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Le vrai scandale d’Ebola

Le vrai scandale d’Ebola

par | 16 décembre 2014 | Géopolitique

Le vrai scandale d’Ebola

« Avant de faire appel aux médecins européens, pourquoi M. Andriukaitis n’a-t-il pas songé à exiger, des milliers de médecins africains exerçant au sein de l’UE, de se porter volontaires pour aller soigner leurs frères dans le malheur ? »

Éditorial de L’Afrique réelle n° 60, décembre 2014, par Bernard Lugan

Les médias nous disent que si l’Afrique ne parvient pas à combattre Ebola c’est parce qu’elle manque de médecins. Faux ! L’Afrique a des médecins, mais ils ont émigré en Europe ou aux Amériques. Ceux qui furent formés en Afrique sont partis vers des cieux meilleurs et ceux qui le furent en Europe y sont restés… La vérité est que l’Afrique exporte ses personnels médicaux alors qu’en moyenne elle compte moins de 15 médecins pour 100.000 habitants contre 380 en France (1).

En 2008, le Center for Global Development chiffrait à 135.000 les personnels médicaux africains (médecins, infirmiers et autres) exerçant hors d’Afrique, dont 28.000 médecins originaires d’Afrique sud-saharienne. S’il n’y a pas de médecins au Liberia, en Sierra Leone, en Guinée et au Mali c’est parce que ces déserteurs ont abandonné leur continent pour aller s’employer dans les pays du Nord (2).

Les conséquences de ce scandale sont clairement apparues le 26 novembre 2014 quand, pour tenter d’enrayer la propagation d’Ebola, la Commission européenne proposa de mobiliser 5000 (!!!) médecins européens. Le commissaire à l’Aide humanitaire, M. Andriukaitis, déclara ainsi qu’il avait « (…) appelé les ministres de 14 États membres pour les exhorter à envoyer plus de personnel médical dans les pays frappés par Ebola ».

Avant de faire appel aux médecins européens, pourquoi M. Andriukaitis n’a-t-il pas songé à exiger, des milliers de médecins africains exerçant au sein de l’UE, de se porter volontaires pour aller soigner leurs frères dans le malheur ?

L’exemple d’Ebola n’est pas isolé. Impuissantes, les autorités de Madagascar qui font actuellement face à une épidémie de peste viennent de lancer un appel à l’aide à l’Europe alors que des centaines de médecins malgaches exercent dans les limites de l’UE. Rien qu’en France, ils sont 770 (!!!) (3). Ne seraient-ils pas plus utiles dans leur pays ? Pour les remplacer, l’UE va donc devoir faire appel à des médecins européens. Comme toujours.

Cette question des médecins africains dans l’UE est révélatrice de ce « grand remplacement » qui se fait à tous les niveaux de la société et que certains considèrent comme un « fantasme ». En 2008, le président sénégalais Abdoulaye Wade la qualifia de « pillage des élites des pays en voie de développement », ajoutant « ce n’est pas honnête de vouloir prendre nos meilleurs fils ».

Disons le clairement : cette nouvelle forme de la traite des Noirs porte sur les plus précieux des Africains, ses diplômés, et elle se fait avec l’habituelle complicité des « gentils » de l’antiségrégation et des requins du capitalisme associés pour la circonstance. Au nom du paradigme de la culpabilité qui les hante, les premiers s’interdisent de voir qu’en les accueillant ils saignent l’Afrique ; les seconds les encouragent à venir au nom des lois du marché, du travail global et de la mobilité de la main-d’œuvre.

Madame Taubira et le Cran sont étrangement silencieux sur cette question. Pourquoi ?

 Bernard Lugan
Source : L’Afrique Réelle n°60 – Décembre 2014
05/12/2014

Notes

  1. Center for Global Development (CGD), 2008.
  2. Contrairement à l’idée reçue, ils ne vont pas combler le désert médical français, ce résultat d’une stupide et suicidaire politique de numerus clausus, puisqu’ils vont quasiment tous s’installer en ville, là où l’on ne manque pas de praticiens (Ordre des médecins, novembre 2014).
  3. Atlas national de la démographie médicale, Conseil de l’ordre des médecins, 4 juin 2013. Concernant les 19.762 médecins exerçant en France et titulaires de diplômes étrangers hors Union européenne, 31,5% étaient originaires d’Afrique du Nord dont 22,2% d’Algérie, 5,8% du Maroc, 2,5% de Tunisie et 1% d’Égypte.

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