Par Camille Galic, journaliste et essayiste ♦ Ce samedi 18 novembre, Polémia organise son IX e Forum de la dissidence (s’y inscrire : https://my.weezevent.com/9eme-forum-dissidence). Le thème : « Gouvernement des juges : quel bilan, quelle légitimité ? » Nous republions cet article paru en septembre dernier concernant la présence du Syndicat de la magistrature à la fête de l’Huma.
Polémia
Si les nationaux sont privés depuis 2006 de la Fête des Bleu-Blanc-Rouge dont la première édition se déroula en 1981– joli pied de nez à Mitterrand élu quelques mois plus tôt –, la Fête de L’Humanité draine toujours du monde malgré sa délocalisation — en raison des grands aménagements préalables aux Jeux Olympiques 2024 — de La Courneuve à Brétigny-sur-Orge, et un déficit l’an dernier de 500 000 euros. Perte vite épongée par l’État qui a accru son aide au quotidien communiste, et aussi grâce à l’effort financier exigé des camarades… Mais surtout de grandes firmes publiques ou privées (EDF, Bouygues, Effage, SNCF, etc.) qui louent à prix d’or dans l’enceinte de la fête des panneaux de publicité et même des stands qui, s’ils ne sont guère achalandés, constituent un pari sur l’avenir. Le paiement de cet « impôt révolutionnaire », selon le mot d’un grand industriel refusant de se prêter au jeu mais préférant aussi rester anonyme, leur évite ainsi trop d’embrouilles avec la CGT qui, s’ils renâclaient, lancerait des grèves à répétition. Ainsi va le « dialogue social », à fort relent mafieux.
Un lobby destructeur
Avec à l’affiche côté spectacle le chanteur trans Bilal Hassani, la « pansexuelle » Angèle et le rappeur franco-algérien Médine Zaouiche, dit Médine, qui prône l’ardente obligation « d’enfreindre [sic] les frontières pour les ouvrir aux migrants » et dont l’islamisme se teinte d’un fort antisionisme (d’où la réaction du ministre des Transports Clément Beaune qui « se réjouissait de débattre avec des représentants syndicaux de la SNCF » mais a annulé sa visite, ne voulant « pas cautionner la présence de Médine à cet événement »), la nouveauté vient cette année de l’invitation lancée au Syndicat de la magistrature, qui l’a acceptée. Au grand dam paraît-il de certains, adhérents compris qui voient « une politisation de la justice » dans l’initiative du SM (à ne pas confondre avec sado-masochisme, même s’il y a un ethnomasochisme évident chez ce syndicalistes prêts à tout pour défendre la veuve et l’orphelin migrants).
Ces naïfs se réveillent bien tard. Étaient-ils donc persuadés de la neutralité de ce syndicat, ou plutôt de ce lobby, fondé par trois grandes figures de la gauche assez extrême, Louis Joinet, Claude Parodi et Pierre Lyon-Caen, dans la foulée de Mai 68 et qui, depuis, bien que minoritaire puisqu’il représente moins d’un tiers des magistrats, n’a cessé d’œuvrer à la subversion de la justice par l’inversion des responsabilités ? Pour lui, en effet, les criminels — surtout allogènes, répétons-le, qu’il défend en toute circonstance — sont des victimes, c’est la Société, dont la police est le bras armé, qui est coupable, par son inhumanité et ses discriminations. Et c’est donc elle que, par tous les moyens, il urge de réformer.
Au crédit du SM, on admettra qu’il n’a jamais caché son jeu. En témoigne son Petit livre rouge, précis du droit du manifestant, que, «fidèle à sa tradition d’accompagnement des luttes et des revendications sociales», il publia en 2020 afin d’instaurer « un contrôle réel sur les services de police ». Ambition déjà exprimée en 2001, Lionel Jospin étant Premier ministre, dans un premier vade-mecum à l’usage des clandestins et des casseurs, Vos papiers ! Que faire face à la police ? Un libelle dû au magistrat versaillais Clément Schouler, illustré en couverture d’un policier grimaçant à tête de porc et d’une telle violence que le ministre (socialiste) de l’Intérieur Daniel Vaillant porta plainte. Sans succès : au terme d’un long parcours judiciaire, la Cour d’appel de Rouen à laquelle la Cour de cassation avait renvoyé l’affaire prononça le 4 février 2009 la relaxe du citoyen Schouler, retenant à son profit « l’excuse de bonne foi » (?) même si ses propos étaient « bien diffamatoires ».
« Une Justice politique » – État de droit et coup d’État judiciaire
Le scandale du « mur des cons »
On se souvient aussi du scandale, révélé sur le site Atlantico en 2013 par le journaliste de France 3 Clément Weill-Raynal (auquel la chaine d’État infligea une mise à pied), du « mur des cons » sur lequel, dans ses propres locaux, les dirigeants du SM avaient affiché les photos de diverses personnalités publiques : hommes politiques, intellectuels, journalistes, hauts magistrats, syndicalistes policiers majoritairement de droite mais aussi divers parents de victimes révoltés par le laxisme de la justice envers des récidivistes. Dans cette galerie de la honte (pour le SM) figuraient ainsi Jean-Pierre Escarfail, président d’une association de victimes, dont la fille avait été violée et assassinée par le tueur en série Guy Georges (fils d’un soldat afro-américain) , ainsi que le général Philippe Schmitt dont la fille Anne-Lorraine avait été lardée de vingt-sept coups de couteau le 25 novembre 2007 dans une rame du RER D par le Franco-Turc Thierry Devé-Oglou, furieux de la résistance acharnée que lui opposait l’étudiante, qu’il tentait de violer. (Dans les deux cas, les assassins écopèrent de la même peine, une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité, en fait réduite à 22 ans).
Face à l’indignation générale, qui devait conduire Christiane Taubira alors ministre de la Justice à saisir (avec retard) le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Sophie Combes, secrétaire nationale du SM, flétrit un « travail de décrédibilisation » et la présidente Françoise Martres critiqua vertement la « saisine consternante » du CSM, précisant : « Le Syndicat de la Magistrature est un syndicat de gauche, alors certains ne le supportent pas mais, cela n’a rien à voir ensuite avec notre partialité et notre impartialité. »
En 2014, Mme Martres fut mise en examen pour injures publiques. Mais elle devait prendre sa revanche en 2017 avec l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée et de Nicole Belloubet Place Vendôme : en juin 2017, à peine nommée, la nouvelle garde des Sceaux fit de Françoise Martres, jusque-là modeste conseillère à la cour d’appel d’Agen, une première vice-présidente adjointe au prestigieux tribunal de grande instance de Bordeaux alors que dix-sept autres magistrats avaient candidaté pour le poste.
Pour elle comme pour son pote Schouler, il y eut décidément grâce d’état. Et même d’Etat.
Entre-soi gauchiste
Lors des trois jours, du vendredi 15 au dimanche 17 septembre, passés à la Fête de L’Huma, les « dirigeant.es » du Syndicat de la Magistrature doivent animer un débat sur la justice et un autre sur « « la question sécuritaire ou l’ordre qui déborde » ainsi, évidemment, qu’une table ronde sur les contrôles d’identité et, vous l’auriez deviné, les violences policières. Dans tous les cas, aucun contradicteur. Comme l’annonçait l’actuelle secrétaire nationale Sarah Pibarot, « nous allons faire dialoguer les instances syndicales de plusieurs professions : par exemple, sur la justice des mineurs, il y aura un représentant de la CGT et un autre du SNES-FSU, le syndicat des enseignants », le tout « en présence de députés et représentant·es de la NUPES ». Le triomphe dans toute sa splendeur de « l’entre-soi », si décrié à gauche quand il régit d’autres milieux et d’autres lieux.
Si Pierre-Marie Sève, le directeur de l’Institut pour la Justice, a accusé le Syndicat de la Magistrature de « politiser un peu plus encore la justice, faisant voler en éclats la neutralité de la profession alors que ce syndicat devrait se tenir loin de tout événement politique », le porte-parole du gouvernement Olivier Véran interrogé le 12 septembre par CNews sur la participation du SM à la Fête de L’Huma, s’est contenté de répondre : « C’est pas top. » Oui, vous avez bien lu.
A défaut de l’élégance, on notera la concision du propos, très inhabituelle chez l’ancien et très verbeux ministre de la Santé, mais preuve de la profonde gêne éprouvée par l’État-Macron face au SM. Pourquoi ?
Camille Galic
16/11/2023 – Publication initiale : 14/09/2023
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