« En facteur commun de ces « Cinq pièces faciles », pour reprendre le titre d’un film américain de 1970, se dégage le constat de la puissance du formatage de la pensée dominante ».
Cinq informations glanées dans la presse du 20 janvier, apparemment hétéroclites, amènent à se poser des questions qui, elles, le sont moins :
« Lassana, le héros de l’hyper cacher, enfin français. » (Le Parisien)
« Lassana Bathily [sera] naturalisé ce soir au ministère de l’Intérieur pour “acte de bravoure”. Lors de la prise d’otages de l’hyper cacher, Porte de Vincennes, ce magasinier malien de 24 ans a caché un groupe de clients du regard d’Amedy Coulibaly. “J’ai pas caché des juifs, j’ai caché des êtres humains”, avait alors expliqué ce héros si discret, félicité par François Hollande, photographié avec John Kerry et demandé par des journalistes du monde entier. »
Comment aurait-on l’impudence de gâcher ce conte de fées, en se demandant dans quel cadre juridique cet immigré en situation irrégulière était employé ?
« Human Rights Watch dénonce des violences policières à Calais. » (Le Figaro)
« L’ONG a recueilli de nombreux témoignages de migrants sur des violences infligées par les forces de l’ordre. Elle dénonce le “harcèlement” et les “exactions” de la part de la police française. »
HRW ne met-il pas beaucoup plus d’empressement à s’indigner quand il s’agit des « migrants » – il faut comprendre par là « immigrés illégaux » – que lorsque les victimes des exactions sont de paisibles familles manifestant contre le « Mariage pour tous » ?
« Malek Boutih plaide pour la mise sous tutelle de quartiers sensibles pour lutter contre la montée de “l’islamo-nazisme” dans les banlieues françaises. » (France-Inter)
« Pour l’ancien président de SOS Racisme, c’est la “République qui doit revenir” dans ces quartiers où l’école “ne peut plus rien faire” […] Dans ces ghettos, il n’y a pas d’autre autorité que celle de l’Etat républicain pour réorganiser tout l’espace […] Et le député socialiste de dénoncer un système clientéliste parfois en place dans certains quartiers où les élus n’hésitent pas à faire des concessions aux communautés pour engranger des voix. “Vous recevez discrètement des gens et vous leur donnez des petites revendications, un local ; vous acceptez qu’il n’y ait pas de magasin qui distribue de porc au milieu du quartier, vous acceptez telle ou telle chose et puis dans les urnes, comme par hasard, vous gagnez les élections” […] Il y a un certain nombre de zones, droite ou gauche, où si vous êtes un candidat républicain vous avez perdu les élections. »
En clair : il faudra, bien entendu, continuer de verser encore plus d’argent dans le gouffre de la désastreuse « politique de la ville », mais c’est l’Etat qui devra se substituer aux collectivités territoriales. De toute façon, c’est toujours le contribuable qui mettra la main à la poche. Ce qui ne semble pas préoccuper Marine Le Pen, puisque « Malek Boutih, qui avait déjà reçu l’aval de Xavier Bertrand et du sénateur PRG Philippe Esnol, a enregistré lundi celui [de la présidente du Front national, invitée quelques instants après lui du 7-9 de France Inter ». Alors, demain « l’UMPSFN » ?
« Les 1% les plus fortunés posséderont bientôt la moitié de la richesse mondiale. » (Le Monde)
Selon l’ONG Oxfam, qui a réalisé l’étude :
« L’ampleur des inégalités mondiales est tout simplement vertigineuse […] Le fossé entre les grandes fortunes et le reste de la population se creuse rapidement ». Selon l’étude, « Entre 2010 et 2014, la fortune des 80 personnes les plus riches a augmenté de 600 milliards de dollars tandis qu’elle a diminué pour la moitié la plus pauvre de la population. Aujourd’hui, ces 80 personnes se partagent le même montant de richesses que 3,5 milliards autres. »
Cette situation ne semble pas gêner la « gauche Macron », ni les caciques de la « droite » admise dans l’arc constitutionnel. Cela ne surprend pas ceux qui dénoncent les excès de la mondialisation et de la globalisation, puisque cet accroissement des inégalités (*) en est une conséquence fatale. En revanche, on pourra s’étonner que Marine Le Pen, à la faveur de ces informations, déclare qu’elle souhaite la victoire de Siryza, le parti de la gauche radicale aux prochaines élections législatives en Grèce. Il est de fait que Siryza prend des positions anti-austérité et anti-Troïka qui peuvent paraître sympathiques. Pour autant, est-il raisonnable de se placer sur une ligne proche de celle de Mélenchon en France ? Après les risques de l’UMPSFN, ceux du « FNFG » ?
« Marine Le Pen a demandé aux cadres du parti de ne pas relayer une vidéo polémique d’Aymeric Chauprade évoquant “la France en guerre”. » (Le Figaro)
« La présidente du Front national a désavoué son ancien conseiller aux affaires internationales et indiqué qu’il n’occupait plus désormais cette fonction. En cause, la diffusion d’une vidéo, le 15 janvier dernier, intitulée “La France est en guerre”, dans laquelle Aymeric Chauprade livre son interprétation des attaques terroristes qui ont notamment frappé la rédaction de Charlie Hebdo. Malgré le souhait émis par Marine Le Pen de ne pas voir les cadres du FN relayer cette vidéo, sa nièce Marion Maréchal-Le Pen l’a diffusée sur Twitter ce mardi. »
Cette affaire, après l’éviction de Renaud Camus dont le « Grand Remplacement » a été taxé de paranoïa complotiste, amène, là encore, à se poser des questions sur la stratégie de la présidente du FN.
En facteur commun de ces « Cinq pièces faciles », pour reprendre le titre d’un film américain de 1970, se dégage le constat de la puissance du formatage de la pensée dominante. Ce n’est pas nouveau de la part de nos dirigeants actuels, ni de ceux qui voudraient bien leur succéder en 2017. Plus inquiétante, en revanche, est l’évolution du FN dont l’effort de dédiabolisation a été couronné de succès grâce à l’habileté de MLP, mais qui pourrait payer au prix fort l’abandon de ce qui fait la singularité de sa ligne politique dans le paysage politique français. Heureusement, le pire n’est pas toujours sûr !
Bernard Mazin
20/01/2015
Note
(*) On peut s’insurger contre cet accroissement des inégalités de richesses sans être en contradiction avec la critique de l’utopie égalitaire : l’inégalité toujours plus forte dont il est question désormais pose la question en termes de « décence », car elle résulte pour l’essentiel du processus de financiarisation de l’économie et de la recherche effrénée du profit, sans prendre en considération les besoins de « l’économie réelle ».