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Le « nouveau monde » s’écroule-t-il ? Chronique de réinformation mensuelle de Michel Leblay

Le « nouveau monde » s’écroule-t-il ? Chronique de réinformation mensuelle de Michel Leblay
Le « nouveau monde » s’écroule-t-il ? Chronique de réinformation mensuelle de Michel Leblay

Les sociétés occidentales sont soumises à des tensions énormes. Sur Radio Courtoisie, Michel Leblay dirige le Libre Journal de la Réinformation. Un rendez-vous de qualité qui permet de révéler et de mettre en perspective des informations qui démontrent que les transformations de notre société s’accélèrent.
Polémia

Que nous apprennent quelques événements récents sur l’évolution du monde occidental ?

Dans l’actualité présente plusieurs événements traduisent par leur juxtaposition et les contrastes qu’ils recèlent les mutations en cours au sein des sociétés occidentales. Parmi ces événements, les uns sont d’ordre interne, en l’occurrence la manière particulière de commémorer l’armistice de 1918 ou la montée d’une colère populaire au travers de la hausse du prix des carburants ; les autres, extérieures tiennent aux résultats électoraux enregistrés aux Etats-Unis et en Allemagne et leurs conséquences. Il apparaît que le nouveau monde auguré par Emmanuel Macron n’exprime peut-être que les dernières expirations d’une séquence idéologique bientôt révolue.

Un centenaire de l’armistice du 11 novembre 1918 particulier

Rompant avec la tradition d’un défilé des troupes pour commémorer les grands anniversaires de la victoire de l’armée française de 1918 (souvenons-nous, pour les plus anciens, du magnifique défilé, Cour de Vincennes, le 11 novembre 1968), le Président de la République a décidé d’ôter son caractère militaire à la cérémonie de l’Arc de Triomphe celui-ci au sacrifice de ses enfants n’impliquerait nullement l’abaissement du vaincu.

Prolongée dans l’après-midi par un Forum sur la paix à la composition hétéroclite (Chefs d’Etat et de gouvernement, responsables d’ONG, chefs d’entreprises, intellectuels…), la forme de la commémoration voulue par Emmanuel Macron s’inscrit à l’évidence dans l’effacement du fait national et de la communauté humaine qui lui est attachée, mêlant les vivants et les disparus. A cela s’ajoute le propos sur la création d’une armée européenne, résurgence de la Communauté européenne de défense, projet supranational et utopique dans son organisation, rejetée par le Parlement français, le 30 août 1954. Fidèle à ses travers, le Président a assorti son annonce d’une maladresse diplomatique à l’encontre des Etats-Unis (… nous protéger à l’égard de la Chine, de la Russie et même des Etats-Unis d’Amérique…). Présenté de cette manière, il est peu probable que le projet rencontre le moindre assentiment chez nos partenaires européens. Il faut remarquer que s’il apparaît une volonté de dissoudre la nation dans un ensemble européen, il n’y a pas pour corollaire la mise en avant d’une civilisation propre aux peuples du vieux continent et de ses fondements. Peut-être serait-ce marcher sur les pas des nationalistes ? Dépasser les frontières, tel est le but ; mais aussi ne jamais rappeler ce que l’on est dans sa réalité historique.

L’émergence d’une colère populaire ?

La lutte contre le réchauffement climatique dont la permanence, s’il existe et les réelles origines restent à prouver est l’une des expressions les plus emblématiques d’une cause qui serait commune à tous les peuples et les obligerait à dépasser leurs intérêts et leurs particularités. Sous ce prétexte qui, si l’on se place du point de vue des défenseurs de la cause, ne peut que nuire à l’image de celle-ci, le pouvoir a décidé d’augmenter les taxes sur les carburants. Depuis le premier choc pétrolier de 1973, la hausse de leurs prix mais aussi leur baisse suivant les variations du cours de la matière première n’est pas nouvelle. Mais cette augmentation des taxes sur un type de produits indispensable à la vie quotidienne, qu’il s’agisse de se chauffer ou de se déplacer, frappe plus que proportionnellement la France la plus modeste et la plus éloignée des centres urbains. En fait, cette part de la France qui, au fil des années est devenue majoritaire et qui, d’une manière générale, ne s’est pas distinguée par l’accumulation de revendications particulières, privilège des minorités.

Derrière le motif immédiat, se cache l’exaspération d’une partie croissante de la population qui ne date pas de l’élection d’Emmanuel Macron mais que celui-ci a contribué encore à accroître par ses déclarations et ses actes. Le 17 novembre prochain, la France périphérique, selon l’expression de Christophe Guilluy, à l’opposé de la France de demain dans laquelle Terra Nova voyait l’avenir électoral de la gauche, manifestera par un mouvement hors des organisations traditionnelles et parti de la base, usant des réseaux sociaux. Certes, il ne mettra pas en péril le gouvernement mais l’ampleur qu’il prendra illustrera la fracture entre les tenants du monde nouveau et une large part du peuple français dans sa réalité. Les premiers, ceux du monde nouveau, cosmopolites et individualistes sont largement inaccessibles aux préoccupations de la partie de plus en plus nombreuse de la population qui souffre d’une manière ou d’une autre des conditions présentes. Cette partie, qui s’accroît donc du fait d’une précarité économique croissante, ardente au travail quoiqu’il puisse être dit, sans hostilité de principe au progrès et aux évolutions, est soucieuse d’ordre et de sécurité tant dans la vie matérielle que du point de vue du respect d’un héritage individuel et collectif.

Donald Trump et une autre Amérique

Ce qu’éprouve une large part du peuple français, d’autres, au sein de l’espace occidental, le ressentent aussi. Dans le monde anglo-saxon d’abord, qui fut à l’initiative de la mutation néo-libérale des années quatre-vingt.

L’élection de Donald Trump fut considérée par toute une classe intellectuelle et médiatique comme un accident de l’histoire, incompréhensible. S’il n’était pas destitué avant le terme de son mandat, son comportement et sa politique ne pouvaient conduire qu’à un échec électoral qui ramènerait les Etats-Unis, première puissance mondiale et chef de file de l’Occident, dans un droit chemin qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Les élections de mi-mandat seraient la première étape du retournement. Or avec ces élections qui se sont déroulées le 6 novembre dernier, deux éléments sont à souligner. En premier lieu, du strict point de vue des résultats, si les Républicains perdent la majorité à la Chambre des représentants, totalement renouvelée tous les deux ans, ils confortent leur majorité au Sénat. Il faut préciser que sur les cent sièges de sénateurs, trente-cinq étaient renouvelables : neuf étant occupés par des Républicains et vingt-quatre par des démocrates. La configuration de ce renouvellement donnait, il faut le reconnaître, un avantage aux Républicains. Le plus important pour la suite est l’assise idéologique des deux partis et les personnalités susceptibles de la porter. Pour les Républicains, la situation est fort claire, Donald Trump s’est définitivement imposé sur le parti et sa vision politique est soutenue par un électorat fidèle. Au contraire, pour les Démocrates, le retour sur la scène de Barack Obama est quelque peu surprenant, les anciens présidents s’éloignant traditionnellement du jeu politique. Cette présence traduit un manque de chefs de file. Il convient de remarquer que Beto O’Rourke, l’un des espoirs du parti a été battu par Ted Cruz pour l’élection sénatoriale du Texas. Plus grave, les propositions des démocrates restent axées, le plus souvent, sur la défense des minorités ce qui est en dissonance avec les préoccupations profondes de l’Amérique.

Quel que soit le jugement qui peut être porté sur le comportement de Donald Trump, sa présidence sera certainement marquante. Pour une Amérique qui avait atteint au tournant du XXIè siècle le sommet de la puissance politique et économique, elle se caractérisera par une double rupture face à une reconfiguration géopolitique qui la fragilise. Contrairement à ce que disaient certains, elle ne s’isole pas, son rang le lui interdit. Promoteur du libre échange qu’elle appliquait pour ce qui la concernait de manière restrictive, elle affiche ouvertement la volonté de protéger ses intérêts par des mesures protectionnistes s’il le faut. Plus profondément, elle s’éloigne de la destinée manifeste mise en avant par O’sullivan en 1845. Elle vise seulement à maintenir sa suprématie. Il est loin le temps de La Fin de l’histoire de Francis Fukuyama qui fut l’une des expressions de cette idéologie qui a dominé le dernier quart de siècle.

Une Allemagne déstabilisée

L’Allemagne où régnait la stabilité politique depuis la création de la République fédérale en 1949 est en pleine incertitude. Les deux partis, les Chrétiens démocrates de la CDU-CSU et les Sociaux-démocrates du SPD qui se sont partagést successivement le pouvoir ou se sont coalisés à certains moments sont maintenant mis à mal. Le remarquable article de François Stecher paru le 7 novembre sur Polemia montre avec précision l’état de délabrement de la classe politique allemande traditionnelle. Les deux grands partis, dans leur forme actuelle, sont engagés dans une irrémédiable chute et la chancelière Angela Merkel entame son agonie politique. Le modèle allemand qui fascine tant une partie des élites françaises paraît ébranlée. L’agenda 2010 de Gerhard Schröder n’a pas été sans conséquences sociales, créant pour certains précarité et pauvreté. L’accueil massif d’immigrés en 2015, montré en exemple à travers l’Europe, a eu des effets ravageurs. L’ouverture du début a cédé la place à l’inquiétude jusqu’au rejet pour une part de la population à la suite du comportement des nouveaux arrivés. Là aussi le ton n’est plus à certains mouvements de pensée. Le pays paraît quelque peu distancé de la philosophie d’Habermas pour lequel les peuples devraient être détachés de leur histoire et de leur identité pour se tourner vers un seul patriotisme constitutionnel ou de celle d’Ulrich Beck adepte d’un cosmopolitisme méthodologique.

L’énoncé de ces différents évènements montre les mutations en cours au sein de l’Occident et les tensions qui en résultent. Emmanuel Macron, figure du mondialisme, incarne encore la présence au pouvoir de cette idéologie pour laquelle les frontières ont vocation à s’estomper. L’organisation des cérémonies du 11 novembre est emblématique à cet égard. A l’intérieur, l’opposition croissante à sa politique et son isolement extérieur, sur la scène européenne, augure mal du futur qu’il s’évertue à dessiner. Son monde nouveau ne sera-t-il pas la dernière image d’un monde révolu ?

Michel Leblay
Patron d’émission à Radio Courtoisie
20/11/2018

Crédit photo : Domaine public, via PixaBay

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