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Le président Poutine au Club de Valdaï : La coupure entre le peuple et les élites en Occident

Le président Poutine au Club de Valdaï : La coupure entre le peuple et les élites en Occident

par | 31 octobre 2016 | Géopolitique

Le président Poutine au Club de Valdaï : La coupure entre le peuple et les élites en Occident

Par Ivan Blot, membre du club de Valdai

♦ Le Club de Discussion Valdaï est un forum international annuel qui vise à rassembler des experts pour débattre de la Russie et de son rôle dans le monde. La mission du club est de créer une plateforme internationale pour permettre aux élites russes de débattre du développement du pays et de son rôle dans le monde, avec des experts étrangers issus du monde académique, de la politique et des médias.

Le club Valdaï défend la vision d’un monde multipolaire, par opposition à un monde unipolaire dominé par les États-Unis d’Amérique. (Source Wikipédia).

Ivan Blot, notre contributeur régulier, membre du club, était présent au forum 2016 qui vient de se clôturer. Il a rédigé pour Polémia, et nous l’en remercions, une synthèse du discours de deux heures du président Poutine et a pu s’entretenir avec lui de l’opinion publique française. Evidemment, ce discours, prononcé devant plus de 200 experts internationaux venant du monde entier, n’a pu être que très diplomatique.

Mais, semble-t-il, le président russe Vladimir Poutine n’a pas mâché ses mots, en abordant les points chauds de l’actualité internationale. Il est intéressant de découvrir les préoccupations de la Russie face aux usages des grandes démocraties qui s’exemptent des règles de bonne conduite.
Polémia


Comme chaque année, le président Poutine a prononcé, le 27 octobre dernier, un important discours le dernier jour de la session annuelle du Club d’experts internationaux de Valdai. Cette année le thème de la session de quatre jours du club était : « L’élaboration du monde de demain ». Le thème du président Poutine était : « Une philosophie pour les relations internationales ».

Le président de la Fédération de Russie a évoqué quatre points essentiels : le viol des règles internationales, la coupure entre peuple et élites en Occident, la répétition des mêmes erreurs par les Occidentaux, une philosophie pour l’avenir : paix, souveraineté, stabilité, développement.

1/ Le viol des règles internationales

La situation actuelle se caractérise par les multiplications des guerres, en général à l’initiative des Américains. Ces guerres ont frappé la Serbie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye. Elles ont détruit les régimes existants, ont créé un appel d’air favorable aux terroristes, ont entraîné des migrations de masse, surtout vers l’Europe et la liberté du commerce a été interrompue. De toute façon, l’OTAN est inadaptée au monde moderne et à ses besoins.

Les Etats-Unis feraient mieux de s’occuper de leur dette publique, de la montée de leur criminalité et de l’efficacité de leur police, du poids de leur armée dans leurs finances publiques au lieu de jouer les Pharisiens. On va jusqu’à accuser les Russes de manipuler les élections américaines ! C’est bizarre, il semblait que les USA étaient une grande puissance et non un micro-Etat sous la coupe d’autrui ! Ils devraient rechercher la paix et la croissance ; or, les deux sont compromises.

2/ La coupure entre peuple et élites en Occident

Les Occidentaux prétendent respecter la démocratie. Mais, en fait, les citoyens n’ont guère d’influence. Les élites détestent les élections et les référendums qui remettent en cause leur autorité. Le système des partis veut tout contrôler. La gauche et la droite se ressemblent de plus en plus et beaucoup de scandales les éclaboussent. La classe politique ne comprend plus le peuple.

Les partis populistes progressent car les citoyens de base n’ont plus confiance. Les campagnes électorales, surtout aux USA, se focalisent pour savoir « qui couche avec qui » ? Le niveau du débat politique est lamentable.

Pendant ce temps, on détruit les traditions, la culture et l’identité nationales. La souveraineté des Etats est bafouée. Qui a raison ? Les élites ou les populistes ? Ce qui est sûr est que le peuple a besoin de stabilité, de croissance, de sécurité pour soi et sa famille.

3/ Les Occidentaux répètent les mêmes erreurs

Ce n’est pas étonnant que le terrorisme frappe : à Paris, à Bruxelles, à Nice ou à Boston. En Syrie, le président américain semble indécis et depuis des années n’arrive à rien. Tout se passe comme si on ignorait les causes de ce cancer terroriste. Les extrémistes semblent plus déterminés, plus malins et plus forts que leurs adversaires. Il faudrait enfin s’intéresser aux vrais problèmes. La globalisation, dont les fruits sont réservés à certains seulement, a des effets détestables. Si elle ne profite pas à tous, on aura des tensions croissantes.

4/ Une philosophie pour la paix, la stabilité et le développement

Les bases de l‘ordre international sont le respect des Nations unies et de la souveraineté de chaque pays membre. Le leadership de certains ne doit pas être ressenti comme une menace permanente.

La paix et la stabilité seules permettront le développement. La Russie tient à son indépendance.

Au Proche-Orient, il faut respecter les Etats existants et, après la paix, mettre un plan Marshall de reconstruction. Il faut que chacun ait sa chance et non quelques oligarchies. Il peut y avoir des accords régionaux mais pas aux dépens des règles universelles. Il ne doit pas y voir de doubles standards en politique internationale, comme on le fait en approuvant la sécession du Kossovo et en la refusant pour la Crimée. On retrouve ces doubles standards à Mossoul et à Alep. Quant à nous, nous développerons l’Eurasie et la route de la Soie. Il faut améliorer le capital humain pour avoir une main-d’œuvre qualifiée. Une attention particulière est nécessaire pour l’environnement et la santé. Tout cela doit pouvoir être discuté mais nos propositions sont toutes raisonnables et de bon sens. Le courage et le bon sens sont des vertus majeures.

Il faut dans chaque pays rassembler le peuple et non le diviser, et accepter un équilibre international et non un prétendu leadership qui ne sait qu’attaquer et détruire. Il faut en revenir à la sagesse liée à la civilisation et aux traditions.

Ivan Blot
30/10/2016

Ivan Blot, ENA, docteur ès sciences économiques, inspecteur général honoraire de l’administration, ancien député du Pas de Calais et ancien député européen, auteur de nombreux ouvrages dont « La démocratie directe », « L’oligarchie au pouvoir », « La Russie de Poutine », « L’homme défiguré ». Il est membre de l’Académie catholique de France. Il est aussi membre du comité des experts de Rethinking Russia et du Club d’experts de Valdaï, proches de la présidence de la Fédération de Russie.

Correspondance Polémia – 31/10/2016

Image : Le président Poutine à Valdaï

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