Avec « Le Bocage à la nage » Olivier Maulin signe un nouveau roman picaresque dans la veine du Finlandais Arto Paasilinna et dans le prolongement des polars déjantés du Berrichon ADG. Voici la critique de Claude Lenormand pour Polémia.
Le romancier Olivier Maulin était déjà connu par ses précédents ouvrages réjouissants, entre autres En attendant le roi du monde (L’Esprit des Péninsules, 2006, Pocket réédité 2008), Les Lumières du ciel (Balland 2011, Pocket réédité 2013). Son dernier livre, Le Bocage à la nage (Balland, 2013), développe et amplifie le ton de ses précédentes publications, mêlant joyeusement naturiens, végétaliens, crudi-végétariens rejoignant des courants plus contemporains (citons pour l’amusement les « respiriens » qui refusent de se nourrir d’aliments solides et se soutiennent par la respiration)… et aussi une bande de joyeux ivrognes.
Le malheureux Philippe Berthelot, archétype du VRP frustré vendant d’inutiles escaliers électriques en Mayenne à des prolétaires ruraux, a la chance d’être licencié par un patron (caricatural à souhait) et de retrouver ses racines villageoises en compagnie de Cro-Magnon, ami d’enfance vivant au plus près de la nature dans sa caravane. Dans leur environnement immédiat le Seigneur du Haut-Plessis, ennemi du monde moderne, accueille dans son château en ruines tout un monde d’anarchistes, de naturistes, de clochards – le merveilleux Pote-Jésus et son âne Ali Baba – et tous ceux qui veulent bien boire avec lui, dont la pétulante Miss Côtes du Rhône qui deviendra la maîtresse réticente du VRP.
Le point culminant du livre est la terrible « buée », soulographie générale et gratuite où vient qui veut sous le regard rêveur du Seigneur du Haut-Plessis. Des agents de la DCRI y perdront leurs armes, leurs papiers, leurs véhicules, leurs vêtements et aussi une bonne partie de leur dignité et de leurs illusions.
Au-delà d’une intrigue mi-policière mi-espionnage bien ficelée et rondement menée, Olivier Maulin revient à la tradition des communautés anarchistes du début du XXe siècle influencées par Louis Rimbault qui prônaient une rupture franche avec le « progrès scientifique » et l’idéologie des Lumières. L’existence de ces petites communautés préfigure nos écologistes contemporains qui, s’ils ne donnent pas toujours les bonnes réponses, posent de vraies questions.
Par delà un humour rabelaisien affleurant à toutes les pages, Olivier Maulin nous livre aussi un conte moral. A quoi sert le Progrès ? L’économisme à tout crin, la croissance matérielle indéfinie rendent-ils les hommes plus joyeux et plus dignes ? Dans un entretien à On ne parle pas la bouche pleine sur France Culture, Olivier Maulin citait Jünger et son recours aux forêts. Sans être jamais moralisateur, l’auteur nous fait réfléchir joyeusement avec une bande de gais compagnons auxquels on peut donner le mot de la fin :
« Si on buvait un coup ? La proposition rencontra l’unanimité générale. »
Pour vivre heureux, allez nager dans le bocage d’Olivier Maulin !
Claude Lenormand
13/09/2013
Olivier Maulin, Le Bocage à la nage, Balland, 2013, 273 pages
Voir aussi
- J’ai déjà donné, d’ADG
- Kangouroad movie, d’ADG
- Petits suicides entre amis… d’Arto Paasilinna