Coup sur coup : une puissante poussée électorale du FN aux élections départementales, sans essai marqué au second tour, et des propos choc de Jean-Marie Le Pen qui créent une polémique nationale et enflamment une crise latente au sein de ce mouvement, avec une guerre ouverte entre la présidente et son père, qui est aussi celui du FN.
Comme un grave incident au sein de la cabine de pilotage d’un aéronef en plein décollage. Essayons d’analyser.
Par Guillaume Faye
1. Le FN, un scandale pour le système et l’oligarchie
La France est le seul pays d’Europe où un parti qualifié d’ « extrême-droite » par la propagande, en réalité patriotique et identitaire, a pu parvenir à jouer dans la cour des grands. En dépit des tirs de barrage de l’artillerie médiatique contre le FN, qui représente en fait la si détestée vox populi, ce parti a réussi à s’imposer comme le premier en suffrages exprimés. C’est un séisme non seulement en France mais en Europe.
Quand Marine Le Pen, après les élections européennes, a conclu que le FN était « le premier parti de France », c’était parfaitement exact en nombre de suffrages exprimés, 25 %. Et ce fut confirmé par les départementales. Elle en a fait un slogan percutant, pendant de cet autre slogan très efficace « UMPS ». Après le premier tour des départementales, l’UMP de Sarkozy a prétendu, de manière mensongère, que c’était l’UMP le premier parti de France. Le trucage est évident puisque ces comptables malhonnêtes additionnent les voix des partis centristes, UDI et Modem, à celles de l’UMP. Au terme de ce second tour des départementales, le FN est bel et bien le premier parti de France en suffrages exprimés, selon la définition commune et de bon sens d’un parti. L’UMP confond « parti » et coalition hétéroclite politicienne, nécessairement éphémère.
Ceci est un scandale et un affront pour la classe politico-intello-médiatique. Comment ! Ce « groupuscule d’extrême-droite anti-républicain », émergé dans les années 80 autour du tribun Le Pen, est maintenant, en voix, le premier parti de France ? Ce constat est une arête dans la gorge de l’oligarchie bobo héritière du gauchisme de Mai 68 et vivant à 90% des subsides de l’État. Le pire des scénarios se réalise pour eux, mais en même temps, ça les fascine, ça leur plaît. Ça ravive leurs vieux fantasmes, la logorrhée « antifasciste ». Le slogan « F.Haine », très souvent utilisé, en témoigne. Leur thèse, implicite, formulée à demi-mot, théorisée par Terra Nova : le peuple de souche autochtone, ces classes populaires et moyennes, souvent cathos, qui travaillent majoritairement dans le secteur privé, dont beaucoup ont osé franchir le cordon sanitaire en votant FN, ce sont des salauds.
Contre le FN, qu’il désigne comme ennemi principal, M. Valls joue la partition de l’ « antifascisme », inventée dans les années 30 par les communistes sur ordre des staliniens soviétiques. Toute l’idéologie du pouvoir est de réactiver ce mécanisme mental, ce réflexe pavlovien. « Nos résultats sont catastrophiques, peu importe, nous combattons L’Hydre de Lerne, le fascisme, le Front National qui menace la France et la République ». Le problème de cette thématique épuisée est qu’elle ne mobilise plus que les bobos. D’où l’hystérie de leurs médias en réaction des derniers propos de JMLP, sur lesquels je reviendrai plus bas.
2. Détresse et espérance : les deux mamelles du vote FN
Le Front national représente, pour des millions de Français délaissés, abandonnés, méprisés, ignorés, marginalisés, brocardés, l’unique espoir, l’unique recours, la seul lueur dans la nuit. C’est un fait sociologique (bien plus que politique parce que trans-courants) profond, incontournable. Et, à terme, explosif. Le grand quotidien pro-UMP et sarkozyste Le Figaro, propriété de M. Dassault, qui ne parvient pas toujours à cacher ses déceptions envers la droite politicienne et molle (voir les articles désolés et lucides de MM. Rioufol et Kerdrel) a publié un éditorial étonnant sous la plume de son directeur des rédactions, Alexis Brézet, intitulé « Faillite pour la gauche, défi pour la droite ». On y lit cette opinion : il explique l’irrésistible progression du FN parce qu’ « il dit, lui, des souffrances –bien réelles–des Français : le chômage, l’immigration, l’insécurité, et plus largement, ce sentiment de dépossession culturelle et morale d’un vieux pays dont les citoyens – et spécialement les plus modestes – ont le sentiment que leurs gouvernements sont incapables de tracer un chemin protecteur sous le feu des assauts multiformes de la mondialisation ». Le FN est un générateur d’espérance. Même sans trop y croire, des millions de Français angoissés votent pour lui, un peu comme des parieurs. On vote FN comme on joue au Loto. On mise sur le sauveur. Et en même temps, on le charge d’immenses responsabilités, d’espoirs peut-être impossibles. Et l’on se demande si le FN sera à la hauteur de ses responsabilités.
Le FN cristallise l’angoisse de ces millions d’autochtones qui deviennent progressivement étrangers chez eux, sur la terre de leurs pères, sans cesse insultés et culpabilisés par l’oligarchie protégée, ethnomasochiste et xénophile, qui ne subit pas leur quotidien. Eux, vivent les ravages de l’immigration de masse et de l’islamisation montante. Eux, dont la vie est pourrie, non seulement par le fiscalisme qui tape les classes moyennes et les familles, mais qui subissent un État et une justice en forfaiture qui ne les protègent pas de l’insécurité et qui aident davantage une famille de clandestins qu’un Français de souche chômeur ou retraité qui a cotisé toute sa vie dans le secteur privé. Ils ont la nostalgie d’une France en voie de disparition et où il faisait bon vivre.
Ils sont désespérés par l’injustice qui les frappe, par la trahison des clercs, par la préférence étrangère, par un sentiment d’angoisse face à l’avenir et d’abandon et surtout par cette intuition terrible que « nos enfants ne seront plus ici chez eux ». C’est la déréliction. Ce sentiment a toujours donné lieu dans l’histoire à une fièvre révolutionnaire.
3. Positionnement politique : une grave incertitude
Une majorité d’électeurs UMP et UDI semble hostile à tout accord local de gouvernement avec le FN, pour diriger départements ou régions, mais encore à tout accord national pour gouverner le pays (présidentielle et législatives). C’est en tout cas l’avis du politologue Pascal Perrineau, au vu de divers sondages. Ce n‘est qu’un avis : l’histoire est ouverte. Néanmoins, le Front national se trouve dans le dilemme suivant, qui est celui de toute force politique puissante mais isolée, et qui ressemble à ce qu’avait connu le Parti communiste entre 1946 et les années 60 : maintenir l’isolement sans alliance ni compromis et donc renoncer au pouvoir, se cantonner dans l’opposition permanente, avec cependant un poids métapolitique et des leviers d’influence ; ou bien mettre de l’eau dans son vin, rechercher des alliances et des compromis pour participer partiellement au pouvoir, mais au prix d’une marginalisation.
Ce scénario est possible, mais non pas certain. Ce qui est sûr, c’est que la ligne actuelle, « chevènementiste », du FN, pilotée par M. Philippot, risque d’exclure ces deux solutions : ni splendide isolement comme principale force d’opposition, ni participation au pouvoir. Mais relégation dans un flou illisible, dans l’eau tiède.
Globalement, les sondages montrent que les électeurs de la droite classique sont nettement plus libéraux, pro-capitalistes et moins étatistes que ceux du FN ; en revanche, sur l’immigration, les positions sont proches. Néanmoins, les actuelles propositions socio-économiques du FN semblent risquées. Voici l’analyse d’Ivan Rioufol : « l’entêtement du FN à promouvoir une économie étatiste dont tout prouve qu’elle a échoué, fait obstacle à une cohabitation avec des libéraux. La défense de la retraite à 60 ans et celle des 35 heures sont des aberrations. Le renoncement du gouvernement grec à appliquer ses promesses, soutenues par Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, est une démonstration supplémentaire de l’incongruité de cette politique. Si le FN échoue dans le bras de fer contre l’UMP, ce sera à cause de sa ”mélenchonisation” » (Le Figaro, 27/04/2015)
Pour d’autres observateurs, le FN aurait pu, face à une politique socialiste catastrophique et à une droite UMP–UDI divisée et sans programme clair (une sorte de mollesse, de flou, de marigot rad-soc), récupérer, siphonner un grand nombre d’électeurs de la droite traditionnelle et atteindre des scores encore plus forts que ceux obtenus aux dernières élections. Et, pratiquement tuer, assécher l’UMP. Il n’en a rien été. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas envoyé de signal fort à un électorat des classes moyennes (artisans, commerçants, acteurs du privé…) échaudé par le fiscalisme, la bureaucratie, l’insécurité, l’immigration.
Julien Rochedy, ancien président du FNJ, écrit : « En parlant toujours de l’État stratège, tout en se gardant bien d’expliquer que celui-ci serait l’inverse de l’État socialiste, bureaucratique et omnipotent, le FN a prêté le flanc à l’accusation d’être, au moins économiquement, d’extrême gauche. Enfin, en évoquant trop souvent l’immigration du point de vue économique, tandis que cet électorat a plutôt des craintes d’ordre identitaire, et en étant assez économe de discours sur l’insécurité, il s’est volontairement privé d’aimants naturels et puissants pour attirer le peuple de droite. […] Au lieu de cela, il n’y eut presque que des appels du pied à la gauche » (Valeurs actuelles, 9-15/05/2015). Une gauche qui ne constitue pas un réservoir de voix et dont les anciens électeurs qui ont basculé vers le vote FN ne l’ont fait que pour les questions d’immigration.
4. Les étranges idées de M. Philippot
On présente Florian Philippot comme un « ancien chevènementiste » alors que c’est un chevènementiste pur jus. Les idées de Chevènement, le fondateur du CERES, gauchiste étatiste, patriote à géométrie variable, étaient du vin marxiste avec un peu moins d’alcool, du socialo-communisme totalement dépassé. Ces positions sont électoralement périlleuses pour le FN. À ce qu’on sache, les idées de Chevènement n’ont pas plus séduit l’électorat que celles de Cadet Rousselle. S’en inspirer n’est pas bien inspiré.
En revanche, Florian Philippot , s’il est bel et bien chevènementiste, n’est en rien gaulliste sur le plan économique. L’orientation de la politique économique de De Gaulle reposait sur quatre lignes de force : 1) équilibre rigoureux des finances publiques ; 2) limitation des charges sociales et de la fiscalité ; 3) refus de tout endettement, parce que l’endettement, virus socialiste, amène paradoxalement à la soumission de l’État aux marchés financiers internationaux ; 4) choix de l’économie de l’offre.
L’inculture économique est la marque de fabrique de M. Philippot et de ses conseillers. Cela rejaillit sur Marine Le Pen. Par exemple, la proposition d’ « autarcie française », qui aurait fait bondir le Prix Nobel Maurice Allais, qui prônait une préférence européenne. Contre la catastrophique politique commerciale de l’UE, le programme du FN propose des solutions pires encore, irréfléchies. La conception de M. Philippot de l’ ” « État stratège » relève d’une confusion avec l’ « État Providence ». Il se réclame du « colbertisme » (mot-valise employé hors de toute connaissance historique) alors que la politique de Colbert, étatiste et corporatiste, fut une catastrophe économique pour la France de Louis XIV, à l’origine du retard dramatique de notre pays, un siècle plus tard, dans la révolution industrielle. Le gaullisme économique est à mille lieues du colbertisme et du keynésisme, comme du socialisme. Le gaullisme était un libéralisme d’État et non pas un étatisme anti-libéral.
Autre évidence de sociologie politique : le credo chevènementiste de l’énarque, M. Philippot, que reprend Marine Le Pen, est un moteur à gaz pauvre pour l’électorat, qui n’y porte pas une énorme attention, parce qu’il est relativement abstrait. Nettement moins porteur que le turbo du discours anti-immigration, autrement plus concret. Le grand paradoxe, c’est que la ligne de Florian Philippot, qui se veut révolutionnaire, n’est pas originale et ne comporte aucune rupture. On est toujours dans la ligne « UMPS » du fiscalisme, de l’assistanat, de la bureaucratie, de l’étatisme, de l’endettement.
Le programme socio-économique de la direction du FN actuel est amateuriste, laisse sceptique ou indifférente une grande partie de son électorat, n’effraie pas ses adversaires et même les rassure par son absence de solutions sérieuses. La direction du FN se tire une balle dans le pied en flirtant avec les concepts marxisants éculés de la CGT, de FO et des fonctionnaires du ministère du Travail. M. Philippot, imprégné de la culture énarchique, fourvoie son parti. Où est la nouveauté ? Nulle part. C’est toujours la même petite musique de chambre.
5. Une europhobie maladroite
En se focalisant contre l’Europe de Bruxelles, contre le mondialisme, l’euro, comme explications ultimes et uniques de tous nos maux (parfois avec de bons arguments à côté de très mauvais, mais là n’est pas le problème) de manière répétitive et obsessionnelle, la direction du FN a manqué la cage de buts. Ce n’est pas la préoccupation majeure de son électorat réel et potentiel. De plus, en promettant et en prônant avec véhémence une sortie de l’euro et un retour au franc, la direction du FN risque d’effrayer, d’échauder une partie de cet électorat. Les brillants économistes qui entourent et conseillent l’énarque Florian Philippot seraient peut-être les premiers à retirer en catastrophe leur épargne des banques dans cette hypothèse. D’ailleurs si Marine Le Pen gagnait la présidentielle, elle renoncerait immédiatement à ce point de son programme.
C’est très dommage, parce que les dysfonctionnements de l’Union européenne sont énormes. Notamment dans les domaines de l’immigration et de ses instances judiciaires supranationales et antidémocratiques. Mais ce n’est pas sur ce point qu’attaque la direction du FN. Elle choisit le plus mauvais angle : l’autarcie française et la sortie de l’euro. Ces utopies impraticables rassurent tous les adversaires du FN et découragent ses électeurs potentiels. C’est amusant de jouer au volley pendant un match de foot, non ?
Les critiques obsessionnelles et répétitives contre l’Europe de Bruxelles sont contre-productives et lassantes. Elles occultent les préoccupations majeures des Français et elles risquent de les ennuyer. De plus, le FN ne produit aucune proposition programmatique sérieuse pour une ”autre Europe”. À l’image de toutes les autres formations.
6. Les vraies raisons du vote FN
Une remarque de bon sens s’impose : l’explosion récente du vote FN s’explique d’abord par une réaction populaire contre l’immigration massive, contre l’islamisation et toutes leurs conséquences dramatiques. Le FN est perçu comme le seul bouclier. La corrélation territoriale et proportionnelle entre les scores du FN et les zones touchées par ces phénomènes invasifs est parlante. Les succès du FN ne s’expliquent pas du tout par la nouvelle ligne programmatique socialisante. Elle fera perdre, à terme, plus de voix qu’elle n’en fera gagner, compte tenu de la prise de conscience croissante des Français de l’échec des solutions épuisées de l’État Providence bureaucratique, fonctionnarisé et fiscaliste acharné, dont le seul résultat est le chômage de masse – dans lequel l’ « Europe » n’a aucune responsabilité.
En trois ans, le FN est passé de 18 à 25% des suffrages exprimés, ce qui est la plus forte progression en si peu de temps enregistrée depuis très longtemps par un parti. Il est à noter qu’elle s’est principalement produite sous la gauche au pouvoir. Ce qui prouve que les nouveaux électeurs ont été échaudés par la politique de cette dernière, sans doute autant par le laxisme judiciaire, l’explosion de la criminalité, la démolition de l’école, l’accélération de l’immigration et de l’islamisation et le fiscalisme débridé que par de la montée du chômage. Ce n’est donc probablement pas le programme socio-économique étatiste et socialisant du FN pas plus que son discours anti-UE et néo-protectionniste qui a fait gonfler l’électorat.
Les sondages –dont il faut se garder de sous-estimer l’approximation comme d’en surestimer l’exactitude – montrent que le vote FN est beaucoup plus motivé par les problèmes d’immigration, d’islamisation, d’insécurité, d’identité ethno-culturelle que par les propositions frontistes en matière économique et sociale. Ces dernières, archéo-étatistes, sont le talon d’Achille du FN. Elles s’alignent sur les positions de la vieille extrême-gauche et du PS et ne constituent aucune rupture. Pour l’instant, l’électorat s’en fiche, mais à l’approche de la présidentielle, ces épousailles électorales, il peut regimber, sévèrement. Une grande partie de l’électorat ne croit plus aux solutions de l’État Providence. Le peuple est réaliste. Si le FN maintient sa ligne actuelle, ses scores peuvent s’effondrer. La politique ressemble à la météo : au beau temps succèdent les perturbations. Et ça va très vite.
7. Le risque de délaisser les fondamentaux
Vouloir plaire au Système et délaisser ses fondamentaux est un danger pour la direction du FN qui semble se plier à l’idéologie dominante – plutôt que de la combattre– alors qu’elle devient minoritaire dans la population.
Dans une récente affaire, la direction du Front National a sanctionné et réprimandé un de ses adhérents qui utilisait l’expression « grand remplacement » pour parler du processus d’immigration de colonisation ; il a été précisé que cette expression, pourtant d’une grande pertinence sociologique, ne correspondait absolument pas aux analyses du Front National. Cette position de la direction du FN est absurde. Elle est contraire à la raison d’être de ce parti : porter le diagnostic d’une colonisation de peuplement et y répondre.
La stratégie de « dédiabolisation » de Marine Le Pen est pertinente si elle vise à se débarrasser des remugles antisémites et néonazis (style Soral et consorts) mais elle ne l’est pas si elle met la pédale douce sur l’immigration invasive et sur l’islamisation. Elle risque de perdre beaucoup de voix en sortant de son cœur de cible. De plus, ne peut pas défendre l’ « assimiliation » à la France de masses énormes, en outre hostiles. L’assimilation n’est possible que pour de toutes petites minorités, comme De Gaulle l’avait dit. L’assimilation, pas plus que l’intégration, ne sont aujourd’hui possibles. Nous avons dépassé le point de non-retour. Des solutions très différentes s’imposent, non seulement l’arrêt absolu de tout nouveau flux migratoire et des mouvements de naturalisation ainsi que l’expulsion de tous les clandestins, mais aussi amorcer une « démigration » et une « désislamisation ». Penser que cela est impossible ? Alors autant baisser les bras. De même, sur la faillite de l’Éducation nationale, l’explosion de toutes les formes de délinquance et de criminalité, la démolition de notre système judiciaire et pénal, etc. : les attentes sur ces sujets sont énormes de la part de l’électorat FN, acquis ou à acquérir, beaucoup plus que sur la sortie de l’euro…
Il faut bien réfléchir à cette notion d’ « arriver au pouvoir ». Si une formation politique tente de le faire à tout prix, entre autres à celui d’un affadissement de son discours et de la distorsion de son programme vers ce qu’il suppose être l’ « air du temps », cette participation au pouvoir ne rimera à rien. Sauf à satisfaire des carrières personnelles. Ce calcul relève du marketing mais s’avère parfaitement impolitique. Puisque dans ce cas-là, on est au pouvoir, en apparence, mais on ne l’exerce pas selon ses idées. En revanche, si une formation politique puissante refuse de transiger et de passer des alliances, certes, elle restera dans l’opposition. Mais, elle aura un pouvoir, un pouvoir métapolitique d’influence, de perturbation ; et, peut-être à terme, la possibilité de parvenir seule, par fait majoritaire, par captation par aimantation d’autres forces, au vrai pouvoir sans avoir rien renié de ses fondamentaux. La direction politique du FN devrait réfléchir à cette configuration qui fut celle de tous les partis révolutionnaires dans l’histoire, qui furent patients.
Le maintien de ses fondamentaux par le FN sera d’autant plus payant électoralement que la situation dans les prochaines années ne va cesser mécaniquement de s’aggraver sur les fronts de l’immigration, de l’islamisation, de l’insécurité, de la dégradation économique. L’environnement socio-politique est extrêmement porteur pour un maintien du FN autour de ses fondamentaux. En revanche, si le FN baisse la garde et se concentre sur des discours chevènementistes et cégétistes, il est à craindre qu’il déçoive et se marginalise.
8. Que devrait faire Jean-Marie Le Pen ?
Évoquons maintenant les deux interventions de Jean-Marie Le Pen sur RMC et dans l’hebdomadaire Rivarol, tornades médiatiques qui ont provoqué un grave conflit avec sa fille, Marine, l’actrice de la fameuse « dédiabolisation », et qui créent une situation de crise aigüe au FN. JMLP a créé le buzz et le scandale en revenant sur les questions du « détail » et divers points touchant le pétainisme ou le caractère français de très fraiche date de divers hommes politiques, ou bien encore sur la ”république”. Pour sa fille et une partie de la direction du FN, c’est une provocation suicidaire, une de plus, la goutte qui fait déborder le vase et qui mérite qu’il soit écarté de toute responsabilité et de tout mandat au sein du parti, notamment aux régionales. Pour Le Pen, il s’agit d’exercer sa liberté d’expression et de signifier : « je vous emm…
Plus probablement, par ces propos, JMLP entend manifester, non pas comme on l’a dit une frustration de ne plus diriger le FN, mais son désaccord avec la nouvelle ligne idéologique et programmatique du parti dont il est le fondateur. La méthode-choc utilisée n’est pas forcément la bonne pour parvenir à ses fins. Car enfin, les thèmes abordés, qui tournent autour de polémiques passées, n’intéressent pas les Français d’aujourd’hui Quel objectif poursuit-il ? Scission improbable d’un « FN Canal Historique » ? Conflit ouvert au cœur du parti ? On ne peut pas se mettre à sa place.
Concernant la jeune députée FN du Vaucluse, Marion Maréchal – Le Pen, Guillaume Tabard note qu’elle ne manifeste « aucune prise de position personnelle dans le conflit. Pendant que le père et la fille se déchirent, en public, Marion Maréchal–Le Pen se pose en gardienne des « fondamentaux » du Front national. […] En choisissant de ne s’exprimer que sur des sujets de fond, l’élue du Vaucluse montre qu’elle, au moins, dans la tempête interne, ne se détourne pas des sujets de préoccupation ou d’indignation des électeurs du Front national […] Pendant que les dirigeants du Front national se font la guerre entre eux, Marion Maréchal-Le Pen continue imperturbablement de se confronter aux adversaires de l’extérieur. […] Ce faisant, elle affiche une solidité qui consolidera son image et comptera pour la suite de sa carrière ». (Le Figaro, 10/05/2015) Analyse intéressante… MMLP serait-elle un joker ?
Ce que Jean-Marie Le Pen devrait faire, parce qu’il en a trop dit ou pas assez, c’est de s’expliquer sur le fond, et non par des petites phrases dans des interviews sur des points qui créent des polémiques superficielles et n’abordent pas les questions cruciales. Ce qui sert l’intérêt de journalistes et de médias qui veulent vendre du scandale. Ce qu’on attend de Le Pen, c’est qu’il parle, qu’il exprime son point de vue de A à Z, qu’il vide son sac. Sur son programme concret pour la France d’aujourd’hui, sur ses désaccords doctrinaux éventuels avec l’actuelle direction du FN. Rationnellement. Car, ça, ce serait de la politique, de la vraie, et non pas de la broderie médiatique
Guillaume Faye
14/04/2015