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L’arme du langage

L’arme du langage

par | 28 septembre 2015 | Société

L’arme du langage

Arme principale de la désinformation contre Bachar el-Assad et son régime, la chaîne qatariote Al Jazeera vient de réussir un coup de maître en imposant l’abandon du terme « migrant » au profit de celui de « réfugié » pour désigner les centaines de milliers d’hommes et de femmes — clandestins pour la plupart — qui empruntent la route des Balkans pour partir à l’assaut de l’Europe et de ses multiples avantages.

La grande manipulation

À l’origine de ce changement sémantique imposé : l’Écossais Barry Malone, directeur des informations de la chaîne créée en novembre 1996 par l’émir du Qatar. Le 20 août dernier, ce journaliste, ancien habitué des théâtres d’opérations de l’Afrique de l’Ouest, lançait sur son blog un vibrant appel intitulé « Ne les appelez plus migrants ». Il adjurait ses confrères de substituer au terme « migrant », à connotation « péjorative » et « dépréciative », celui de « réfugié ». Toujours selon lui, ce mot « n’était plus pertinent pour décrire les horreurs qui se passent en Méditerranée ». Pire, employer ce mot, « c’est refuser d’écouter la voix de ceux qui souffrent » : un message on ne peut plus racoleur mais qui a été reçu cinq sur cinq par les tenants de la bien-pensance humanitaire.

Les réseaux sociaux se sont aussitôt emballés, et plus particulièrement tous les soutiens des lobbies immigrationnistes qui ont posté en quelques jours plus de 50.000 messages de soutien sur la page Facebook de la télévision. Ils ont été également suivis par les médias anglo-saxons – les Britanniques de souche habitant certains quartiers de Londres ou de Manchester apprécieront – et tout ce que notre pays compte comme soutiens actifs du « sans-frontiérisme ». De Gérard Noiriel, historien de l’immigration, au sociologue de la gauche alternative Éric Fassin et au journaliste Nicolas Domenach, en passant par les militants associatifs du Gisti ou de la très nocive CIMADE, ils se sont engouffrés dans la brèche, condamnant de facto David Cameron qui, lui, avait parlé d’une « nuée de migrants », ou le dirigeant italien de la Ligue du Nord Matteo Salvini qui emploie régulièrement le terme de « clandestins » pour désigner tous ceux qui ont choisi l’eldorado européen.

Certains flétrissent même la « froideur lexicale » (sic) du terme « migrants », au point d’ailleurs d’avoir inspiré le texte d’une déclaration franco-britannique sur le sujet. C’est ainsi que les clandestins de Calais, qui ont pris possession de la ville et commettent les dégâts que l’on sait pour traverser la Manche, deviennent par les miracles du vocabulaire des « migrants en besoin de protection ».

La démarche sémantique de Barry Malone n’est évidemment pas neutre… et apporte de l’eau aux défenseurs de la Convention de Genève qui protège les réfugiés et que l’ami Éric Delcroix a dénoncée le 29 août sous le titre « Droit d’asile, État de droit et souveraineté » sur le site de Polémia. À propos du statut de réfugié, le directeur de Frontex soulignait récemment la nécessité absolue de vérifier l’authenticité des passeports syriens brandis par leurs détenteurs à leur arrivée en Grèce. En effet, nombre d’entre eux sont faux, mais ils permettent à des terroristes ou à des traîne-patins professionnels de bénéficier du statut privilégié de réfugié qui s’applique aux Syriens, citoyens d’un pays en guerre et qui, à ce titre, peuvent prétendre à bénéficier du fameux sésame. On le voit, l’opération de « déstockage » pratiquée par la Turquie d’Erdogan et qui consiste à se débarrasser de tous les indésirables amassés en territoire ottoman n’a pas fini de déstabiliser la vieille Europe.

Remettre les pendules à l’heure

Si l’on en croit Sylvia Zappi, journaliste au Monde, « Les mots sont importants. Particulièrement en période de crise et de doute ». Raison de plus pour vous plonger dans la lecture du Petit abécédaire d’un Français incorrect publié par Charles-Henri d’Elloy (Les Bouquins de Synthèse Nationale). Il dénonce les impostures du langage, les approximations verbales, les expressions convenues et tout ce que le « Polit’ Cor’ » impose depuis des lustres. Ses billets d’humeur sont courts, précis, bien envoyés. Avant de publier sur son blog son appel à l’abandon du mot « migrant », Barry Malone aurait été bien inspiré de lire la notule que Charles-Henri d’Elloy consacre au mot « sans-papiers » défini comme « une véritable manipulation sémantique pour désigner un étranger clandestin ». Comme un « remake » du mot migrant devenu indésirable comme par magie ! L’auteur démonte parfaitement le mécanisme consistant à « jouer sur l’émotion et la compassion ». Même souci de précision avec son entrée sur les « gens du voyage », terriblement d’actualité après les événements surréalistes de Roye et la coupable complaisance du pouvoir socialiste (Présent du 1er septembre). Rien ne résiste à la critique de notre défenseur de la langue française qui n’a pas son pareil quand il s’agit de faire un sort au réchauffement de la planète, de dire tout le mal qu’il pense des incivilités ou de l’art contemporain. Rien ne lui échappe. Bref, un livre à dévorer et à garder sous le coude en ces temps où il est parfois impossible de retrouver ses petits dans la novlangue qui, désormais, tient lieu de langage.

Françoise Monestier
Source : Présent, rubrique « À l’ombre de mon clocher »
04/09/2015

Françoise Monestier

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