvier.

Pour quelles raisons ?

La première est que l’entreprise est un endroit qui doit toujours être méritocratique. Qui que vous soyez, quelles que soient vos croyances ou votre manière de vivre, la seule chose qui compte est votre engagement, votre volonté de contribuer au projet collectif. Il est de mon devoir de repérer les talents, de les soutenir, de les encourager à prendre des risques et de faire en sorte que des opportunités de développement leur soient offertes.

Une entreprise est-elle une équipe ? une aventure personnelle ?

L’action unit les hommes entre eux. C’est la deuxième raison pour laquelle j’aime l’entreprise. Nous y sommes au contact d’autres personnes avec qui nous devons réaliser des actions communes.

Un salarié peut-il se développer grâce à l’entreprise ?

L’entreprise est un lieu de construction personnelle et d’émancipation. Chacun peut s’y dépasser en exerçant des responsabilités de plus en plus larges. Les personnes avec qui j’ai eu la chance de travailler ont toujours confié aux équipes dont j’étais membre des responsabilités supérieures à celles que nous aurions pu exercer seuls.

Pourquoi valoriser la méritocratie ?

Ce principe me tient particulièrement à cœur. Je veux que chaque salarié sache qu’il est jugé sur son mérite. Chacun est le bienvenu dans l’entreprise avec ses différences, ses points forts et ses points d’amélioration. Si chaque collaborateur a la volonté de s’engager et si nous avons un esprit collectif et une liberté de ton, alors nous ferons des choses formidables ensemble et atteindrons des sommets que nous ne pensions pas atteignables.

Quand avez-vous découvert l’importance de cette valeur ?

Depuis tout petit. Je suis originaire du Nord, région de France assez contrastée. Malgré nos différences et grâce à la méritocratie républicaine, beaucoup de choses ont été et sont toujours possibles.

Vos valeurs et vos méthodes ont-elles évolué ?

J’ai pendant longtemps plus cru dans le management que dans les managers. Aujourd’hui je crois beaucoup plus dans les managers que dans le management. Le process managérial est surtout là en cas d’urgence. Il permet de ne pas chuter dans le trou quand la tempête tonne. Il est une corde de rappel. En somme, c’est une condition nécessaire, pas suffisante.

Pourquoi cette croyance dans les process, dans les normes ?

J’ai débuté dans un environnement professionnel régi par les process. J’ai travaillé pour un groupe américain de conseil en stratégie qui avait des méthodes. C’est le meilleur service que l’on m’ait rendu. Cependant, il m’a fallu du temps pour les mettre à leur juste place.

Quel est le bon âge pour devenir chef d’entreprise ?

En réalité je ne sais pas. J’ai voulu devenir chef d’entreprise assez vite. Je suis naturellement très entreprenant. J’étais le dernier enfant d’une famille nombreuse. Alors, j’ai eu très jeune un fort désir d’autonomie, notamment financière. Travailler permet d’acquérir l’esprit d’entreprise. Ensuite, la contrainte crée le talent.

Comment avez-vous découvert l’esprit collectif ?

Grâce au sport et à la famille nombreuse. J’éprouve tout simplement plus de plaisir à faire des choses en équipe.

Quel type de management pratiquez-vous ?

Tout d’abord un management adapté aux circonstances. En effet, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ! Cependant, quelles que soient les circonstances, je crois à la décentralisation et à la responsabilisation au plus près du terrain. Il y a du génie en chacun.

Enfin, le rôle du leader est de décider clairement, de donner du sens aux décisions prises, de soutenir toujours les équipes afin de leur permettre d’agir en confiance, et, enfin, de suivre avec exigence et bienveillance la mise en place des actions décidées.

Un responsable pays chez Edenred a-t-il une vraie liberté de manœuvre ?

Il est le patron. Il doit comprendre le fonctionnement et les contraintes du groupe, mais c’est lui qui emmène ses équipes. Il doit se lever le matin en se disant : c’est ma maison.

Pourquoi pratiquez-vous la décentralisation ?

Je ne peux pas expliquer que l’entreprise se doit d’être une méritocratie et qu’il y a du génie en chacun, et réduire à l’état d’exécutants des centaines de personnes talentueuses qui travaillent sur une région ou un pays. Ce serait incohérent. Je crois vraiment que chacun a une part de génie et qu’il doit l’exprimer. La volonté d’entreprendre doit venir des salariés sur le terrain.

Comment s’assurer que la décentralisation est mise en pratique ?

Il faut apporter une attention particulière au recrutement. Ma responsabilité est d’aider à bien choisir les dirigeants locaux pour éviter une dissonance entre ce qui est affirmé et les pratiques, sinon cela entraînerait le désenchantement et la démotivation. Ainsi, nous veillons particulièrement à recruter ce que j’appelle la « bonne attitude », c’est-à-dire une attitude en ligne avec nos valeurs managériale

Propos recueillis par Yann Le Galès
article publié le 9/01/2016

Source : Le Figaro (Décideurs)

A voir :
Mathieu Bock-Côté : «L’année 2016 a commencé à Cologne et s’est terminée à Istanbul»
Les Cinq tendances ou une révolution idéologique surgit.

Correspondance Polémia – 13/01/2017

Image : Bertrand Dumazy, PDG du groupe Edenred

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