Agir pour la démocratie directe et l’Institut néo-socratique vous invitent à leur prochaine conférence qui se tiendra le lundi 16 mars à 19 heures précises, à l’association « Dialogue Franco-Russe » 120, Champs-Élysées 75008 Paris. Au programme, Culture et politique culturelle de la Russie, par Ivan Blot.
Le Club international de Valdaï, qui invite chaque année le président Poutine à sa session plénière, a édité en 2013 une brochure intitulée « L’Identité nationale et l’avenir de la Russie. »
Les rapporteurs ont défini l’identité russe comme essentiellement culturelle. Les ethnies en Russie sont diverses, les Russes représentant à eux seuls 80 à 85% du total. Mais toutes les ethnies doivent cultiver la culture russe et parler russe à côté de leur culture locale. Pour le club de Valdaï, l’identité nationale a deux utilités : renforcer la cohésion sociale et faciliter le développement individuel (le capital humain). En effet, un citoyen qui connait l’histoire russe, la culture russe et parle bien la langue russe représente pour lui-même et pour la société un « capital humain » plus élevé. Le patriotisme qui fait qu’on est capable de se sacrifier en défendant la patrie est un capital humain en soi, de type militaire. Donc, on n’oppose pas l’individu à la nation : les deux se renforcent réciproquement. Cette analyse gagnerait à être connue en France où le patriotisme et la connaissance des racines de l’histoire nationale sont négligés.
Pour le Club de Valdaï, il faut que l’identité nationale s’incarne dans un panthéon de héros, comme c’était le cas en France sous la IIIe république. Ce panthéon doit être enseigné à l’école et rappelé sur les médias. On pense que la mémoire des héros est plus motivante que le rappel de principes juridiques abstraits comme la laïcité, les droits de l’homme, la république ou la constitution. On ne meurt pas pour la sécurité sociale ou la laïcité. On peut mourir pour défendre sa famille, sa patrie ou sa religion.
D’après les sondages cités dans la brochure de Valdaï, plus de 80% des Russes se déclarent patriotes. Être russes signifie être citoyen de la Russie, partager la culture russe et parler la langue russe. La religion est aussi un élément d’identification mais fait moins l’unanimité. 43% se disent fiers d’être orthodoxes : cela dit, 77% de Russes s’identifient comme orthodoxes, 6% musulmans, 5% déistes et 6% athées, 2% sont catholiques ou protestants et 2% ne « savent pas ». L’identification nationale ne repose pas sur une idéologie politique. 23% seulement trouvent que leur identité politique partisane est importante.
Il est impossible de traiter de la culture russe dans son ensemble mais il est possible de donner quelques impressions à partir d’œuvres littéraires significatives. Nous avons choisi de parler de Boulgakov, de Dostoïevski et de Soljenitsyne.
Boulgakov a décrit dans La Garde blanche la guerre civile à Kiev après la première guerre mondiale entre monarchistes, communistes, nationalistes ukrainiens et allemands (force d’occupation). La situation d’aujourd’hui en Ukraine se comprend mieux après avoir lu ce livre. Boulgakov écrit d’autres livres comme Cœur de chien : un médecin greffe un cœur de chien sur un homme qui se transforme en fonctionnaire du parti communiste ! Ce qui est incroyable est qu’avec cette impertinence, l’écrivain était apprécié et protégé par Staline en personne. Son chef d’œuvre est Le Maître et Marguerite qui met en scène le Diable sous les traits d’un consultant étranger (Woland) : celui-ci a un œil vert (l’espoir qu’il fait miroiter aux hommes) et un œil noir (la mort vers laquelle il attire les hommes).
Dostoïevski est bien sûr un auteur majeur qui a beaucoup influencé l’Occident : Nietzsche, Balzac, Camus se réclament de lui parmi bien d’autres. Dans Les Démons, il montre la psychologie d’une secte socialiste révolutionnaire et la folie de l’idéologie égalitariste. Dans L’Adolescent, il montre un jeune homme à la dérive qui ne rêve que de gagner beaucoup d’argent. Dans L’Idiot, il montre la figure christique du prince Mychkine associée à celle d’un assassin qui en est l’antithèse. Enfin, dans Les Frères Karamazov, il montre l’idéologie du monde moderne dans la fable du Grand Inquisiteur. Les trois frères représentent les trois cerveaux : Dimitri suit ses instincts et va à la catastrophe même si ce n’est pas un mauvais homme ; Ivan est un intellectuel raffiné amoureux de l’Occident qui deviendra fou et inspire le parricide : c’est lui qui déclare : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis ! » Aliocha est orthodoxe et plein de charité et représente l’idéal de l’auteur. Puis il y a le starets Zosime qui critique la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » qui, sans la charité chrétienne, mènera à la catastrophe.
Soljenitsyne dénonce le goulag soviétique, fait l’éloge de la démocratie directe en Suisse, critique l’affaissement du courage et la montée du matérialisme en Occident. Il sera décoré par Poutine pour son œuvre et pour son patriotisme.
Au lundi 16 mars, avec toutes mes amitiés.
Ivan Blot
04/03/2015
Programme des conférences 2014-2015
- 15 septembre. Mille ans d’histoire russe. Résistance, survie et mission historique
- 27 octobre. La chute définitive du communisme : un épisode de l’histoire de l’être (Heidegger)
- 17 novembre. Vladimir Poutine et le rétablissement de la hiérarchie des trois fonctions (Dumézil). Aristote et le régime mixte
- 8 décembre. L’armée, la sécurité intérieure et les autres formes de sécurité (Mc Lean)
- 19 janvier. La nouvelle économie : croissance et liberté (Hayek)
- 9 février. Le renouveau familial et démographique
- 16 mars. Culture et éducation : réappropriation de l’héritage de la civilisation (Gehlen, Hayek)
- 13 avril. Traditions religieuses et matérialisme : l’homme chez Dostoïevski
- 11 mai. L’échelle sainte de Jean Climaque : l’héritage spirituel de la Russie
- 15 juin. L’avenir se lève à l’Est : l’inversion des pôles
- La décadence occidentale – Le déclin économique - 12 juillet 2018
- La décadence occidentale – Le déclin de la culture - 6 juillet 2018
- La décadence occidentale – Le déclin politique - 16 juin 2018