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Le coût du parasitisme bureaucratique

Le coût du parasitisme bureaucratique

par | 17 novembre 2024 | Économie, Politique

Le coût du parasitisme bureaucratique

Intervention de Philippe Herlin, économiste, au Xème Forum de la Dissidence, le samedi 16 novembre 2024.

Nous parlons ici de dépenses publiques, de dette, de déficit, mais il faut se rendre compte que la réalité dépasse les chiffres officiels. Les dépenses publiques représentent 58% du PIB (et les recettes 48%, l’écart étant le déficit + les recettes propres de l’État).

Mais en réalité c’est bien plus que 58% : quand l’État vous oblige à rénover le logement que vous mettez en location parce que son DPE (Diagnostic de performance énergétique) est G et que vous ne pourrez plus le louer à partir du 1er janvier prochain (plus d’un demi-million de logements en France, crise à prévoir !), à ce moment-là vous devenez un outil de l’État, vous ne pouvez pas faire autrement, vous êtes comme un fonctionnaire qui engage une dépense, vous êtes de plain-pied dans l’économie publique.

Quand l’État vous oblige à acheter votre électricité de plus en plus cher parce qu’il a décidé d’installer des éoliennes sur tout le territoire et en mer, et qu’elles nécessitent d’énormes subventions, vous n’y pouvez rien ! Vous ne pouvez pas vous adresser à une société d’électricité qui aurait décidé de ne construire que des centrales nucléaires et qui proposerait un tarif nettement inférieur, non, le marché est verrouillé par la réglementation !

Quand l’État vous oblige quasiment à acheter une voiture électrique – en 2035 de façon obligatoire mais même avant avec la réglementation CAFE – ça vous coûte plus cher et vous n’y pouvez rien !

On pourrait multiplier les exemples. En rajoutant ces contraintes réglementaires, les dépenses publiques réelles ne sont pas de 58% du PIB, mais bien plus ! Combien ? Les deux-tiers ? Les trois-quarts ? Il n’existe pas d’estimation de ces dépenses obligatoires, mais interrogez-vous sur vos dépenses réellement arbitrables, celles que vous pouvez vraiment décider, elles ne sont pas forcément très élevées.

Il existe un terme pour qualifier ce dont nous venons de parler, il a été forgé par des économistes libéraux, c’est le « capitalisme de connivence », qui désigne l’alliance de grosses entreprises avec l’État de façon à garantir des revenus captifs.

Les fabricants d’éoliennes sont très contents que vous payiez une facture d’électricité plus élevée que ce qu’elle devrait être, parce la différence tombe dans leur poche. Les diagnostiqueurs de DPE aussi, et les entreprises de rénovation thermique également.

Les constructeurs automobiles un peu moins, c’est surtout la Chine et ses marques bien plus compétitives, ainsi que Tesla, qui profitent de la voiture électrique, l’État est mauvais gestionnaire et commet souvent d’énormes bourdes.

Le capitalisme de connivence est un détournement du capitalisme, une perversion, malheureusement presque naturelle quand l’État accroît sa taille et devient si imposant comme aujourd’hui.

L’État augmente sa taille, mais pas vraiment pour de bonnes raisons, et pour l’expliquer je voudrais proposer un terme dérivé du précédent : l’étatisme de connivence.

L’étatisme de connivence c’est l’État qui se développe de lui-même, comme une tumeur cancéreuse, et pas du tout pour répondre aux besoins de l’organisme, en l’occurrence la Nation.

Les exemples sont innombrables, on pourrait y passer des heures, mais citons un cas médicalement intéressant avec le CESE, le Conseil économique social et environnemental, qui ne sert à rien et coûte tout de même près de 50 millions d’euros par an, et qui en plus a « métastasé » dans toutes les régions, qui chacune possède un CESER ! Une belle tumeur dirait un oncologue.

Les collectivités locales sont d’ailleurs un terrain de choix pour la bureaucratie, avec un mille-feuille territorial qui dilue les responsabilités mais permet de justifier toujours plus d’embauche de fonctionnaires : leurs effectifs ont augmenté de 50% sur les vingt-cinq dernières années.

Nous n’avons en fait pas de véritables collectivités locales : dénuées d’autonomie fiscale, elles sont en réalité sous tutelle de l’État à travers des transferts financiers divers et variés et aux formules mathématiques opaques, notamment la Dotation globale de fonctionnement. Un État qui peut d’ailleurs décider de supprimer la taxe d’habitation pour de purs motifs électoraux, ce qui distend le lien entre l’électeur et sa commune, une aberration. Un État qui, de plus, charge la barque sans forcément accorder de moyens supplémentaires, comme l’obligation qu’ont les départements de gérer les MNA (mineurs non accompagnés), qui affluent d’autant plus que les frontières – de la responsabilité de l’État – sont des passoires.

Le gouvernement Barnier vient de décider d’augmenter ce que l’on appelle les « frais de notaire », les Droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui pèsent entre 7% et 8% du prix d’un logement ancien, et dont 4,5% reviennent aux départements. Ce sera désormais 5%, et cette augmentation de 0,5% équivaudra à 1.250 euros pour un ménage qui achète un logement à 250.000 euros, tout de même. Mais où est la « libre administration des collectivités locales » ici, un principe constitutionnel rappelons-le ? Les départements, touchés par la crise du logement et la chute des ventes, donc de leur DMTO, se sont plaint à Matignon, qui a obtempéré, mais au risque d’accentuer la crise du logement ! C’est n’importe quoi.

Cette prolifération bureaucratique se voit aussi dans les 438 agences publiques représentant 81 milliards d’euros de dépenses et 479.000 agents ! Pour certaines leur existence n’interroge pas, comme le musée du Louvre, la Comédie française, les parcs nationaux ou l’École polytechnique, même si cela ne les dispense pas d’être gérés de façon plus efficace, mais à quoi servent ces entités qui doublonnent des fonctions dévolues aux ministères comme les nombreuses agences de l’eau, le Centre national du sport, les Agences régionales de santé, etc. ?

Les 49.000 agents de Pôle emploi, rebaptisé France Travail, sont-ils bien nécessaires ? De même que les 10.875 de l’Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement ?

Mais tous ces organismes, plus tous les comités Théodule (313 « commissions et instances consultatives »), permettent au pouvoir de placer ses amis et ses obligés. Comme le « Comité d’histoire des administrations chargées de la santé », créé en mars dernier et dont la présidence a été confiée à Roselyne Bachelot, après son passage au ministère de la culture.

On peut voir ces organismes comme une autonomisation de la bureaucratie, qui permet de garantir des postes auxquels on est nommé, mais qui ne dépendent plus de l’alternance politique, ou du changement de ministre. Des sinécures pour de nombreuses années, ou même jusqu’à la retraite, le rêve !

Une autonomisation de la bureaucratie qui permet aussi à l’État d’agir à visage masqué : si le ministère de la culture avait interdit la chaîne C8, cela aurait été un peu voyant, un peu gros, alors qu’en passant par un pseudopode comme l’ARCOM, les apparences sont à peu près sauvegardées. Alors qu’en réalité, seule la justice devrait pouvoir prononcer une décision aussi grave.

Et il se crée en permanence des organismes, comme la société qui gère le Pass Culture et qui emploie 166 salariés, qui bénéficient d’un « joli train de vie » selon la lettre confidentielle l’Informé.

Des organismes qui parfois se marchent sur les pieds comme, on le sait peu, le service des études économiques et de la conjoncture de la Banque de France qui doublonne complètement le travail de l’INSEE. Résultat, les entreprises sont obligées de remplir deux formulaires leur demandant les mêmes informations, soit autant de temps de perdu.

Cette inflation bureaucratique se retrouve aussi à l’intérieur de structures publiques existantes comme l’Éducation nationale : la France et l’Allemagne comptent à peu près le même nombre d’élèves en primaire et en secondaire, 10,5 millions, la France a 859.000 enseignants et l’Allemagne 733.000, déjà, et surtout 220.000 personnels administratifs contre 87.000 ! La bureaucratie métastase très bien en France !

Une Éducation nationale qui ferme la porte à ce qui fonctionne mieux : les écoles privées sont bridées en France, elles ne peuvent pas dépasser 20% des effectifs totaux d’élèves scolarisés, par une sorte d’accord tacite dont on ne trouve nulle trace dans le droit ou la réglementation. Après avoir essayé de la supprimer, en 1984, l’État s’accommode de l’école privée mais l’empêche de grandir alors que bien plus de 20% des parents souhaiteraient mettre leurs enfants dans l’enseignement privé, d’un bien meilleur niveau.

La complexité est aussi une façon pour la bureaucratie d’installer et de justifier son pouvoir. Par exemple, la fiscalité française sur l’immobilier est la plus élevée des pays de l’OCDE avec 96 milliards d’euros. Mais il y a aussi, dans l’autre sens, 43,5 milliards d’euros d’aides publiques à ce secteur ! Pour quel résultat ? Le logement en France est cher, le marché dysfonctionne, il y a une pénurie sur le locatif dans les grandes villes… Supprimons les aides (et les DPE) et divisions par deux la charge fiscale sur l’immobilier, le marché repartira et les prix baisseront ! Mais vous n’y pensez pas, la bureaucratie perdrait tout son pouvoir, cette solution de bon sens est tout simplement inimaginable.

Cet étatisme de connivence, on le voit, crée de multiples structures, au niveau national comme au niveau local, bureaucratise les organisations existantes, s’autonomise du pouvoir politique, complexifie tout pour justifier son intervention. Une question se pose : peut-on parler d’État profond ?

Parce qu’au niveau idéologique, tout va dans le même sens, celui de la gauche et de l’extrême-gauche. Ainsi au CNRS : 3,8 milliards d’euros de budget annuel, 33.000 fonctionnaires dont 11.000 chercheurs. Les sciences « molles » (sociologie, etc.) sont complètement trustées par l’extrême-gauche et quand, exceptionnellement, un chercheur ne rentre pas dans ce moule, comme Florence Bergeaud-Blacker qui travaille sur l’infiltration des Frères musulmans en France, elle n’obtient aucun financement, comme elle l’explique dans Le Figaro Magazine du 28 octobre.

Le financement des associations, au niveau de l’État comme au niveau local, va toujours vers la gauche et l’extrême-gauche. Science Po, les universités penchent toutes de ce côté. Cette semaine, une responsable de l’UNI a été exclue de l’université de Nantes juste pour avoir posté une vidéo de militants d’extrême-gauche proférant des paroles de racisme antiblanc ! Le droit à l’image de délinquants pèse plus que la dénonciation de leurs fautes, enfin, en tout cas dans ce sens-là.

Partout triomphe le « socialisme mental », pour reprendre l’expression de Mathieu Bock-Côté, qui constitue la raison d’être de cet étatisme de connivence. Peu imaginatif, il a cependant l’efficacité des petits fonctionnaires de la Stasi, qui surveille tout et contrôle tout.

On franchit même un niveau supplémentaire avec le soi-disant et non démontré « réchauffement climatique anthropique ». Ne serait-il pas plutôt une immense manipulation pour contrôler nos vies dans toutes ses dimensions (habiter, se déplacer, se nourrir, travailler) ? Pour moi, le GIEC est l’héritier du Gosplan soviétique.

Cet étatisme de connivence est donc profondément nuisible, et il constitue une insulte au caractère démocratique dont se réclame la France.

Et pour financer cet étatisme destructeur, on nous demande de payer toujours plus d’impôts ! Le 27 septembre sur LCI, le politologue Dominique Reynié affirmait qu’une hausse d’impôts amènerait « une confrontation entre l’État et le pays », un État qui ne sait gérer ni les finances publiques, ni la sécurité, ni l’immigration, ni l’éducation, etc. Nous sommes au bout de ce système.

Alors que faire ? Il se passe des choses intéressantes en ce moment aux États-Unis.

Donald Trump a nommé Elon Musk, avec l’homme d’affaires républicain Vivek Ramaswamy, à la tête d’un ministère spécialement dédié à l’« efficacité gouvernementale » (le DOGE), avec pour objectif « de démanteler la bureaucratie gouvernementale, sabrer les régulations excessives, couper dans les dépenses inutiles, et restructurer les agences fédérales. » Et avec l’objectif chiffré de procéder à 2.000 milliards de dollars de coupes dans un budget fédéral de 6.800 milliards !

Il faudra suivre de près l’action de la nouvelle administration américaine, ainsi que celle de Javier Milei en Argentine, mais nous conclurons en disant que l’équilibre budgétaire n’est pas une question budgétaire, c’est une question politique, qui consiste à éradiquer cet étatisme de connivence, ce socialisme mental, ce cancer bureaucratique, la captation de l’État par la gauche et l’extrême-gauche, et la volonté de le recentrer sur ses missions régaliennes. Et tout ceci est une question éminemment politique, mais notons avec satisfaction que ceux qui défendent ces idées ont le vent en poupe, dans les Amériques pour le moment, car on pourrait aussi rajouter Nayib Bukele au Salvador. Une fois n’est pas coutume, le soleil se lève à l’ouest !

Philippe Herlin
16/11/2024

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