Agir pour la démocratie directe et l’Institut néo-socratique vous invitent à leur prochaine conférence qui se tiendra le lundi 8 décembre à 19 heures précises, à l’association « Dialogue Franco-Russe » 120, Champs-Élysées 75008 Paris. Au programme, L’armée et les forces de sécurité dans la Russie nouvelle, par Ivan Blot.
Nous avons étudié la dernière fois la réévaluation de la fonction de souveraineté en Russie grâce au président Vladimir Poutine. Nous allons voir ce qu’il en est de la deuxième fonction, que Georges Dumézil appelait la « fonction guerrière » symbolisée chez les anciens Grecs par la déesse Athéna. Les Grecs avaient compris que cette fonction n’était pas que militaire et Athéna était aussi la déesse de l’intelligence et du courage. Nous allons étudier la fonction de sécurité en Russie de quatre points de vue, conformément à la méthode inspirée d’Aristote et de Heidegger : le point de vue matériel et budgétaire, le point de vue des hommes et de leur éducation, le point de vue de l’influence de l’armée dans la fonction souveraine, et le point de vue de la cause finale, la défense de la patrie.
1. Le point de vue budgétaire et matériel. Après une chute des moyens de l’armée, le budget a repris sa croissance et l’armée russe a à présent le troisième budget de défense du monde après les USA et la Chine. Certes, les USA représentent à eux seuls 40% des dépenses militaires de la planète. La France vient au 6e rang mais, plus généralement, l’Europe désarme. La forte croissance des budgets est en Russie, en Chine et en Arabie Saoudite. Technologiquement, l’armée russe fait un effort de modernisation considérable. Elle est la première force nucléaire du monde. D’après le SIPRI Yearbook, en 2012, la Russie possède 10 000 ogives nucléaires (monde : 19 000), les USA 8000, la France 300, le Royaume uni 225 et la Chine 240.
2. L’éducation militaire et patriotique, supprimée sous Eltsine, a été rétablie. La Russie a recréé des régiments de Cosaques et dispose d’écoles de cadets sous le modèle tsariste issu lui-même du modèle prussien. L’éducation ne se réduit pas à de seuls apprentissages techniques comme cela devient le cas en Occident : elle sert aussi à former des citoyens patriotes.
3. Les oligarques contrôlaient le pouvoir sous Eltsine. Aujourd’hui, une bonne partie du personnel politique et gouvernemental est composé des « siloviki », les hommes des forces de sécurité. Ils ont une vision de leur mission envers la patrie souvent différente des politiciens habituels que l’on connaît en Occident. Leurs valeurs, selon Andrei Iliaronov (ancien conseiller du président Poutine et président de l’Institut d’analyse économique de Moscou), sont, par ordre décroissant, le sens de l’honneur, la loyauté, la discipline, la conscience d’être l’élite de la nation. Ces siloviki (« sécurocrates ») sont très présents au sein de l’État, au niveau le plus élevé (33% des membres du gouvernement contre 11% sous Eltsine, selon Olga Kryshtanovskaya, de l’Académie des sciences de Russie).
L’Église orthodoxe russe a aussi une grande influence, même si l’État est juridiquement laïc. Ce renouveau de l’orthodoxie se fait aussi sentir dans l’armée. On construit des églises dans les casernes et les ministères. En France, la première chose qu’a faite l’État en récupérant le site du grand quartier général de l’OTAN à Rocquencourt a été de détruire l’église ! L’église orthodoxe russe encourage le patriotisme. On a même créé des unités de popes parachutistes qui peuvent construire une église démontable sur le terrain près des combats.
4. L’éthique militaire joue donc un rôle important qui a des répercussions dans le domaine politique, dans le domaine de l’éducation des jeunes, en articulation avec l’Eglise orthodoxe et les Eglises minoritaires mais reconnues comme « traditionnelles » (judaïsme, islam et bouddhisme). Une société où l’armée et la religion jouent un rôle éthique important permet de réhabiliter les notions de devoir et de sacrifice là où les sociétés marchandes sont centrées sur l’ego et l’argent, les masses et la technique, les quatre idoles du Gestell dont parle le philosophe Heidegger (Gestell = arraisonnement utilitaire où l’homme n’est plus qu’un rouage du système technico-économique). L’importance des valeurs militaires reflète l’importance attachée à l’identité nationale : d’après une étude du Club de Valdai, de février 2014, intitulée « L’identité nationale et l’avenir de la Russie », 81% de la population se dit patriote russe (dont 37% « absolument patriotes »), 12% se disent « pas vraiment patriotes » et 2% ne se disent pas patriotes du tout. 5% ne savent pas.
L’identité ethnique est plus importante que l’identité religieuse. L’identité politique vient bien après, contrecoup du communisme. Cela dit, 77% se définissent comme orthodoxes, 6% comme musulmans et 6% comme athées, 5% déistes et 2% catholiques ou protestants. La cause finale de l’institution militaire est finalement le patriotisme en premier lieu. À un journaliste visitant une école de cadets un jeune élève, à qui l’on demandait : « Quel métier veux-tu faire ? », a répondu par ce mot : « Patriote » !
Nous parlerons de tout cela le 8 décembre prochain. Bien cordialement.
Ivan Blot
02/12/2014
Programme des conférences 2014-2015
- 15 septembre. Mille ans d’histoire russe. Résistance, survie et mission historique
- 27 octobre. La chute définitive du communisme : un épisode de l’histoire de l’être (Heidegger)
- 17 novembre. Vladimir Poutine et le rétablissement de la hiérarchie des trois fonctions (Dumézil). Aristote et le régime mixte
- 8 décembre. L’armée, la sécurité intérieure et les autres formes de sécurité (Mc Lean)
- 19 janvier. La nouvelle économie : croissance et liberté (Hayek)
- 9 février. Le renouveau familial et démographique
- 16 mars. Culture et éducation : réappropriation de l’héritage de la civilisation (Gehlen, Hayek)
- 13 avril. Traditions religieuses et matérialisme : l’homme chez Dostoïevski
- 11 mai. L’échelle sainte de Jean Climaque : l’héritage spirituel de la Russie
- 15 juin. L’avenir se lève à l’Est : l’inversion des pôles
- La décadence occidentale – Le déclin économique - 12 juillet 2018
- La décadence occidentale – Le déclin de la culture - 6 juillet 2018
- La décadence occidentale – Le déclin politique - 16 juin 2018