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Le préfet Nuñez et la liberté de manifestation : deux poids, deux mesures

Le préfet Nuñez et la liberté de manifestation : deux poids, deux mesures

par | 26 novembre 2024 | Politique, Société

Le préfet Nuñez et la liberté de manifestation : deux poids, deux mesures

Alors que Bruno Retailleau a pris les commandes du Ministère de l’Intérieur, la question de la liberté d’expression et de manifestation pourrait bien évoluer favorablement. Certains signaux positifs ont été envoyés dans ce sens. On peut par exemple penser au cortège de Némésis protégé par la police lors de la dernière manifestation féministe parisienne. Mais, malheureusement, des signaux négatifs existent aussi. Par exemple, le rassemblement d’hommage à Thomas, tué à Crépol il y a un an, et à Nicolas, tué plus récemment dans la même zone, a été interdit par la préfecture de la Drome. Pour faire le point sur tout cela, retrouvez une analyse de Jean-Yves Le Gallou, suivi d’une retranscription intégrale du vibrant plaidoyer en faveur de la liberté d’expression du préfet Laurent Nuñez lors de son entretien accordé à France Info le 14 novembre 2024. Un plaidoyer dont les associations de Droite pourront, on l’espère, se prévaloir en cas d’interdiction de leurs événements.
Polémia

Jean-Yves Le Gallou : « On ne peut que se réjouir de l’attitude du préfet Nuñez »

À l’occasion du match entre l’équipe de France de football et celle d’Israël, le 14 novembre 2024, la police a dû faire face à d’inquiétantes menaces de sécurité. D’autant plus que deux manifestations précédèrent ce match : un gala de charité en faveur du Grand Israël à Paris le mercredi 13 novembre et une manifestation pro-palestinienne, à Saint Denis, le 14 novembre. De nombreuses voix se firent entendre pour tenter d’obtenir l’interdiction de l’un et l’autre de ces événements. Au nom des risques qu’ils faisaient courir à l’ordre public :

  • matériel (affrontements et violences),
  • et immatériel (des propos pouvant appeler à la haine).

Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, s’est fermement opposé à ces interdictions en se posant pour la circonstance en rigoureux défenseur de la liberté d’expression. Une position qu’il a défendue avec une grande vigueur le 14 novembre au matin de 8 h 30 à 9 heures sur les ondes de France Info (extraits ci-dessous). En expliquant avec force qu’il ne pouvait pas interdire une manifestation ex ante. On ne peut que se réjouir d’une telle attitude.

Reste une question ? Si le préfet Nuñez est vraiment attaché à la liberté d’expression, pourquoi s’ingénie-t-il à interdire avec constance toute une série de rencontres : défilé d’hommage à Jeanne d’Arc ou sainte Geneviève, colloque intellectuel comme celui consacré à l’historien Dominique Venner, ou de manifestations en mémoire de victimes, tels Thomas ou Philippine.

Liberté pour les partisans de l’État palestinien comme pour ceux du Grand Israël d’un côté, interdiction pour les identitaires français (plutôt pacifiques, pourtant), n’y a-t-il pas là un étrange deux poids, deux mesures ? Pour ne pas dire un fort fumet de discrimination.

Nul doute dans ces conditions que les propos du préfet Nuñez seront appelés à la barre lors des deux contentieux engagés par l’Institut Iliade :

  • au tribunal administratif de Paris en vue de l’annulation de son arrêté d’interdiction du colloque d’hommage à Dominique Venner ;
  • au tribunal correctionnel de Paris pour délit de discrimination politique.

Ajoutons que, sans attendre, Bruno Retailleau pourrait utilement abroger la liberticide circulaire Darmanin. Il a peu (bien peu) de pouvoir mais il a celui-là. Et pourtant il s’apprête à interdire la manifestation de Justice pour les nôtres du 30 novembre 2024 à Crépol.

L’Institut Iliade poursuit Laurent Nuñez, préfet de police, en correctionnelle

Le plus important de ce que Nuñez a déclaré à France Info

Retrouvez ci-dessous les extraits les plus significatifs du vibrant plaidoyer en faveur de la liberté d’expression du préfet Nuñez lors de son entretien accordé à France Info le 14 novembre 2024.

Laurent Nuñez : D’abord, il y a le droit de manifester dans notre pays. […]

Question du journaliste de France Info : Le but, c’est de les éloigner [les manifestants] le plus loin possible du stade ?

Laurent Nuñez : Il faut à la fois que ce ne soit pas trop dangereux en termes de proximité, mais en même temps, respecter évidemment la liberté d’expression. […]

Ce qu’on m’a déclaré n’est pas une manifestation, ce n’est pas une déambulation, c’est un rassemblement. C’est un rassemblement statique. C’est plus facile à encadrer. […]

Je veux revenir sur ce sujet et redire évidemment que je n’avais pas de raison juridique d’interdire ce gala. […]

Donc voilà, je sais considérer que le risque de troubles à l’ordre public matériel, en revanche, ne justifiait pas cette interdiction. […]
Évidemment, ces propos sont condamnables. Est-ce que ça justifie qu’on interdise un gala ? Ce n’est pas une manifestation de voie publique. Pour un préfet, c’est beaucoup plus difficile d’interdire une réunion en milieu clos qui est presque une réunion à caractère politique, quelque part. C’est beaucoup plus compliqué d’interdire.
Et comme je l’ai dit sur d’autres médias, hier s’est tenue une manifestation pro-palestinienne que je n’ai pas interdite. Nous avons négocié avec l’organisateur un itinéraire, ce qui a d’ailleurs été respecté. Mais dans ces manifestations, se tiennent aussi parfois des propos qui tombent sous le coup de la loi pénale. On saisit la justice. Et ce n’est pas pour cela qu’ex ante, j’interdis ces manifestations.

L’entretien intégral de Laurent Nuñez sur France Info

Journaliste de France Info – Bonjour, Laurent Nuñez. France-Israël, c’est ce soir au Stade de France, un match de football devenu un symbole. Pourtant, pas de menace particulière, c’est ce que dit le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Est-ce que ça veut dire que vous êtes tous emballés ?

Laurent Nuñez : Non, non, pas du tout. Le ministre a raison de dire qu’il n’y a pas de menace caractérisée, il n’y a pas de menace contre ce match. Mais ça reste un match à haut risque dans le contexte international qu’on connaît, compte tenu des appels qu’il y a eu à ce que le match n’ait pas lieu, soit délocalisé. Ça reste un match à haut risque. On voit les tensions qu’il y a dans les manifestations en ce moment, autour notamment des manifestations pro-palestiniennes. Donc il faut qu’on reste extrêmement concentré.

Parce que vous entendez aussi ce que disent certains, en fait, effectivement La France Insoumise a demandé que ce match soit annulé ou délocalisé. Est-ce que, quelque part, aujourd’hui, ce n’est pas le gouvernement, les politiques qui mettent la pression sur ce match ?

Non, pas du tout. Nous, côté des services de sécurité, côté des forces de sécurité intérieure, et notamment côté de la préfecture de police, on avait identifié de longue date ce match comme étant un match sensible, tout comme d’ailleurs l’ont été les matchs qu’a disputés l’équipe de football olympique israélienne pendant les Jeux olympiques. Il y a eu deux matchs qui ont eu lieu au Parc des Princes, qui étaient des matchs sensibles, au cours desquels on a vu un certain nombre d’individus en tribune pouvoir provoquer des supporters israéliens. Donc toutes les choses se sont bien passées parce que les Jeux olympiques, d’une manière générale, et les matchs, en particulier, ont été très bien gérés. Ça ne s’est pas forcément vu. Mais, voilà, nous savions qu’il y a des risques de tension sur ce match.

La situation est très différente de celle des Jeux olympiques ?

Oui, la situation est différente depuis cette période. Les Jeux olympiques, c’est un ensemble de compétitions. Le public est très différent. Le public provient d’un peu partout. Il n’y a pas forcément que des supporters des deux équipes qui s’opposent dans un match de football olympique. Il y a des supporters qui viennent de partout, des citoyens français qui viennent regarder un match, qui ont acheté leur billet. Donc c’est dilué.

Mais alors, votre réaction, avec un dispositif, on va en parler, un dispositif exceptionnel pour un tel match, votre réaction en fait est la conséquence de ce qui s’est passé à Amsterdam, les heurts entre supporters avec les hooligans du Maccabi Tel Aviv. Est-ce qu’on a un risque d’assister aux mêmes images qu’on a vues à Amsterdam ?

Alors, ça, ça se passe à l’extérieur. Donc ce qui s’est passé à Amsterdam, c’est après le match et à l’extérieur. Dans les rues à Amsterdam.

Et ça vous concerne aussi, directement ?

Bien évidemment. Bien évidemment. Ce qu’on a retenu d’Amsterdam, c’est qu’il faut être présent évidemment dans l’espace public, y compris dans la profondeur, y compris très loin du stade, et assurer une protection optimale de l’ensemble des spectateurs, notamment sur leur cheminement de retour vers leur lieu de domicile ou leur lieu d’hébergement. Et c’est un dispositif, c’est le dispositif que le ministre de l’Intérieur m’a demandé de prévoir, c’est-à-dire un dispositif qui soit à la fois dans le stade, à l’extérieur immédiatement, à proximité du stade, et puis également dans la profondeur. La profondeur, ça veut dire évidemment les lignes de transport en commun qui conduisent au stade, à l’aller comme au retour.

Mais vous ne pouvez pas être derrière chaque supporter, chaque voyageur ?

Évidemment, on ne peut pas être derrière chaque voyageur, on ne peut pas être derrière chaque personne sur l’espace public, mais on a maintenant un peu d’expérience et on connaît ces cheminements d’abord de spectateurs, et puis on connaît dans Paris les lieux de rassemblement de personnes, par exemple après un match.

Mais ça veut dire que vous scrutez aussi les réseaux sociaux qui ont joué un rôle important à Amsterdam ?

Bien sûr, mais tout ça a été planifié, cartographié, on aura des dispositifs qui seront présents partout. Vous savez, ce qui s’est passé à Amsterdam, c’est des regroupements de personnes qui se sont livrées à une véritable chasse aux supporters du club de Tel Aviv, du Maccabi Tel Aviv. Je pense que le dispositif que nous avons ce soir, mais que nous avons d’une manière générale, avec un dispositif de présence de forces de l’ordre sur la voie publique très dense, un dispositif de vidéoprotection aussi dans l’agglomération parisienne, il y a plusieurs dizaines de milliers de caméras à notre disposition, soit sur la voie publique, soit dans les transports en commun, on détecterait et on détectera, si c’était le cas, évidemment tout regroupement de personnes d’intention belliqueuse.

Vous détectez déjà ces signaux sur les réseaux sociaux ?

Non, sur les réseaux sociaux, on détecte des signaux qui sont évidemment contre le match, qui appellent au boycott.

Mais il n’y a pas de menace particulière ?

Il peut y avoir des actions, il y a des appels aussi, sur les réseaux sociaux, à perturber le déroulement normal du match, et c’est ce à quoi nous sommes évidemment extrêmement attentifs.

Un dispositif exceptionnel avec un système de filtrage, des filtrages aux abords du Stade de France, mais au-delà de ça, est-ce que vous avez identifié en amont des profils à haut risque qui vont être écartés et qui vont se présenter devant les forces de l’ordre. Avec leurs billets, par exemple ?

Non. Alors vous avez raison de rappeler que le dispositif pour accéder au Stade de France, il est exceptionnel. Il y a un double niveau de contrôle, palpation, contrôle également de concordance entre l’identité de la personne ; on vérifie que le détenteur du billet, l’identité qui figure sur le billet est bien la bonne ; donc tout ça, fouille, palpation, il y a deux niveaux de contrôle, donc il y aura des contrôles exhaustifs. Et puis, à l’intérieur du stade, ce qui est tout à fait exceptionnel, les forces de l’ordre seront prépositionnées, prêtes à intervenir ; nous serons à l’intérieur du stade.

C’est quoi ? Des policiers en civil ?

Bien sûr. Et des policiers en tenue, qui seront dans ce qu’on appelle les pénétrantes, c’est-à-dire prêts à protéger les tribunes, s’il le fallait, et surtout dans les coursives, c’est-à-dire dans les zones de cheminement à l’intérieur du stade, pour protéger les spectateurs.

Il faut le dire, pardon, Laurent Nuñez, sportivement, France-Israël, ce n’est pas une grosse affiche. C’est ce que disent tous les amoureux du foot. Le Stade de France, c’est 80 000 spectateurs. Ce soir il y en aura à peine 20 000,13 000 me disait tout à l’heure le patron de la Fédération française de foot. On est sur un rapport d’un policier pour 4-5 spectateurs. En clair, il y aura plus de politiques et de forces de l’ordre pratiquement que de spectateurs dans le stade ce soir.

Non, on ne peut pas dire ça, on ne peut pas faire ce rapport comme ça, parce que les policiers, il y en a évidemment qui seront, je viens de le dire, à l’intérieur, à l’extérieur immédiatement, mais on a aussi un gros dispositif de voie publique dans les transports en commun, donc on ne peut pas faire, ce rapport est un peu ça, je ne vais pas dire simpliste, ce n’est pas le mot, c’est un peu un raccourci. C’est un raccourci de le faire de la sorte, on a quand même des tensions autour de ce match qui le justifient amplement.

Le match est soit boycotté, il faut le dire, soit boycotté, soit certains ont peur de venir, soit les autorités israéliennes elles-mêmes ont demandé à leurs ressortissants de ne pas venir à Paris. Qu’est-ce que vous dites aux supporters ?

Je leur dis évidemment de venir. Toutes les conditions de sécurité sont garanties, dans les transports, à l’entrée du stade, pendant le match. Il n’y a aucune difficulté, donc je me veux à la fois rassurant, mais en même temps très ferme. Pour ceux qui veulent causer des troubles, la réponse des forces de sécurité intérieure, sous mon autorité, sera extrêmement, extrêmement ferme. Quant à ce que disent les autorités israéliennes, nous, nous travaillons aussi avec ces autorités, moi en tant que préfet de police, notamment avec l’ambassade d’Israël en France. Je crois comprendre qu’ils sont plutôt satisfaits du dispositif que nous avons mis en place, et que de leur côté, il n’y a pas d’inquiétude.

Il n’y a pas de défiance de leur part, justement ? Le fait de dire, de conseiller à ses propres ressortissants de ne pas se rendre à ce match ? C’est une instance d’Israël qui a… c’est Benjamin Netanyahou, le Premier ministre… émis cet avis.

Bon voilà, donc, nous, avec l’ambassade d’Israël, ça se passe bien, on travaille avec les services israéliens, ils connaissent parfaitement le dispositif de sécurité ; je crois qu’à de nombreuses occasions, on a démontré sa solidité, et notamment lorsqu’il s’agissait de l’équipe israélienne, on l’a encore vu pendant les JO. Donc voilà, je ne crois pas que… en tout cas pour les autorités diplomatiques israéliennes présentes sur le territoire français, elles sont plutôt très satisfaites.

Mais une question importante quand même, Laurent Nuñez, parce que vous gérez les forces de l’ordre françaises, mais il y aura bien des agents israéliens qui vont être aux abords du Stade de France. Vous allez travailler avec des agents israéliens ?

Non, il n’y a pas d’agents israéliens qui travaillent aux abords du Stade de France, tout ça est faux. Il y a quelques agents, effectivement, qui sont quelques agents des forces de sécurité israéliennes, qui sont au plus près de l’équipe et de la délégation israélienne, uniquement.

Pas des supporters israéliens ?

Non, non.

Vous n’avez pas d’agents israéliens qui vont accompagner des supporters israéliens dans leur hôtel, par exemple ?

Absolument pas. Nous n’avons pas d’agents qui travaillent sur la voie publique, ça n’est pas possible, ça n’est pas possible en France. Celui qui assure la sécurité en France, c’est le préfet de police sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, et personne d’autre. Nous avons effectivement des agents, comme c’était le cas pendant les Jeux olympiques, des agents des forces de sécurité intérieure israéliennes qui accompagnent l’équipe et la délégation israélienne, la délégation officielle. Ils sont en nombre limité, limité, et ils sont au poste de commandement du Stade de France. J’aurai un de leurs représentants à mes côtés, et ils ne prennent évidemment aucune initiative.

Oui. Vous dites, on vous a entendu dans ces derniers jours, que vous ne donnez pas de consignes du type éviter les signes visibles, éviter les kippas. Mais est-ce que c’est vraiment prudent ? Est-ce que c’est raisonnable, vu le contexte ?

Écoutez, moi, je n’ai pas de consignes à donner en ce sens ; moi, je suis là pour garantir la sécurité de tous dans les transports en commun, sur l’espace public ; donc je ne donne pas de consignes en ce sens. On sait très bien que, sur les cheminements, il faudra qu’on soit extrêmement attentifs aux signes extérieurs qui pourraient laisser penser à certains individus malveillants, que telle ou telle personne sont des supporters de l’une ou l’autre des deux équipes, et notamment évidemment des supporters israéliens. Donc on sera évidemment extrêmement attentifs à cela, mais il est hors de question de passer ce genre de message, évidemment.

Vous avez dit : nous serons intraitables avec les fauteurs de troubles. Vous l’avez dit sur ce plateau, vous l’avez dit à de multiples reprises. À quel moment un supporter devient un fauteur de troubles ?

Le fauteur de troubles, c’est celui qui crée des violences, déjà, d’une part, et puis dans un stade… dans un stade, vous savez qu’il y a un certain nombre de messages qui sont proscrits, dans un stade on soutient deux équipes, et donc les messages ne peuvent être que des messages de soutien de l’une ou l’autre des deux équipes.

Par exemple, ça veut dire pas de drapeau palestinien au Stade de France ce soir ?

C’est là où je voulais en venir, c’est là où je voulais en venir. Donc il y a certains messages, certaines banderoles, qui seront vus comme des provocations. Et dans le contexte, ça n’est pas acceptable. Donc, d’une manière générale, de toute façon, les messages politiques sont interdits dans les stades de football, dans les sites de compétition. C’était la même chose pendant les Jeux olympiques.

Un drapeau israélien ce soir au Stade de France, ce n’est pas un message politique ?

Non, c’est un drapeau de soutien, c’est un signe de soutien de l’équipe d’Israël, comme un drapeau français est un soutien de l’équipe de France. Et ça, ça a toujours été comme ça.

Est-ce que siffler l’hymne israélien, c’est un message politique ?

Ce n’est pas très correct, ça ne se fait pas, ce n’est pas très correct. Mais on pense surtout aux banderoles, aux drapeaux, qui n’ont pas leur place dans un match de football entre la France et Israël, et Israël en jeu sportif, où seuls seront tolérés les messages de soutien de l’équipe. Mais quand je dis ça, ce ne sont pas des mots en l’air. Ça veut dire que les stadiers qui travaillent pour la Fédération française de football auront évidemment la possibilité d’aller retirer ces drapeaux, voire d’exfiltrer les personnes qui tiennent des messages politiques. Et nous serons dans le stade pour apporter notre soutien aux stadiers s’ils requièrent la puissance publique pour ce faire.

Là, on parle de drapeaux, c’est plutôt clair. Bon, pas de drapeaux palestiniens, c’est clair, la règle est comprise par tous. En revanche, sur les messages, si je reprends l’exemple du tifo qui a été déroulé au PSG, le message, c’était : « La guerre sur le terrain, mais la paix dans le monde ». Ça, est-ce que c’est un message politique ? Est-ce qu’on n’aura pas le droit de mettre ça ce soir ?

Il n’y avait pas que ça sur le tifo…

Il y avait des images, c’est ce qui fait que ça

Il n’y avait pas que ça sur le tifo. Ce qui s’est passé au Parc de Princes ne doit plus jamais se reproduire. Ce n’est pas acceptable. C’était un message à caractère politique. Vous aviez l’État d’Israël qui était complètement recouvert d’un keffieh. Vous avez des signes qui étaient des signes très forts. C’était un message à caractère politique. Ce n’était pas un appel à la paix.

Ce n’est pas ce qu’a dit l’UEFA, c’est pour ça que je vous pose la question.

Oui, mais l’UEFA, parfois, fait peut-être des interprétations qui peuvent sembler curieuses. Quand on lit le règlement de l’UEFA, on voit très clairement indiqué que les messages politiques sont interdits. Moi, ça fait bientôt 18 ans que je suis dans la sécurité. Je n’en suis pas à mon premier match. J’ai toujours entendu l’UEFA dire qu’elle ne souhaitait pas qu’il y ait de messages politiques pendant les matchs de foot.

Après, Laurent Nuñez, vous entendez tout ce qui s’est dit à la suite de votre réaction sur le tifo. La politique dans les matchs de foot, il y en a eu souvent. Et ça a même été organisé soit par la FFF, soit par l’UEFA.

Retirer un tifo, ce qui s’est passé dans cette affaire, c’est que manifestement le contenu du tifo n’était pas connu. Je suis peut-être naïf, le contenu du tifo n’était pas connu. En tout état de cause, dans le même match, toutes les banderoles « Free Palestine », puisqu’il y en a eu beaucoup qui ont été déployées, les stadiers du Paris Saint-Germain sont allés les retirer immédiatement. Tout ça, c’est pour illustrer pour vos auditeurs et téléspectateurs que, d’une manière générale, il n’y a jamais de message politique dans les stades. Dès qu’il y en a un, il est retiré. Et ce soir, évidemment, ce sera le cas également.

[Fil info]

Vous nous rappeliez juste avant le fil info que les messages à caractère politique sont proscrits dans le règlement de l’UEFA et des instances sportives dans les matchs de foot. Il y a une particularité quand même dans le match de ce soir, France-Israël, au Stade de France. C’est la présence de personnalités politiques : le président de la République, Emmanuel Macron ; deux anciens présidents, ses deux prédécesseurs, François Hollande, Nicolas Sarkozy ; le Premier ministre, Michel Barnier. Jamais autant de représentants politiques à un match de ce niveau sportif. Est-ce qu’ils vous compliquent la tâche ?

Non, non, non. Parce que, d’abord, jamais ? Je demanderais à vérifier.

On a regardé. On a vérifié. J’ai vérifié. Pour un match avec aussi peu d’enjeux, c’est totalement inédit. Vous en avez sur certains matchs importants de l’équipe de France, dans des phases finales, quand nous avons organisé des championnats. Oui, mais là c’est le niveau sportif qui ne prête pas à ça.

Il arrive qu’on ait énormément de personnalités politiques de membres du gouvernement. On a l’habitude de gérer les cortèges. Tout ça, on est très habitués. Avec l’organisateur aussi. Il ne faut pas oublier que la Fédération française de football est la structure accueillante, et qui a aussi toute sa partie protocolaire. Donc voilà. Pour moi, ça n’est pas un sujet d’inquiétude.

Et pour vous, une dernière chose, il fallait vraiment être présent ce soir au Stade de France, opérationnellement ?

Bien sûr, évidemment oui. Évidemment oui, c’est important.

En parallèle de ce match, une manifestation est prévue à 18 heures, à quelques centaines de mètres de là, à Saint-Denis, à l’initiative d’associations pro-palestiniennes, avec le soutien de La France insoumise. Est-ce que vous allez l’interdire, cette manifestation ?

Non, c’est une manifestation, je suis en discussion avec les organisateurs. D’abord, il y a le droit de manifester dans notre pays. Ce sont des personnes qui manifestent contre la tenue de ce match. Et donc nous sommes en pleine discussion pour trouver un point d’accord sur un lieu où pourrait se tenir cette manifestation, qui ne sera pas celui qui a été déclaré.

Ce n’est pas devant la mairie de Saint-Denis ?

Non, ce ne sera pas cet endroit là.

Pourquoi ?

Je suis en train de discuter avec des élus, parce que c’est un endroit où vous avez des lignes de métro qui sont très fréquentées par des supporters. Il y aurait des risques de troubles à l’ordre public. Il y a la proximité par rapport au stade.

Le but, c’est de les éloigner le plus loin possible du stade ?

Il faut à la fois que ce ne soit pas trop dangereux en termes de proximité, mais, en même temps, respecter évidemment la liberté d’expression. Donc voilà, ce matin, ce que je peux vous dire : j’attends évidemment un retour définitif des organisateurs, mais cette manifestation, elle aura lieu effectivement à Saint-Denis, mais aurait plutôt lieu place du Front-populaire. Voilà, on est plutôt sur ce schéma. Mais je laisse les organisateurs l’annoncer. Ça a été le fruit d’une longue discussion, évidemment constructive, tout comme d’ailleurs l’a été la discussion pour la manifestation pro-palestinienne qui s’est tenue hier à Paris.

Reste que sur les réseaux sociaux, l’appel pour cette manifestation est intitulé : « On ne joue pas avec le génocide, non au match France-Israël ». Il l’illustrait d’ailleurs avec le tifo, les photos du tifo dont on parlait juste avant le fil info, qui avait été déployé au Parc des Princes. Ça vous inquiète ?

D’abord, une petite précision technique, mais qui a tout son sens. Ce qu’on m’a déclaré n’est pas une manifestation, ce n’est pas une déambulation, c’est un rassemblement. C‘est un rassemblement statique. C’est plus facile à encadrer.

Bien sûr, bien sûr. Et ça, c’est vu comme un accord ?

Évidemment, avec l’organisateur. Cette manifestation ne m’inquiète pas plus que ça, il faut simplement que chacun respecte la déclaration qui sera déposée à la préfecture de Seine-Saint-Denis. Et c’est un rassemblement. Et donc voilà, évidemment, les gens ne peuvent pas déambuler. Et si ça devait être le cas, nous nous y opposerons.

Laurent Nuñez, l’association sioniste Israel is Forever a tenu un gala hier soir à Paris. Vous aviez dit que vous seriez attentif aux propos qui allaient être tenus à l’occasion de ce gala, et, le cas échéant, saisir la justice. Est-ce que c’est le cas ? Est-ce que vous avez eu des retours de propos ?

À ce stade, je n’ai pas de retour là-dessus. Je veux revenir sur ce sujet et redire évidemment que je n’avais pas de raison juridique d’interdire ce gala.

Vous comprenez que, votre décision, elle a été incomprise par nombre de personnes ?

Elle a été incomprise par un certain nombre de personnes, évidemment, puisqu’on m’a demandé de l’interdire, au risque des troubles à l’ordre public à caractère immatériel, qui était lié aux propos qui étaient tenus par un ministre qui devait y participer, qui finalement n’y a pas participé, et par certaines personnes. Propos d’ailleurs dont les autorités et le gouvernement français se sont totalement désolidarisés, voire plus puisqu’ils ont condamné ces propos. Donc voilà, je sais considérer que le risque de troubles à l’ordre public matériel, en revanche, ne justifiait pas cette interdiction.

Il y avait le ministre en question, mais il y a aussi les organisateurs qui nient l’existence même des Palestiniens, qui justifient…

Évidemment, ces propos, nous les condamnons très fermement. Michel Barnier, à l’Assemblée nationale, a été très clair à ce sujet. Le ministre de l’Intérieur également.                                    Évidemment, ces propos sont condamnables. Est-ce que ça justifie qu’on interdise un gala Ce n’est pas une manifestation de voie publique. Pour un préfet, c’est beaucoup plus difficile d’interdire une réunion en milieu clos qui est presque une réunion à caractère politique, quelque part. C’est beaucoup plus compliqué d’interdire.                                                                                                                         Et comme je l’ai dit sur d’autres médias, hier s’est tenue une manifestation pro-palestinienne que je n’ai pas interdite. Nous avons négocié avec l’organisateur un itinéraire, ce qui a d’ailleurs été respecté. Mais dans ces manifestations, se tiennent aussi parfois des propos qui tombent sous le coup de la loi pénale. On saisit la justice. Et ce n’est pas pour cela qu’ex ante j’interdis ces manifestations.                                                                                                                                                             Il n’y a pas deux poids, deux mesures dans cette affaire.

Voilà, c’est ça. Les deux poids, deux mesures.

Non, il n’y a pas deux poids, deux mesures.

Vous parlez de lieu fermé. Il n’y a pas deux poids, deux mesures. Il y a un exemple qui me vient tout de suite en tête, l’exemple de Jean-Luc Mélenchon qui n’a pas pu tenir une réunion à l’université de Lille. C’était un lieu fermé et elle a été interdite parce que la possibilité de troubles à l’ordre public existait.

Il y a des autorités qui peuvent prendre un certain nombre de décisions, au cas d’espèce. En l’occurrence, le président de l’université ne peut pas accueillir une réunion. Avec la préfecture, oui. C’est ce qui s’était passé.

Un mot encore sur le match de ce soir. Il y a aux alentours du Stade de France des lieux de culte. Est-ce qu’ils font l’objet d’une surveillance particulière ce soir ?

Oui, je peux vous le confirmer, évidemment. Ça ne nous a pas échappé. Il y a un certain nombre de lieux de culte qui seront… d’une manière générale, comme vous le savez, la protection des lieux de culte, compte tenu de la flambée des actes antisémites… donc la protection des lieux de culte et des écoles de confession juive font l’objet d’une protection particulière. Évidemment qu’aux abords du Stade de France et partout, comme d’ailleurs l’a demandé le ministre dans une instruction qui a été adressée au préfet, qui a été rappelée il y a quelques minutes sur votre antenne, évidemment que ces lieux seront protégés.

Pardon, j’ai juste une dernière question sur le gala qui me revient. Le gala, il a bien eu lieu hier soir. Pour le moment, pas de signalement. Mais il y a une information qu’on n’avait pas, c’est qu’il n’a pas eu lieu, lui aussi, là où il devait avoir lieu.

Non, l’organisateur, de ce que j’en ai compris, a renoncé finalement à ce qu’il ait lieu là où il devait se tenir.

Ah, ce n’était pas à votre demande ?

Non, absolument pas. Il s’est tenu dans un autre endroit.

Pour des raisons de sécurité ?

Je suppose que le premier organisateur… honnêtement, je n’en connais pas la raison, je suppose que oui. En tout cas, ils ont changé l’endroit quasiment au dernier moment.

Vous parliez des actes antisémites. Il faut qu’on en parle parce qu’ils ont été multipliés par quatre en un an en France. Ce sont les derniers chiffres à notre disposition. À Paris, dont vous avez la charge, votre secteur, quel est le bilan ?

À Paris et dans l’agglomération parisienne, dont j’ai la charge, les quatre départements, Paris et les trois départements de la petite couronne, le bilan est le même. C’est exactement le même. On avait, si vous prenez les dix mois de l’année 2023 jusqu’au 7 octobre, on avait à peu près le même nombre d’actes antisémites qu’en 2022, à cette période-là. Et puis, à partir du 7 octobre, ça a complètement explosé dans le contexte que l’on connaît. Et effectivement, quand on regarde les faits commis sur les dix premiers mois de l’année 2024, rapportés aux dix premiers mois de l’année 2022…

Alors justement, c’est quoi ces actes antisémites ?

D’abord, juste les chiffres. On est à plus de 500 sur les dix premiers mois de 2024 et on était tout juste à une centaine sur les dix premiers mois de 2022. Donc voilà, c’est plus qu’à…

Et de quoi on parle quand on parle d’actes antisémites ?

On parle de tout. Dans ce qu’on appelle les actes antisémites, on regroupe tout. Ce sont les injures, les provocations, les tags, et puis aussi des violences physiques. Heureusement, en nombre plus limité, évidemment. Mais on englobe tout cela, dans tout ce qu’on appelle les actes antisémites.

Juste une dernière question là-dessus. Qu’est-ce que vous dites à ceux qui peut-être nous écoutent, nous regardent, qui se demandent où se trouve la limite ? Je m’explique : par exemple, est-ce que qualifier le gouvernement israélien ou Benyamin Netanyahou de génocidaire, c’est considéré comme antisémite ?

Non, non, non. Ce qui va… Non, non, c’est vraiment les tags, les agressions, les insultes. Après, vous avez un certain nombre de propos qui sont tenus qui peuvent tomber évidemment sous le coup de la loi. Il y a certains propos qui sont tenus, et là, on entre sur des qualificatifs pénaux qui peuvent être autres, mais qui peuvent recouvrir l’incitation à la haine, l’incitation à la violence, etc. Non, non, vraiment, voilà. Les actes antisémites, ce sont des catégories très particulières qui ne correspondent pas forcément à des qualifications pénales, mais que nous recensons et que nous comptabilisons évidemment de manière très rigoureuse.

Une autre question sur un tout autre sujet, Laurent Nuñez : le trafic de drogue. Vous avez eu une phrase sur laquelle on a besoin d’explications parce que ça peut, comme ça, de prime abord, choquer dans la bouche d’un préfet de police : « Oui, la situation nous échappe. » Vous avez dit ça chez nos confrères de BFM le 10 novembre : « La situation nous échappe. »

Je n’ai pas dit que ça. Je n’ai pas dit que ça…

Non, mais c’est pour ça qu’on vous demande de préciser.

Non, je n’ai pas dit que ça. Ce que j’ai dit, c’est que, d’abord, l’activité des services de police, et notamment la préfecture de police pour ma zone de compétence en matière de trafic de stups, elle est exceptionnelle. Les résultats, ils sont exceptionnels. Nous n’arrêtons pas d’interpeller les trafiquants, toujours plus d’une année sur l’autre. Nous n’arrêtons pas de saisir des quantités de drogue, toujours plus d’une année sur l’autre.

C’est lié à l’augmentation des trafics ?

Force est de constater néanmoins que, autour du trafic de drogue, on a une violence qui est de plus en plus marquée, de plus en plus accrue, parce qu’il n’y a pas que le trafic de drogue, il y a toute la délinquance qu’il y a autour. C’est pour ça, d’ailleurs, qu’on parle plutôt de criminalité organisée autour du trafic de stups. Il y a des vols de violence pour payer des dettes, il y a des cambriolages pour payer des dettes, il y a des séquestrations. Et puis, vous avez le summum, c’est le règlement de comptes. Et on constate que, dans les règlements de comptes, sont en plus impliqués des gens qui sont de plus en plus jeunes. J’ai la chance de faire ce métier depuis plusieurs années ; il y a 10-15 ans. dans les règlements de comptes, on avait rarement des jeunes de 15-16 ans.

Mais c’est le cas aussi à Paris, parce qu’on l’a vu à Marseille, des tueurs à gage de 14 ans, mais à Paris c’est le cas ?

Mon propos, c’était ça, c’était d’abord de dire : on bosse. Moi, j’en étais un des acteurs, et je serais mal placé pour dire qu’on ne fait pas notre travail. Cela étant, on voit bien que les faits deviennent de plus en plus violents, que beaucoup de trafics continuent. Et c’est en ce sens que je disais qu’évidemment il y a un certain nombre de choses qui nous échappent, évidemment. Et c’est bien pour cela, d’ailleurs, que le ministre de l’Intérieur a demandé qu’on change un peu de dimension et qu’on adopte des logiques qui correspondent plus à ce qu’on a fait en matière de lutte contre le terrorisme à partir des années 2012, et surtout 2015, et surtout 2017, avec la loi pour lutter contre le terrorisme, de 2017, qui a été reconduite depuis en 2021, qui vise à mieux coordonner les services, à faire en sorte qu’il y ait des chefs de file beaucoup plus clairs, et surtout à renforcer les moyens juridiques des services. Le ministre a fait un certain nombre d’annonces, notamment la possibilité d’avoir des recours plus accrus aux techniques spéciales d’enquête, d’avoir des possibilités d’enquête patrimoniale accrue pour taper le trafic à la tête, voilà, un statut du repenti. Je ne vais pas détailler toutes ces mesures qui sont des mesures très attendues par les services de police. Moi, je vous redis qu’il y a beaucoup de choses qui nous échappent, évidemment. Tout ce qu’on fait, c’est remarquable. Et je salue, évidemment, le travail des policiers sur le terrain qui, tous les jours, luttent contre les trafiquants de stups et qui font un travail remarquable. Ça va des équipes de BAC qui, dans la petite couronne, interpellent des vendeurs, des petits dealers, jusqu’au service du 36, quai des Orfèvres qui démantèle des réseaux en profondeur. On le fait, il faut continuer, il faut être encore plus fort et le faire avec des moyens renforcés, comme l’annonçait le ministre.

Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, merci d’avoir été avec nous ce matin sur France Info.

Polémia
26/11/2024

Jean-Yves Le Gallou

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