Par Ingrid Riocreux, agrégée de lettres modernes, spécialiste de grammaire, rhétorique et stylistique ♦ Sur son blog, Ingrid Riocreux est récemment revenue sur l’emploi de l’expression « épisode neigeux » par les médias. Avec humour, l’agrégée de lettres modernes soulève une possibilité aussi étonnante qu’inquiétante : les médias dominants minimisent-ils la durée de ces « épisodes neigeux » par soumission au dogme du réchauffement climatique ?
Ce n’est pas un sujet brûlant mais je remarque que les expressions débiles de ce genre ont le don d’agacer tout le monde, à juste titre d’ailleurs, et contribuent donc à nourrir notre « désamour envers les médias » (une formule de journalistes qui montre à quel point ils aspirent, non seulement à être crus, mais à être aimés de nous !).
A priori, on se dit que ce doit être une notion technique, un terme de météorologie plus précis que « neige ». Quand on l’entend et le lit partout, on a vite fait de penser que, sans doute, cette expression a sa raison d’être, même si celle-ci nous échappe.
On esquisse peut-être tout de même une moue sceptique quand on lit que l’épisode neigeux « s’évacue vers l’Est » (un épisode qui s’évacue?) :
En ce cataclysmique mardi 6 février, on nous rassurait : « l’épisode neigeux devrait prendre fin demain en milieu de journée ». Le lendemain, en milieu de journée, la neige cessa de tomber. Mais les routes demeuraient impraticables, le paysage était couvert d’un épais manteau blanc, on ne distinguait pas le trottoir de la chaussée… et il me fallut attendre encore une bonne demi-journée avant de pouvoir aller récupérer ma voiture que j’avais été contrainte d’abandonner quelque part pour rentrer à pied. Autrement dit, il ne neigeait plus mais on aurait pu considérer que « l’épisode neigeux » n’était pas terminé.
Pourtant, selon les médias, il appartenait au passé. Ce qui signifiait, tout simplement, qu’« épisode neigeux » n’était qu’une autre manière de dire « neige ».
Ma première idée a été de lire cette tournure comme une nouvelle manifestation de la tendance à l’euphémisme et à la formulation contournée : de même qu’on ne dit pas d’une personne qu’elle est Noire mais qu’elle « appartient à la communauté Noire », de même, on ne dit plus qu’il neige mais que nous vivons un « épisode neigeux ». Dans la tête d’un journaliste, je suppose que c’est à la fois plus chic et plus acceptable. Plus tarabiscoté, donc moins trash.
J’ai une autre hypothèse interprétative, qui renverrait plus au domaine de l’inconscient journalistique. « L’épisode » est, étymologiquement, « ce qui vient en plus sur le chemin » (épi-eis-hodos). Le mot désigne, en dramaturgie, une action secondaire rattachée à l’action principale : l’adjectif « épisodique » insiste d’ailleurs sur ce caractère accessoire quoique répétitif. Or, il va de soi que les périodes de grand froid, accompagnées de chutes de neige paraissent, au moins en apparence, mettre à mal la thèse du réchauffement climatique. Comme j’ai déjà pu le montrer, les journalistes sont très attachés à la crédibilité du réchauffisme (au point de faire dire aux experts plus qu’ils n’en disent) et notamment, aiment à utiliser les phénomènes météorologiques comme des arguments au service de cette thèse climatologique. S’ils procèdent ainsi, c’est évidemment parce qu’ils sont conscients de la nécessité d’anticiper les pensées déviantes (comprendre: climatosceptiques, comme on dit) que pourraient faire naître des variations de température en contradiction avec les prévisions prophétiques qu’il s’agit d’asseoir dans l’opinion. Rappelons que pour les médias, le réchauffement planétaire inéluctable, continu et d’origine anthropique n’est pas uniquement une thèse vraisemblable : c’est un véritable dogme, sur la base duquel on peut discriminer entre les fréquentables et les « sulfureux », au même titre que sur d’autres questions chaudes (immigration, homoparentalité, etc.). Dans ces conditions, reléguer la neige au rang d’ « épisode » est rhétoriquement puissant : discrètement mais avec insistance (puisque l’expression « épisode neigeux » s’est généralisée), on rappelle que cette période d’intempéries glaciales n’invalide pas le phénomène global sur lequel notre esprit doit rester concentré avec une forme de terreur tétanisante… même quand nous avons les pieds dans quinze centimètres de neige !
Ingrid Riocreux
15/02/2018
Source : La voix de nos maîtres
Crédit photo : Domaine public via PxHere