Par Eric Delcroix, juriste, essayiste et écrivain, auteur de Droit, conscience et sentiments ♦ Bertrand Saint-Germain, éminent juriste, vient de publier un ouvrage dont le titre brille comme une vitrine attrayante, Juridiquement correct, sous-titré Comment ils détournent le droit[i]. L’ouvrage de 377 pages traverse les différents aspects du droit actuellement appliqué en France, non sans un rappel de ce que fut l’Ancien régime, pour se terminer avant conclusion par un chapitre bien actuel, puisque intitulé « Est-il exact de dire que l’islam serait compatible avec la laïcité ? ».
L’ouvrage est accessible aux non juristes, mais quoique riche d’enseignements précis, il me paraît passer largement à côté de la question qui est l’absorption du droit par la morale antidiscriminatoire, sous couvert de l’État de droit, ce produit subversif d’importation qui a détruit en un demi-siècle notre légalisme républicain.
Des propos anti-woke (page 376), mais rien sur la subversion de notre ordre public par les lois Pleven (1972), Lellouche (2003) ou Perben II (2004), tout en écrivant que « le champ du droit est lui aussi partie prenante dans le combat politique. » (page 374).
L’amplitude du spectre des sujets abordés, avortement et commerce des armes inclus, oblige à un choix quant aux questions traitées par le livre, au regard du combat métapolitique.
Une critique modérée du Conseil constitutionnel
Bertrand Saint-Germain reproche au Conseil constitutionnel, dont je rappelle que les membres sont nommés et non pas élus, sa tendance à élargir sa saisine et à donner des directives au législateur, au point de s’arroger le droit de totale maîtrise de la loi : « Le recours à ces notions et à ces techniques permet de facto un quasi-contrôle de l’opportunité de la loi » (page 69).
Mais pas un mot sur le véritable coup d’État juridictionnel de 1971, dénoncé par Éric Zemmour dans le Suicide français (1974), par lequel le Conseil constitutionnel, inventant la notion de « bloc de constitutionnalité », a déclaré de droit positif le préambule déclamatoire de la Constitution, permettant ainsi toutes les dérives idéologiques.
Et, au-delà de ses vives critiques, l’auteur regarde avec une bienveillance certaine le Conseil constitutionnel, puisque qu’il conclut : « Dès lors, le Conseil ne mérite pas la critique facile visant à le désigner comme l’obstacle à l’action de Gouvernement. Bien au contraire … la critique doit être celle de la pusillanimité voire de la forfaiture des gouvernants » (page 84). Ouh…
Bref, implicitement, le gouvernement des juges, dont M. Saint-Germain ne pipe mot, serait moindre mal. Que ce soit à travers le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l’homme…
Immigration, faux problème ?
Bertrand Saint-Germain brocarde Eric Zemmour et Valérie Pécresse, pour avoir soutenu, lors de la campagne des dernières présidentielles, qu’il fallait abroger le droit du sol en matière d’octroi de la nationalité. Que nenni dit l’auteur, et d’écrire : « … c’est que droit du sol n’existe pas en France et que la naissance ne permet pas à elle seule (les mots sont importants), de conférer la nationalité française. » (page 282). L’attaque contre ces deux candidats à la présidence de la République est injuste, car on ne peut leur reprocher qu’un raccourci imposé par la loi du genre. On ne peut en effet détailler dans un meeting : « … tout enfant né en France de parents étrangers acquiert la nationalité française à sa majorité si, à cette date, il a en France sa résidence et s’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq ans, depuis l’âge de onze ans. » (citation extrait de l’art. 21-7 du Code civil, page 287). Ce qui doit être le cas de tout de même de plus 90 % des enfants d’immigrés exotiques qui égayent nos banlieues. Tout est donc dans la nuance…
L’auteur, tout en nuance donc, enfonce le clou et ose ce morceau de bravoure : « … il n’existe aucun droit du sol absolu dans notre pays (…) Affirmer le contraire vise simplement à faire croire qu’à l’instar des États-Unis, la France serait une terre d’immigration – ce qu’elle n’est pas – et que la naissance suffirait à la fois à créer des Français et à donner ainsi à la personne un droit à rester en France – ce qui est faux. » (page 291).
Pas une terre d’immigration ? Nous étions cinquante millions en 1980, nous sommes maintenant soixante-huit millions aujourd’hui, malgré une courbe des naissances plate… Et 270 000 titres de séjour accordés en 2022, pour s’entendre dire ça !
« Une Justice politique » – État de droit et coup d’État judiciaire
De la préférence nationale
Ces choses ayant été rudement dites par M. Saint-Germain, on pourrait voir un rayon de soleil dans son ouvrage, qui développe une saine idée de la légitime défense (pages 219 à 230). Autre rayon de soleil, l’affirmation que la préférence nationale serait parfaitement légale en l’état (pages 293 à 316), ce qui serait concevable si notre ordre public n’avait pas été infecté par les lois précitées de 1972, 2003 et 2004 et si nous n’étions pas ficelés par la Convention européenne des droits de l’homme et le machin de Bruxelles.
Et là notre juriste me paraît bien naïf, quand il prend à l’appui de son affirmation optimiste l’exemple sur la législation spécifique à la Nouvelle Calédonie. Une législation en faveur des Canaques ne relèverait-elle pas de la discrimination positive ? L’esprit woke obligeant, elle tend de plus en plus à être admise au nom de la « racisation », sans réciprocité aucune…
Bertrand Saint-Germain dit rechercher « la Vérité » (page 377), mais la modeste vérité est plus cruelle…
Eric Delcroix
08/02/2023
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