Agir pour la démocratie directe et l’Institut néo-socratique vous invitent à leur prochaine conférence qui se tiendra le lundi 27 octobre à 19 heures précises, à l’association « Dialogue Franco-Russe » 120, Champs-Élysées 75008 Paris. Au programme, La chute du communisme soviétique, un épisode de l’histoire de l’être, par Ivan Blot.
La première chose à comprendre avec le retour de la Russie est que celle-ci n’est plus communiste.
Comme l’avait dit De Gaulle de façon prophétique, cité par Alain Peyrefitte (*), « les seules réalités internationales, ce sont les nations. La Russie boira le communisme comme le buvard boit l’encre ».
La Fédération de Russie n’est pas l’Union soviétique. Certains Occidentaux qui ne voyagent pas ne s’en rendent toujours pas compte ou sont intéressés à l’ignorer.
Nous allons voir, à l’aide des quatre causes d’Aristote, les causes de la chute de l’Union soviétique : la catastrophe économique, l’impuissance politique et militaire finale, la démoralisation des hommes et, surtout, l’ouverture de l’être qui a permis à un autre système d’apparaître à la place de l’ancien. Ce point a été développé de façon géniale par Martin Heidegger dans son essai Koinon.
La catastrophe économique a été un point décisif. Elle m’avait été prédite par le prix Nobel d’économie Friedrich von Hayek dans un entretien que j’ai eu avec lui à la mairie de Paris en 1985 alors que Jacques Chirac venait de le décorer. Hayek me dit : Vous faites de la politique par anticommunisme ? Je vous approuve mais cela ne sert à rien ! Pourquoi dites-vous cela ? lui dis-je. Il me répond : Le communisme va disparaître dans cinq ans environ et il n’y aura plus de Rideau de fer. Ils ont détruit le marché et n’ont plus aucun moyen de mesurer la rareté des biens. Ils font donc un gaspillage intense et leur économie va s’effondrer.
Politiquement, c’est De Gaulle qui fut le prophète. Comme l’a écrit Charles Péguy, la mystique dégénère en politique. On pourrait ajouter : la politique dégénère en administration. C’est ce qui est arrivé à la classe dirigeante soviétique incapable de se renouveler. Le communisme n’est plus resté vivant, et encore, que chez les gérontes. L’armée victorieuse du Troisième Reich n’a même pas pu vaincre l’Afghanistan. Face à cette impuissance, bien symbolisée par Gorbatchev, incapable de désigner son adversaire de façon claire, la troisième fonction (économique selon le modèle de Dumézil) a pris le pouvoir avec Eltsine. La Russie était à vendre !
La culture des hommes s’en est ressentie : la morale socialiste s’est effacée. Elle était contraire à la nature humaine, comme la révolution. Je suis allé voir en 1996 l’idéologue du parti communiste Alexeï Podberiozkin dans son think tank « Héritage spirituel de la Russie ». Il m’a expliqué que, devant l’échec du marxisme, le nouveau parti communiste cherchait une doctrine nouvelle de la troisième voie avec l’aide des penseurs de l’Eglise orthodoxe. Cette rupture culturelle a préparé l’avènement de la nouvelle Russie, où le patriotisme est lié à l’orthodoxie, même si l’Etat reste juridiquement laïc. Il s’agit de copier l’Occident dans ses bons côtés (liberté, économie, technologie) mais pas dans ses mauvais (criminalité, relativisme moral, chute démographique, matérialisme contraire à l’humanisme).
L’explication la plus profonde est comme toujours du côté de la cause finale. Là, il faut recourir à Heidegger. Comment se fait-il qu’un empire surarmé s’effondre sans se défendre ? Heidegger avait montré que le communisme était en réalité une incarnation de la volonté de puissance pour la puissance. L’exercice de cette puissance se fait par la « machination utilitaire» (Machenschaft). Le communisme est une variante du Gestell (arraisonnement utilitaire des hommes) avec le fascisme et l’utilitarisme américain. Selon Heidegger, « ni la vengeance, ni la quête du bonheur, ni la violence n’expliquent le système qui, en soi, n’a plus rien d’humain ».
La puissance se sert des hommes comme d’un rouage et non l’inverse : les dirigeants eux-mêmes ne forment pas une fraternité mais se méfient entre eux. Le système repose sur le mensonge mais, à partir d’un certain moment, qui n’est pas décidé par les hommes, se produit une « éclaircie de l’être ». L’homme rouage, qui a oublié son essence, en reprend conscience peu à peu. Il redevient humain et la Russie éternelle réapparaît alors. L’Union soviétique possédait la Russie qui vivait hors de son essence. Certes, il restait le territoire, la langue, la culture slaves. La religion était persécutée surtout sous le Staline d’avant-guerre et sous Khrouchtchev mais l’être de la Russie demeurait dans l’ombre. Staline l’avait compris lorsqu’il fit appel au patriotisme et non à l’idéologie pour résister au nazisme. Il fit alors aussi appel à la religion orthodoxe et fit parler le patriarche à la radio.
La Russie est réapparue mais amputée d’une bonne partie du territoire impérial : la Biélorussie, l’Ukraine, le Kazakhstan peuplés en grande partie de Russes prirent leur indépendance de même que les pays Baltes et le Caucase et l’Asie centrale. C’est cela, la tragédie russe produite lors de la chute de l’URSS et dont a parlé le président Poutine. Mais cet effacement du système soviétique était nécessaire historiquement pour que la Russie revienne dans son essence, ce qu’elle fait aujourd’hui.
À bientôt ! Cordialement
Ivan Blot
05/10/2014
(*) Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Gallimard, 2002.
Programme des conférences 2014-2015 : le retour de la Russie, par Ivan Blot
- 27 octobre. La chute définitive du communisme : un épisode de l’histoire de l’être (Heidegger).
- 17 novembre. Vladimir Poutine et le rétablissement de la hiérarchie des trois fonctions (Dumézil). Aristote et le régime mixte.
- 8 décembre. L’armée, la sécurité intérieure et les autres formes de sécurité (Mc Lean).
- Janvier. La nouvelle économie : croissance et liberté (Hayek).
- Février. Le renouveau familial et démographique.
- Mars. Culture et éducation : réappropriation de l’héritage de la civilisation (Gehlen, Hayek).
- Avril. Traditions religieuses et matérialisme : l’homme chez Dostoïevski.
- Mai. L’échelle sainte de Jean Climaque : l’héritage spirituel de la Russie.
- Juin. L’avenir se lève à l’Est : l’inversion des pôles.
- La décadence occidentale – Le déclin économique - 12 juillet 2018
- La décadence occidentale – Le déclin de la culture - 6 juillet 2018
- La décadence occidentale – Le déclin politique - 16 juin 2018