Par André Posokhow, consultant ♦ La fraude social est un phénomène majeur dont l’ampleur n’avait jamais été précisément étudiée. Pour beaucoup d’observateurs, ce dossier complexe est en effet explosif de par son lien avec la problématique migratoire. Une grande part des abus serait liée à la politique d’accueil des millions d’extra-européens qui sont arrivés en France durant les dernières décennies. Voilà l’une des principales raisons de la grande prudence des gouvernants à se pencher sur cette question épineuse. Le fait que l’enquête nécessaire soit extrêmement complexe et chronophage est bien entendu une autre explication, sans doute la première.
Depuis quelques mois, plusieurs personnes se sont lancées dans cette exploration de la fraude sociale. Un travail acharné mené par Charles Prats, magistrat, Nathalie Goulet, sénatrice, et André Posokhow, contributeur Polémia spécialiste de cette question. Avec la publication d’un rapport d’enquête parlementaire et d’un livre – Cartel des fraudes –, tous les deux édifiants, la situation s’éclaircit légèrement, bien que d’énormes zones d’ombres subsistent.
Dans l’article qui suit, André Posokhow revient sur cet état des lieux.
Polémia
Les lanceurs d’alerte
Il faut rendre hommage à Charles Prats. Anciennement douanier, puis magistrat, il traque et dénonce la fraude sociale depuis vingt ans. Il a mené une véritable croisade contre la fraude documentaire et les dysfonctionnements des caisses et organismes chargés de la gestion des prestations sociales afin d’évaluer le volume de cette fraude et l’enjeu chiffré de son coût.
C. Prats, seul contre presque tous, aura tracé le sillon de ses recherches sans se laisser intimider. Que l’évaluation finale de la fraude confirme ou non les chiffres qu’il avance, son grand mérite est d’avoir soulevé ce qui constitue désormais un problème d’envergure nationale et de l’avoir révélé au grand public. Il apparaît comme un modèle de lanceur d’alerte.
Une autre lanceuse d’alerte a été la sénatrice centriste Nathalie Goulet à laquelle s’est jointe en 2019 la députée LREM Carole Grandjean. Parlementaire hyperactive et compétente, tenace et fermement déterminée à ne pas se faire oublier quand elle tient un sujet, elle a relayé C. Prats dans l’hémicycle par ses questions écrites et orales ce qui l’a parfois exposée à des insultes de Buzin. Une commission parlementaire leur a succédé à partir de janvier 2020.
Des réactions à caractère idéologique généralement hostiles
C. Prats et N. Goulet ont dû, au cours de leur combat, affronter l’hostilité de la plupart des médias, le mauvais vouloir des administrations et le laxisme idéologique des politiques qui considèrent qu’il s’agit d’une chasse des étrangers.
Certes le Front national a évoqué cette question. Mais l’analyse approfondie qui fut élaborée en son sein ne fit pas le poids face à l’objection de gauche typiquement philippotienne de la « fraude des pauvres » que réfute vigoureusement C. Prats.
À ce sujet, lire cette étude sur la Fraude sociale : https://www.polemia.com/wp-content/uploads/2020/01/La-fraude-sociale-Etude-Posokhow.pdf
Les soutiens furent peu nombreux. Valeurs actuelles présenta plusieurs dossiers particulièrement documentés et Polémia publia en 2019 et 2020 plusieurs textes sur ce thème.
Un chiffrage de l’enjeu de la fraude sociale est-il possible ?
La naissance d’un débat enflammé
Dès 2004, Douste-Blazy, ministre de la Santé, soutint à la télévision qu’il existait 10 millions de cartes Vitale en excès par rapport au nombre de bénéficiaires ayant le droit d’en bénéficier. En 2013 l’IGF (Inspection Générale Des Finances) annonça une estimation de 8 millions de cartes Vitale en surnombre. On ne peut pas dire que ces annonces provoquèrent les réactions et les mesures qui auraient dû s’imposer.
En 2013, un contrôle déclenché au Sandia, service qui attribue les numéros de Sécurité sociale (NIR), aboutit à un taux de fraude documentaire d’environ 10 % des NIR attribués à des personnes nées à l’étranger. Sur cette base, le magistrat parla publiquement d’un montant de fraude de 14 milliards d’euros.
La controverse qui suivit fut à l’origine des questions posées publiquement par N. Goulet au Sénat et aux différentes commissions qui se sont lancées sur cette problématique. Il en résulta un salmigondis d’évaluations, de chiffres et d’informations contradictoires qui montrent les défaillances profondes et le désordre qui ressortent du système français de gestion des prestations sociales mais aussi les mensonges et les dissimulations de ses acteurs.
Les conclusions chiffrées affolantes du « cartel des fraudes »
Aussi bien dans son livre que dans les interventions qu’il accorde aux médias, C. Prats présente un historique complexe et touffu des estimations successives du nombre des fraudes en suivant le principe de base suivant : combien sommes-nous ? Combien touchent des prestations ?
Tentons, si possible, de simplifier.
L’écart concernant les cartes Vitale : 2,6 millions ?
La mission Goulet-Grandjean avait établi que, par différence entre les cartes Vitales actives au 1er janvier 2019 : 59,4 millions (CNAM), et le nombre de personnes de plus de 16 ans : 54,2 millions, il apparaissait un surnombre de cartes de 5,2 millions. En février 2020, la directrice de la SS, a réfuté ce chiffre devant la commission d’enquête mais a reconnu celui de 2,6 millions de cartes en surnombre.
Il faut souligner que 2,6 millions de cartes en surnombre, cela n’a rien d’anodin et semble propice au pillage de l’assurance maladie !
Les fantômes nés à l’étranger : 2,5 millions ?
Il existe, selon le répertoire de la protection sociale (RNCPS), 12,4 millions de personnes nées à l’étranger, mais seulement 8,2 millions du côté de l’INSEE, soit un écart de 4,2 millions. En tenant compte du 1,1 million de retraités qui résident à l’étranger et d’autres catégories, il resterait, selon C. Prats, environ 2,5 millions de « fantômes » nés à l’étranger qui toucheraient des prestations, comme l’indique le RNCPS.
L’évaluation de l’enjeu du coup de la fraude aux prestations sociales : 50 milliards d’euros ?
Le directeur de la Sécurité sociale a indiqué au 1er juin 2020 un total de 73,7 millions d’individus bénéficiant de prestations sociales en France, données issues du RNCPS. Sur cette base et par comparaison avec le chiffre de la population française, C. Prats aboutit à un chiffre de 4,9 millions de personnes qui toucheraient des prestations sociales de manière indue. Sur la base d’un montant moyen annuel de prestations sociales d’un peu plus de 10 000 euros, le montant de l’enjeu du coût de la fraude aux prestations sociales pourrait atteindre environ 50 milliards d’euros.
Le rapporteur de la commission, Pascal Brindeau, aurait estimé pour sa part que le coût de cette fraude serait compris entre 14 et 45 milliards.
Les évaluations de Polémia
Dans deux textes du début de 2020, Polémia a présenté ses évaluations.
1°- La fraude aux cotisations sociales
Nous avons retenu l’estimation de la Cour des comptes de 2011 : 25 milliards d’euros. Nous ne croyons pas qu’en dix ans cette fraude ait évolué positivement.
La fraude aux cotisations sociales : des montants considérables et mal connus
L’ACOSS, qui est partie prenante, l’estime à un peu moins de 10 milliards d’euros, chiffre que la Cour estime sous-évalué.
C. Prats choisit un moyen terme à hauteur de 17 milliards d’euros.
2°- La fraude aux prestations
Ne souhaitant pas rentrer dans le maquis, alors impénétrable, des chiffres de la protection sociale, nous avions appliqué un taux très prudent de 5 % de l’organisme de recherche Rand Corporation au seul budget de la SS soit 24 milliards d’euros.
Fraude sociale : un coût estimé à près de 50 milliards d’euros par an !
Soit un montant total de l’enjeu du coût des deux types de fraudes d’environ 50 milliards d’euros.
Quelques observations
La source de la fraude sociale se trouve en grande partie dans la fraude documentaire. Sous serment, le directeur central de la police de l’air a déclaré que 33 % des dossiers d’obtention d’un NIR sont frauduleux. Le gouvernement Jospin, qui avait permis pour l’immatriculation des NIR l’utilisation de photocopies, en porte la culpabilité. Un projet de loi avait été concocté sous le gouvernement Fillon pour retirer les droits aux prestations aux fraudeurs, ce qui est, à notre avis, le meilleur moyen de traiter la question. Ce texte disparut dans les limbes après l’élection de Hollande.
C. Prats a dédié un chapitre entier à la présentation impressionnante de 25 types de fraudes. La plus marquante est celle des retraités maghrébins centenaires.
Le magistrat, tout en reconnaissant les mérites de la Cour des comptes, blâme tout de même celle-ci d’avoir certifié les comptes annuels de la SS. Quant à l’opinion, le refus public de Moscovici de tenter d’évaluer un coût de ces fraudes, même approximatif ou sous forme de fourchette, l’a interloquée.
Enfin pour en terminer avec ces observations, C. Prats voit comme solution la plus efficace l’utilisation de la biométrie.
Une invasion migratoire qui en profite largement
Dans le texte de Polémia du 21 janvier 2020, nous avions proposé d’évaluer à hauteur d’un tiers du coût de la fraude sociale le rôle de l’invasion migratoire, malgré les difficultés de chiffrage.
Fraude sociale. Un rôle de l’immigration significatif mais difficile à chiffrer
Ce ratio peut être considéré comme très et probablement trop prudent pour cinq raisons :
- les données sur lesquelles il s’appuie datent d’une dizaine d’années ;
- déjà en 2011, la DNLF avait constaté que 80 % des faux documents identifiés copiaient des papiers algériens, marocains, congolais et maliens ;
- le travail clandestin des immigrés et surtout l’économie informelle qui pèse d’un poids écrasant sur le corps social et économique de notre pays n’ont pu que s’accroître depuis dix ans ;
- il en va de même de la criminalité spécialisée ;
- mais surtout, selon le magistrat interrogé par Valeurs actuelles, « environ la moitié des 5 millions de fantômes qui gangrènent le système seraient des individus prétendument nés à l’étranger ».
Enfin, C. Prats affirme que la fraude sociale est devenue en France un instrument de financement de groupes communautaires et même terroristes comme le PKK. Elle serait même devenue un mode normal du djihad. C’est à un point tel qu’il soutient que ses révélations lui ont valu des menaces de mort et que le cartel islamiste, dérangé dans son entreprise de pillage, est le plus contrarié par ses révélations.
Conclusion
Le juge Prats a le grand mérite d’avoir mis sur la place publique un problème d’envergure nationale, fruit de l’incurie et probablement de la complicité idéologique. L’enjeu chiffré se compte en dizaines de milliards d’euros et pèse lourdement dans la gabegie française.
Face aux désaccords et aux controverses souvent furieuses qui animent cette affaire, il apparaît indispensable qu’un effort national soit entrepris pour approfondir, confronter et justifier ces données chiffrées dans le but de faire apparaître la vérité et d’engager un processus de réforme, en faisant appel à un audit indépendant réalisé par des spécialistes étrangers. En fait, le travail doit être poursuivi. Il ne sera achevé que lorsque les parties en présence tomberont d’accord sur le diagnostic et les chiffres de la fraude.
C. Prats et N. Goulet se sont heurtés à l’omerta de la plupart des organismes de la protection sociale, qui pratiquent sans scrupule un « confidentiel défense » de leurs propres pratiques, ce qui pose un vrai problème démocratique.
Le mot de la fin revient à C. Prats qui a annoncé qu’il publierait un « cartel des fraudes II » : « La Cour des comptes vient de démontrer comment sauver notre système de retraites : en inversant totalement les flux migratoires, sauf si ses données sont la signature d’une fraude massive avec des individus fictifs. »
André Posokhow
27/10/2020
Source : Correspondance Polémia
Crédit image : Domaine public
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