Par Pierre Boisguilbert, journaliste spécialiste des médias et chroniqueur de politique étrangère ♦ Procès des lampistes du massacre de Charlie Hebdo, déchainement contre Valeurs actuelles : deux preuves du recul de la liberté d’expression en France. Pour le moment, on a toujours le droit de blasphémer les religions, mais pas le dogme médiatique de l’antiracisme. Mahomet oui – Obono non.
Cependant, cinq ans après on voit dans un sondage IFOP les progrès faits par ceux qui refusent la culture française et veulent imposer leur loi islamique. La condamnation des caricatures a fait un bond. L’indignation suscitée par leur publication est comprise par 29 % de la population — dont 47 % des 15–24 ans — mais par 73 % des personnes se déclarant musulmanes, le chiffre montant carrément à 83 % quand elles ont entre 25 et 34 ans.
Quant à dire si les journaux ont eu tort ou raison de publier lesdites caricatures, seulement 59 % de la population défendent la liberté d’expression – et c’est encore chez les 15–24 ans (35 %) qu’on en trouve le moins –, tandis que 69 % des personnes se déclarant musulmanes considèrent que c’était une provocation inutile. Et 72 % pour les 15–24 ans. Pour les rapports religion-republique, 17 % de la population croyante font passer leurs convictions religieuses avant les valeurs de la République – et 37 % des 15–24 ans. Mais le taux grimpe à 40 % chez les personnes se déclarant musulmanes, et jusqu’à 74 % pour les 15–24 ans…
La France bâillonnée
Le droit de critiquer l’islam se réduit en France comme peau de chagrin mais reste possible — si l’on prend soin de préciser : islam politique. En revanche, et sauf quand elle est le fait des « racisés » décolonisés, toute expression de racisme ou même de racialisme est assimilée à un sacrilège. L’affaire Obono montre que le soupçon même d’une intention, en dehors du texte lui-même, suffit. On sonde maintenant les arrière-pensées Le deux poids deux mesures de l’idéologie médiatique est plus flagrant que jamais… Mais il est vrai, comme l’ont sévèrement rappelé les grands inquisiteurs du Monde, qu’en France « le racisme n’est pas une opinion mais un délit ». Ce qui interdit toute liberté d’opinion contraire à la religion d’État sur le sujet.
Les jeunes confrères de Valeurs actuelles ont péché par naïveté. C’est le grand défaut des journalistes non conformistes d’aujourd’hui. Le fait d’être invités sur les plateaux télés pour donner le change et faire de l’audience ne veut pas dire que leurs idées sont acceptées et jugées normales dans le débat public. Ils sous-estiment la surveillance permanente et malveillante dont ils font l’objet. Le système cherchait un prétexte pour diaboliser Valeurs actuelles comme un autre Rivarol ou un Réfléchir & Agir en tenue camouflée. Les excuses embarrassées et inutiles des responsables de la rédaction sont révélatrices des états d’âme d’une génération talentueuse face à l’idéologie dominante. Elle va être condamnée à plus de prudence et d’autocensure, comme d’illustres anciens du journal — c’est un des buts recherchés : perdre du mordant, c’est perdre des lecteurs.
La liberté d’expression recule ainsi en France sur tous les fronts, par la loi ou par la peur, mais elle recule. Et, dans les deux cas, cela fait le jeu de ceux qui veulent détruire notre civilisation.
Pierre Boisguilbert
05/09/2020
Source : Correspondance Polémia