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Laure Mandeville : «Le débat Trump/Clinton peut être un show

Laure Mandeville : «Le débat Trump/Clinton peut être un show

par | 14 octobre 2016 | Géopolitique

Laure Mandeville : «Le débat Trump/Clinton peut être un show

Laure Mandeville, journaliste

♦ FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – A l’occasion de la publication de Qui est vraiment Donald Trump?, Laure Mandeville a accordé un entretien fleuve au FigaroVox. La journaliste décrit un homme complexe, moins caricatural que l’image qu’il renvoie.

Grand reporter au Figaro, Laure Mandeville est chef du bureau Amérique depuis 2009. Elle suit le candidat républicain depuis le début de la campagne et vient de publier Qui est vraiment Donald Trump ? aux éditions des Équateurs.


FIGAROVOX. La vidéo tout juste sortie montrant Donald Trump en 2005 en train de proférer des propos obscènes sur la manière dont il a tenté de séduire une femme mariée, peut-elle le discréditer définitivement?

 

Laure MANDEVILLE. –

Cette vidéo d’une incroyable vulgarité est dévastatrice pour Donald Trump à la veille d’un deuxième débat crucial, dans la dernière ligne droite de la campagne. Elle ouvre un boulevard à l’équipe Clinton pour enfoncer le clou sur le sexisme du candidat républicain et ses manières grossières. La publication de cette vidéo filmée en privé à l’insu du candidat en 2005, dont le timing n’est certainement pas un hasard, a d’ailleurs envoyé une onde de choc dans le parti républicain. (Il est intéressant de noter qu’il s’agit du cousin de Jeb Bush, Bill Bush, ce qui ressemble fort à une vengeance de la famille Bush contre Trump). Le Speaker Ryan, qui devait se produire avec Donald Trump dans un meeting pour la première fois, a annulé l’événement et vertement condamné les propos de Trump, se disant choqué et troublé. Plusieurs élus de droite l’appellent à la démission. Le politologue Larry Sabato parle d’un coup de couteau dans le cœur de Trump à la veille du débat. Est-ce pour autant la fin? Pas sûr. Donald Trump s’est excusé platement pour avoir prononcé ces paroles insultantes pour les femmes et sous entendu qu’Hillary n’avait pas de leçon à lui donner, vu le comportement de son mari dans le passé. Il est probable que ses fans, qui connaissent depuis longtemps ses faiblesses d’alpha mâle prompt à un comportement de corps de garde, ne l’abandonneront pas à ce stade. Mais la question est de savoir si les hésitants jugeront que cette affaire est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Tout dépendra sans doute du comportement de Donald Trump pendant le débat. D’après les informations que j’ai pu obtenir à Washington auprès de certains conseillers du milliardaire, son entourage lui conseillerait de renouveler platement ses excuses pendant le débat, et de rappeler que ces conversations de vestiaire pour hommes, se sont produites à une époque où il n’était pas un politique. Ils lui auraient conseillé de ne pas se laisser aller à des attaques sur Bill au dessous de la ceinture, jeu auquel il pourrait se retrouver très vite perdant, mais montrer qu’il veut parler des sujets essentiels, et poursuivre sa conversation avec le peuple américain sur le changement qu’il entend incarner. Bien sûr, Hillary tentera sans doute de le pousser à la faute, car sa propre campagne est bâtie autour de l’idée que Trump est inapte à la présidence. Nous verrons s’il se laisse piéger, comme il l’a fait pendant le premier débat. Ce qui est sûr est que l’incident va sûrement pousser des dizaines de millions d’Américains à se remettre devant leurs postes de télévision dimanche, pour un show susceptible d’être du Shakespeare version trash.

Vous consacrez un livre à Donald Trump que vous suivez pour Le Figaro depuis le début de la campagne. A vous lire, on a l’impression qu’un Trump médiatique (mèche de cheveux, vulgarité etc…) cache un Donald Trump plus complexe. Est-ce le cas ?

La grande difficulté, avec Donald Trump, c’est qu’on est à la fois face à une caricature et face à un phénomène bien plus complexe. Une caricature d’abord, car tout chez lui, semble magnifié. L’appétit de pouvoir, l’ego, la grossièreté des manières, les obsessions, les tweets épidermiques, l’étalage voyant de son succès sur toutes les tours qu’il a construites et qui portent son nom. Donald Trump joue en réalité à merveille de son côté caricatural, il simplifie les choses, provoque, indigne, et cela marche parce que notre monde du XXIe siècle se gargarise de ces simplifications outrancières, à l’heure de l’information immédiate et fragmentée. La machine médiatique est comme un ventre qui a toujours besoin de nouveaux scandales et Donald, le commercial, le sait mieux que personne, parce qu’il a créé et animé une émission de téléréalité pendant des années. Il sait que la politique américaine actuelle est un grand cirque, où celui qui crie le plus fort a souvent raison parce que c’est lui qui «fait le buzz».

En même temps, ne voir que la caricature qu’il projette serait rater le phénomène Trump et l’histoire stupéfiante de son succès électoral. Derrière l’image télévisuelle simplificatrice, se cache un homme intelligent, rusé et avisé, qui a géré un empire de milliards de dollars et employé des dizaines de milliers de personnes. Ce n’est pas rien! Selon plusieurs proches du milliardaire que j’ai interrogés, Trump réfléchit de plus à une candidature présidentielle depuis des années, et il a su capter, au-delà de l’air du temps, la colère profonde qui traversait l’Amérique, puis l’exprimer et la chevaucher. Grâce à ses instincts politiques exceptionnels, il a vu ce que personne d’autre – à part peut-être le démocrate Bernie Sanders – n’avait su voir: le gigantesque ras le bol d’un pays en quête de protection contre les effets déstabilisants de la globalisation, de l’immigration massive et du terrorisme islamique; sa peur du déclin aussi. En ce sens, Donald Trump s’est dressé contre le modèle dominant plébiscité par les élites et a changé la nature du débat de la présidentielle. Il a remis à l’ordre du jour l’idée de protection du pays, en prétendant au rôle de shérif aux larges épaules face aux dangers d’un monde instable et dangereux.

Cela révèle au minimum une personnalité sacrément indépendante, un côté indomptable qui explique sans doute l’admiration de ses partisans…Ils ont l’impression que cet homme explosif ne se laissera impressionner par rien ni personne. Beaucoup des gens qui le connaissent affirment d’ailleurs que Donald Trump a plusieurs visages : le personnage public, flashy, égotiste, excessif, qui ne veut jamais avouer ses faiblesses parce qu’il doit «vendre» sa marchandise, perpétuer le mythe, et un personnage privé plus nuancé, plus modéré et plus pragmatique, qui sait écouter les autres et ne choisit pas toujours l’option la plus extrême…Toute la difficulté et tout le mystère, pour l’observateur est de s’y retrouver entre ces différents Trump. C’est loin d’être facile, surtout dans le contexte de quasi hystérie qui règne dans l’élite médiatique et politique américaine, tout entière liguée contre lui. Il est parfois très difficile de discerner ce qui relève de l’analyse pertinente ou de la posture de combat anti-Trump. Dans le livre, je parle d’une expérience schizophrénique, tant le fossé est grand entre la perception des partisans de Trump et celle de ses adversaires. Au fond, Trump reste largement insaisissable, malgré les millions d’articles qui lui sont consacrés.

Donald Trump a plusieurs fois raconté qu’il n’avait pas fondamentalement changé depuis le cours préparatoire. C’est dire si l’enfance compte pour cerner sa turbulente personnalité! Il a toujours été un leader, mais aussi un rebelle, une forte tête, qui bombardait ses instituteurs de gommes et tirait les cheveux des filles même si c’était un bon élève. A l’école élémentaire, le coin réservé au piquet, avait même été baptisé de ses initiales, DT, parce qu’il y séjournait souvent! A l’âge de 13 ans, son père décide même de l’envoyer à l’Académie militaire de New York pour le dresser, parce que, inspiré par West Side story, Donald a été pris en train de fomenter une descente avec sa bande dans Manhattan, avec des lames de rasoir!

Cela vous donne une idée du profil psychologique du père Fred Trump, un homme intransigeant et autoritaire, qui a eu une influence décisive dans la formation de la personnalité de son fils. Fred s’était fait à la force du poignet, en amassant un capital de plusieurs millions de dollars grâce à la construction d’immeubles d’habitation pour les classes populaires à Brooklyn, et il a clairement fait de Donald son héritier, brisant et déshéritant en revanche le fils aîné, Fred Junior, un être charmeur, mais moins trempé et plus dilettante, qui avait eu le malheur de préférer être pilote de ligne que promoteur, et a fini par mourir d’alcoolisme. Cela a beaucoup marqué Donald qui a décidé qu’il ne se laisserait jamais dominer et ne montrerait jamais ses faiblesses contrairement à son frère. Fred Trump a élevé ses enfants dans la richesse – la famille vivait dans une grande maison à colonnades dans le quartier de Queens – mais aussi dans une éthique de dur labeur et de discipline, pas comme des gosses de riches, un modèle que Donald a d’ailleurs reproduit avec ses enfants. L’homme d’affaires raconte souvent que son paternel l‘a formé à «la survie», en lui recommandant d’«être un tueur» pour réussir.

On découvre en vous lisant qu’il existe depuis longtemps dans l’univers américain (succès de ses livres, téléréalité). Ses fans d’hier sont-ils ses électeurs d’aujourd’hui ?

Les Américains connaissent Trump depuis le milieu des années 80, date à laquelle il a commencé à publier ses ouvrages à succès, tirés à des millions d’exemplaires, c’est-à-dire depuis 30 ans! «Le Donald» est un familier pour eux. Savez-vous qu’à la fin des années 80, il fait déjà la couverture de Time Magazine comme l’homme le plus sexy d’Amérique? A la même époque, il est cité dans des sondages comme l’une des personnes les plus populaires du pays, aux côtés des présidents toujours vivants, et du pape! Si on ajoute à cela, le gigantesque succès qu’il va avoir avec son émission de téléréalité L’Apprenti, qui à son zénith, a rassemblé près de 30 millions de téléspectateurs, on comprend l’énorme avantage de notoriété dont bénéficiait Trump sur la ligne de départ de la primaire républicaine.

Tout au long de la campagne des primaires, beaucoup de commentateurs ont annoncé sa victoire comme impossible: comment expliquer cette erreur de jugement ?

C’est vrai qu’à de rares exceptions près, les commentateurs n’ont pas vu venir le phénomène Trump, parce qu’il était «en dehors des clous», impensable selon leurs propres «grilles de lecture». Trop scandaleux et trop extrême, pensaient-ils. Il a fait exploser tant de codes en attaquant ses adversaires au dessous de la ceinture et s’emparant de sujets largement tabous, qu’ils ont cru que «le grossier personnage» ne durerait pas! Ils se sont dit que quelqu’un qui se contredisait autant ou disait autant de contre vérités, finirait par en subir les conséquences. Bref, ils ont vu en lui soit un clown soit un fasciste – sans réaliser que toutes les inexactitudes ou dérapages de Trump lui seraient pardonnés comme autant de péchés véniels, parce qu’il ose dire haut et fort ce que son électorat considère comme une vérité fondamentale: à savoir que l’Amérique doit faire respecter ses frontières parce qu’un pays sans frontières n’est plus un pays. Plus profondément, je pense que les élites des deux côtes ont raté le phénomène Trump (et le phénomène Sanders), parce qu’elles sont de plus en plus coupées du peuple et de ses préoccupations, qu’elles vivent entre elles, se cooptent entre elles, s’enrichissent entre elles, et défendent une version «du progrès» très post-moderne, détachée des préoccupations de nombreux Américains. Soyons clairs, si Trump est à bien des égards exaspérant et inquiétant, il y a néanmoins quelque chose de pourri et d’endogame dans le royaume de Washington. Le peuple se sent hors jeu.

Trump est l’homme du peuple contre les élites mais il vit comme un milliardaire. Comment parvient-il à dépasser cette contradiction criante ?

C’est une vraie contradiction car Trump a profité abondamment du système qu’il dénonce. Il réussit à dépasser cette contradiction, parce qu’il ne le cache pas, au contraire: il fait de cette connaissance du système une force, en disant qu’il connaît si bien la manière dont les lobbys achètent les politiques qu’il est le seul à pouvoir à remédier à la chose. C’est évidemment un curieux argument, loin d’être totalement convaincant. Il me rappelle ce que faisaient certains oligarques russes, à l’époque Eltsine, quand ils se lançaient en politique et qu’ils disaient que personne ne pourrait les acheter puisqu’ils étaient riches! On a vu ce que cela a donné…Si les gens sont convaincus, c’est que Donald Trump sait connecter avec eux, leur faire comprendre qu’il est de leur côté. Ce statut de milliardaire du peuple est crédible parce qu’il ne s’est jamais senti membre de l’élite bien née, dont il aime se moquer en la taxant «d’élite du sperme chanceux». Cette dernière ne l’a d’ailleurs jamais vraiment accepté, lui le parvenu de Queens, venu de la banlieue, qui aime tout ce qui brille. Il ne faut pas oublier en revanche que Donald a grandi sur les chantiers de construction, où il accompagnait son père déjà tout petit, ce qui l’a mis au contact des classes populaires. Il parle exactement comme eux! Quand je me promenais à travers l’Amérique à la rencontre de ses électeurs, c’est toujours ce dont ils s’étonnaient. Ils disaient: «Donald parle comme nous, pense comme nous, est comme nous». Le fait qu’il soit riche, n’est pas un obstacle parce qu’on est en Amérique, pas en France. Les Américains aiment la richesse et le succès.

Alain Finkielkraut explique que Donald Trump est la Némésis (déesse de la vengeance) du politiquement correct ? Le durcissement, notamment à l’université, du politiquement correct est-il la cause indirecte du succès de Trump ?

Alain Finkelkraut a raison. L’un des atouts de Trump, pour ses partisans, c’est qu’il est politiquement incorrect dans un pays qui l’est devenu à l’excès. Sur l’islam radical (qu’Obama ne voulait même pas nommer comme une menace!), sur les maux de l’immigration illégale et maints autres sujets. Ses fans se disent notamment exaspérés par le tour pris par certains débats, comme celui sur les toilettes «neutres» que l’administration actuelle veut établir au nom du droit des «personnes au genre fluide» à «ne pas être offensés». Ils apprécient que Donald veuille rétablir l’expression de Joyeux Noël, de plus en plus bannie au profit de l’expression Joyeuses fêtes, au motif qu’il ne faut pas risquer de blesser certaines minorités religieuses non chrétiennes…Ils se demandent pourquoi les salles de classe des universités, lieu où la liberté d’expression est supposée sacro-sainte, sont désormais surveillées par une «police de la pensée» étudiante orwellienne, prête à demander des comptes aux professeurs chaque fois qu’un élève s’estime «offensé» dans son identité…Les fans de Trump sont exaspérés d’avoir vu le nom du club de football américain «Red Skins» soudainement banni du vocabulaire de plusieurs journaux, dont le Washington Post, (et remplacé par le mot R…avec trois points de suspension), au motif que certaines tribus indiennes jugeaient l’appellation raciste et insultante. (Le débat, qui avait mobilisé le Congrès, et l’administration Obama, a finalement été enterré après de longs mois, quand une enquête a révélé que l’écrasante majorité des tribus indiennes aimait finalement ce nom…). Dans ce contexte, Trump a été jugé«rafraîchissant» par ses soutiens, presque libérateur.

Le bouleversement qu’il incarne est-il, selon vous, circonstanciel et le fait de sa personnalité fantasque ou Trump cristallise-t-il un moment de basculement de l’histoire américaine ?

Pour moi, le phénomène Trump est la rencontre d’un homme hors normes et d’un mouvement de rébellion populaire profond, qui dépasse de loin sa propre personne. C’est une lame de fond, anti globalisation et anti immigration illégale, qui traverse en réalité tout l’Occident. Trump surfe sur la même vague que les politiques britanniques qui ont soutenu le Brexit, ou que Marine Le Pen en France. La différence, c’est que Trump est une version américaine du phénomène, avec tout ce que cela implique de pragmatisme et d’attachement au capitalisme.

Sa ligne politique est-elle attrape-tout ou fondée sur une véritable vision politique ?

Trump n’est pas un idéologue. Il a longtemps été démocrate avant d’être républicain et il transgresse les frontières politiques classiques des partis. Favorable à une forme de protectionnisme et une remise en cause des accords de commerce qui sont défavorables à son pays, il est à gauche sur les questions de libre échange, mais aussi sur la protection sociale des plus pauvres, qu’il veut renforcer, et sur les questions de société, sur lesquelles il affiche une vision libérale de New Yorkais, certainement pas un credo conservateur clair. De ce point de vue là, il est post reaganien. Mais Donald Trump est clairement à droite sur la question de l’immigration illégale et des frontières, et celle des impôts. Au fond, c’est à la fois un marchand et un nationaliste, qui se voit comme un pragmatique, dont le but sera de faire «des bons deals» pour son pays. Il n’est pas là pour changer le monde, contrairement à Obama. Ce qu’il veut, c’est remettre l’Amérique au premier plan, la protéger. Son instinct de politique étrangère est clairement du côté des réalistes et des prudents, car Trump juge que les Etats-Unis se sont laissé entrainer dans des aventures qui les ont affaiblis et n’ont pas réglé les crises. Il ne veut plus d’une Amérique jouant les gendarmes du monde. Mais vu sa tendance aux volte face et vu ce qu’il dit sur le rôle que devrait jouer l’Amérique pour venir à bout de la menace de l’islam radical, comme elle l’a fait avec le nazisme et le communisme, Donald Trump pourrait fort bien changer d’avis, et revenir à un credo plus interventionniste avec le temps. Ses instincts sont au repli, mais il reste largement imprévisible.

Faut il avoir peur de Donald Trump ?

La question est évidemment légitime, vu la personnalité volcanique du personnage et certaines de ses prises de position, notamment en politique étrangère. De nombreuses questions se posent sur son caractère, ses foucades, son narcissisme et sa capacité à se contrôler, si importante chez le président de la première puissance du monde! Je ne suis pas pour autant convaincue par l’image de «Hitler», fasciste et raciste, qui lui a été accolée par la presse américaine. Hitler avait écrit Mein Kampf. Donald Trump, lui, a écrit «L ‘art du deal» et avait envisagé juste après la publication de ce premier livre, de se présenter à la présidence en prenant sur son ticket la vedette de télévision afro-américaine démocrate Oprah Winfrey, un élément qui ne colle pas avec l’image d’un raciste anti femmes! Ses enfants et nombre de ses collaborateurs affirment qu’il ne discrimine pas les gens en fonction de leur sexe ou de la couleur de leur peau, mais en fonction de leurs mérites, et que c’est pour cette même raison qu’il est capable de s’en prendre aux représentants du sexe faible ou des minorités avec une grande brutalité verbale, ne voyant pas la nécessité de prendre des gants.

Les questions les plus lourdes concernant Trump, sont selon moi plutôt liées à la manière dont il réagirait, s’il ne parvenait pas à tenir ses promesses, une fois à la Maison-Blanche. Tout président américain est confronté à la complexité de l’exercice du pouvoir dans un système démocratique extrêmement contraignant. Cet homme d’affaires habitué à diriger un empire immobilier pyramidal, dont il est le seul maître à bord, tenterait-il de contourner le système pour arriver à ses fins et prouver au peuple qu’il est bien le meilleur, en agissant dans une zone grise, avec l’aide des personnages sulfureux qui l’ont accompagné dans ses affaires? Et comment se comporterait-il avec ses adversaires politiques ou les représentants de la presse, vu la brutalité et l’acharnement dont il fait preuve envers ceux qui se mettent sur sa route? Hériterait-on d’un Berlusconi ou d’un Nixon puissance 1000 ? Autre interrogation, vu la fascination qu’exerce sur lui le régime autoritaire de Vladimir Poutine: serait-il prêt à sacrifier le droit international et l’indépendance de certains alliés européens, pour trouver un accord avec le patron du Kremlin sur les sujets lui tenant à cœur, notamment en Syrie? Bref, pourrait-il accepter une forme de Yalta bis, et remettre en cause le rôle de l’Amérique dans la défense de l’ordre libéral et démocratique de l’Occident et du monde depuis 1945 ? Autant de questions cruciales auxquelles Donald Trump a pour l’instant répondu avec plus de désinvolture que de clarté.

Trump peut-il emporter l’élection ?

Donald Trump peut toujours gagner cette élection, même si les derniers jours lui ont été très défavorables. Malgré une semaine calamiteuse, les sondages restent proches et l’issue pleine d’un lourd suspense selon moi. J’utilise souvent l’image de la vague et de la digue. La vague, c’est Trump, l’homme de l’année parce qu’il est véritablement celui a défini cette élection, qu’il soit élu ou non d’ailleurs. Hillary elle, représente la digue du statu quo, défendue bec et ongles par les élites. La vague de colère sera-t-elle suffisamment puissante pour passer la digue? C’est toute la question. Comme l’a écrit l’excellente éditorialiste du Wall Street Journal Peggy Noonan, la réponse à cette interrogation dépendra de la force relative de deux sentiments : la colère éprouvée par le pays à l’endroit du système et des élites. Et la peur de l’inconnue que représente Trump. La colère aura-t-elle raison de la peur, ou vice versa?

Propos recueillis par
Vincent Trémolet de Villers
9/10/2016

Source : FIGARO VOX Vox Monde
http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2016/10/07/31002-20161007ARTFIG00332-donald-trump-et-la-colere-populaire-americaine-le-dessous-des-cartes.php

  • Mis à jour le 09/10/2016 à 21:56
  • Publié le 07/10/2016 à 20:04

Correspondance Polémia – 14/10/2016

Image : Donald Trump

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