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« L’Ecole fantôme » de Robert Redeker

« L’Ecole fantôme » de Robert Redeker

par | 8 septembre 2016 | Médiathèque, Politique, Société

« L’Ecole fantôme » de Robert Redeker

Par Camille Galic, journaliste, essayiste ♦ Exit le burkini, c’est à propos de l’Ecole que l’on s’écharpe désormais ! La énième réforme de Mme Vallaud-Belkacem — sur les collèges, où l’interdisciplinarité serait la panacée, un cours sur Gargantua dérivant sur la faim dans le monde — suscite en effet une telle ire dans le corps professoral qu’avant même la réouverture des établissements un mot d’ordre de grève était lancé pour le 8 septembre.

Loin d’améliorer la situation, le nouveau dada de Mme le ministre drivée par les pédagogistes ne peut qu’accélérer le déclin décrit par l’agrégé et professeur de philosophie Robert Redeker dans son dernier livre, L’Ecole fantôme.


Une Ecole qu’il appelle parfois l’Ecole méduse tant, comme le chien crevé de l‘Ecriture, elle semble flotter au fil de l’eau, au fil des modes et des humeurs se succédant rue de Grenelle, mais toutes soumises au Pouvoir médiatique toujours avide de nouveautés, même — et surtout — absurdes mais portées aux nues du moment qu’elles sapent les fondements de notre civilisation.

Crise anthropologique et industrie de l’hébétude

Car, en ce cinquantième anniversaire de la Révolution culturelle chinoise, Mao et sa Bande des quatre ont bien pu trépasser, tout se passe comme si le Petit Livre rouge restait le credo de l’Education nationale pour du passé faire table rase et fabriquer ainsi des générations hors-sol, « hors-histoire et hors-langue, hors-terre natale », ce que Renaud Camus appelle des inhéritiers.  Il faut, écrit R. Redeker, « arracher l’enfant à sa patrie, perpétrer le rapt par l’apprentissage de la lecture […] afin de prévenir le risque d’enracinement dans cette histoire et cette culture », dans un « versant éducatif de la délocalisation industrielle et économique… C’est dans les termes d’une guerre conduite contre la culture que se pose la question de l’Ecole dont on voit bien qu’elle est avant tout une crise anthropologique. »

L’indignation qui anime notre auteur — nourri de Socrate, de Platon et de Kant — contre les Bourdieu, Meyrieu et autres fossoyeurs lui inspire des formules assassines sur la « pédagogie vidangée » qui « n’est plus qu’une forme carnavalesque de théologie ». Feu sur « les inspecteurs pitbulls qui déboulent dans les classes pour chasser les enseignants-résistants », les classes transformées en « agoras jacassantes », l’Ecole « où l’on s’active beaucoup, le fanatisme de l’activité y imposant son terrorisme » au détriment de l’acquisition du savoir ! Celui-ci sacrifié à « l’industrie de l’hébétude » issue du show-biz et des mass-médias pour fabriquer des ignares. Avec la complicité du peuple français en raison de sa « jouissance maladive devant le spectacle de la mort de son Ecole » : « Les inhéritiers sont les enfants du sanglot du maître blanc ».

Infraculture contre guerre raciale

Car il ne faut pas se leurrer : si les pédagogistes accélèrent la « prolétarisation généralisée des esprits »,  avec le concours plus ou moins forcé d’enseignants « changés en animateurs socio-culturels et gentils organisateurs du vivre-ensemble », c’est dans l’espoir de « produire de la réconciliation nationale » selon le mot du sociologue Laurent Muchielli, et donc de favoriser la « culture commune », accessible à tous car de niveau zéro, susceptible d’éviter la « guerre civile » — qui sera plutôt une guerre raciale.

Robert Redeker revient de loin. Né en 1954 dans l’Ariège de parents allemands — son père avait combattu dans l’Afrika Korps selon Wikipédia —, il milita longtemps à l’extrême gauche et fut membre du copité de rédaction des Temps modernes, la revue fondée par Sartre et depuis 1986 dirigée par Claude Lanzmann (réalisateur du film Shoah), où il se déchaîna en novembre et décembre 1993 contre « La catastrophe du révisionnisme » et « Le révisionnisme invisible ». Et, dans le présent livre, il soutient encore que « l’anti-humanisme, la déconstruction et la destruction du sujet » sont un héritage « des totalitarismes, en particulier du nazisme », alors même que tout son réquisitoire est dirigé contre le marxisme et l’anarchisme qui, « quand il s’agit de culture », « renforcent le capitalisme et le libéralisme en menant un combat commun » dans une mortifère « trilatérale anticulturelle ». Ce constat- là est on ne peut plus juste.

Camille Galic
30/08/2016

Robert Redeker, L’Ecole fantôme, Editions Desclée de Brouwer, septembre 2016. 204 pages.

Correspondance Polémia – 8/09/2016

Camille Galic

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