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L’athée et l’exception de divinité républicaine

L’athée et l’exception de divinité républicaine

par | 3 avril 2017 | Politique, Société

L’athée et l’exception de divinité républicaine

Eric Delcroix, juriste, essayiste, écrivain…

♦ La XVIIe chambre du Tribunal correctionnel de Paris a, ce 31 mars, de nouveau condamné Christine Tasin, militante de la laïcité sans concession et dont le courage force l’admiration. Sanction pour un délit d’opinion que, dans le monde annoncé par Orwell où nous vivons, la novlangue ne veut surtout pas entendre nommer.

Pis, il s’agit, de nos jours souvent de délits de sentiment, tant le droit en est venu, depuis 1972 (lois Pleven, Gayssot et Perben), dans une décadence vertigineuse que dénonçait le professeur Jean Carbonnier (1908-2003), à se confondre avec la morale.


L’Etat de droit juge de nos (mauvais) sentiments

Madame Tasin a ainsi été condamnée pour avoir « provoqué à la haine » contre l’islam, en fait pour un blasphème. Pourtant, au sens littéral de son texte, la loi Pleven ne protège théoriquement que les croyants de toute religion déterminée et non les religions elles-mêmes (cf. relaxe de Michel Houellebecq en 2002).

Or, les juges de l’ « Etat de droit »* (véritable gouvernement des juges qui s’est constitué sous nos yeux au fil du dernier demi-siècle) pouvaient formellement ne pas condamner. Il leur aurait suffi de dire que le principe d’interprétation stricte de la loi pénale :

1°- ne protégeait pas en soi les religions (voy. supra) ;

2°- ne permettait pas de définir un concept aussi subjectif que la haine. Au demeurant, c’est pour cette raison qu’il a fallu au Parlement abroger le délit d’offense au chef de l’Etat (2013), car l’offense était un concept rétif à une appréhension objective et, pour cela, inopérante selon la Cour européenne des droits de l’homme qui censure nos lois depuis Strasbourg…

Il faut malheureusement constater ces dérives jurisprudentielles, car, si la haine est tout aussi rétive que l’offense à l’interprétation stricte, ce concept est essentiel à l’ordre moral antidiscriminatoire dont l’Etat de droit est le parangon. Aussi l’interprétation stricte est-elle sciemment oubliée par les juges, ceux du Tribunal correctionnel de Paris comme ceux de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est vrai qu’un juge qui écarterait l’application des lois Pleven, Gayssot ou Perben, ou s’éloignerait des turlutaines des droits de l’homme, s’exposerait à un ostracisme rédhibitoire. Plus encore qu’un juge de l’époque victorienne qui aurait justifié la pornographie.

L’Etat de droit est le vecteur de cet ordre moral dont l’idéal est le métissage de l’Europe, en symétrie avec la doctrine nationale-socialiste allemande qui le refusait.

« Ecrasons l’infâme » ou à bas l’exception de divinité !

« Résistance républicaine », le mouvement de Christine Tasin, pourrait reprendre à son compte l’expression de Voltaire, « Ecrasons l’infâme », mais de nos jours le propos ne peut guère être porté que contre un catholicisme crépusculaire…

J’ai déjà critiqué ici même (Polémia, « la République n’est plus laïque », 26/03/2015 – https://www.polemia.com/la-republique-nest-plus-laique/) l’exception de divinité, par laquelle la république soi-disant laïque interdit et réprime les libres critiques des doctrines, idéologies ou mouvances dès lors qu’elles sont théistes ; les critiques des personnes et communautés en fonction de leur « appartenance ou de [leur] non-appartenance », pour reprendre la formulation légale, à une doctrine, idéologie ou mouvance profane étant seules libres. Madame Tasin a été condamnée pour avoir dénoncé ce qu’elle qualifiait, en leitmotiv du discours incriminé, d’ « islam assassin » ; quiconque tiendrait le même discours contre le communisme en le qualifiant d’assassin n’encourrait aucune poursuite.

Entre nos juges soumis et la militante athée, il y a l’ombre de Dieu ! Même si le diable, si j’ose dire ici, se cache dans les détails comme démontré ci-dessus… A ce stade, la laïcité n’est plus qu’un grossier mensonge et les juges devraient se souvenir (théisme oblige) que le Christ qualifiait les Pharisiens hypocrites de « sépulcres blanchis » (Matthieu, XXIII, 27). Mais le peuvent-ils, eux que l’on a conditionnés non plus pour assurer la sauvegarde de l’ordre public, conformément à leur rôle historique, mais pour promouvoir le Bien, conformément au néo-catéchisme (selon le mot de Philippe Muray) enseigné à l’Ecole nationale de la magistrature ?

En rupture avec plus de deux siècles de civilisation juridique, le droit est devenu une idéologie.

Eric Delcroix
2/04/2017

(*) L’antonyme d’Etat de droit – dont les politiciens contemporains se rincent la bouche – étant l’Etat souverain.

Correspondance Polémia – 3/04/2017

Image : Portraits des deux policiers assassinés à Magnanville.
La 17e Chambre a rendu son verdict.
« Pour avoir dit « islam assassin » au lendemain de l’assassinat de deux de nos policiers à Magnanville, me voici condamnée pour incitation à la haine etc. à 1500 euros d’amende plus 2000 euros de dommages et intérêts et frais de procédure pour la LDH et autant pour la LICRA ». (Christine Tasin)

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