Si l’on a bien compris le conseil d’État, l’Arcom doit veiller, sur tous les sujets, à une multiplicité de points de vue. En réalité, il s’agissait de dénoncer la ligne éditoriale sécuritaire et anti-immigrationiste de CNews pour l’obliger à atténuer ce qui fait son succès.
L’Arcom va avoir du travail !
Il y avait un manque, il y a eu une offre et le public a suivi. On n’imaginerait pas demander la même chose à un titre de la presse écrite, comme Libération par exemple. Une ligne éditoriale est validée par un lectorat. Mais ce qui est imposable en audiovisuel pour l’un l’est pour tous, au-delà du service public dont la ligne éditoriale idéologique est en contradiction permanente avec son cahier des charges.
L’Arcom va avoir du boulot. On constate, en effet, une instrumentalisation permanente de l’actualité sur BFMTV et LCI contre le Rassemblement national. On peut même dire que l’on crée de l’actualité pour cet unique but. Sur ces deux chaînes, tous les commentaires vont dans le même sens, de la présentation des faits éditorialisés jusqu’aux questions orientées en permanence quand on est obligé de recevoir de force un invité qui pense mal. Le journaliste n’interroge pas, il débat et tente de mettre en difficulté celui qui se retrouve dans un entretien interrogatoire inquisitoire. Cela a toujours été comme ça, mais c’est devenu insupportable. Les médias, dont les deux cités, se comportent en relais de la campagne de la macronie pour les européennes. Le but est, bien sûr, de faire baisser le score promis dans les sondages au Rassemblement national, qui serait pour le régime le chant du cygne avant une présidentielle dont son cher candidat serait absent par la force de la Constitution qu’il aime tant. La campagne aura deux axes : les droits des femmes et l’Ukraine. Le discours est simpliste. L’extrême droite est forcément misogyne et le RN préfère Poutine à la démocratie. Y a-t-il sur ces chaînes un journaliste, un expert qui pense le contraire ? Non. C’est de la propagande unilatérale permanente sans jamais la moindre diversité d’opinions. Mais que fait l’Arcom ? Sur l’avortement, personne n’a donc demandé comment concilier le renouveau démographique, priorité paraît-il de Macron, avec la célébration médiatique et quasi religieuse des femmes qui avortent. C’est leur droit, mais elles se retrouvent comme les symboles supérieurs des valeurs républicaines. L’avortement n’est plus un droit, c’est une fierté. Qu’en penserait Simone Veil ? Il faut donc, pour sauver les femmes – pas afghanes ni israéliennes, mais européennes – voter contre les méchants populistes de France et d’ailleurs. Quel bourrage de crâne !
L’Arcom, l’Ukraine et le pluralisme
Sur l’Ukraine, c’est encore pire. En fait, Poutine, c’est Hitler, et donc Marine, c’est Pétain, et Bardella Laval pour faire simple. Tout cela est expliqué sur les plateaux par des experts dont la culture historique frise le zéro. Ils se fondent sur une histoire simplifiée, réinventée et instrumentalisée. Exemple surprenant et donc parlant, on a vu Luc Ferry, ancien ministre de l’Éducation nationale, confondre les pays Baltes avec ceux des Balkans, mélangeant tout comme une sorte de Biden français. Philosophe, ministre de l’Éducation nationale et pas le pire dans ses domaines, l’un des rares qui soient mesurés sur la Russie même, on comprend mieux où on en est. Quant aux références à Munich, elles sont, bien sûr, ridicules. Ceux qui veulent la paix deviennent des pacifistes et des complices de Poutine, des traîtres avant la collaboration, fermez le ban. On a même des va-t-en-guerre ravis de voir la France opposer à la Russie sa puissance nucléaire, c’est l’équilibre du cheval et de l’alouette. Dans les médias, c’est le retour des vieilles badernes. Ceux-là mêmes qui nous avaient expliqué que la Russie allait s’effondrer, que Poutine était en phase terminale de cancer et le pays sur le point de déclencher une révolte démocratique, sans jamais se renier, expliquent maintenant pourquoi les Ukrainiens désertent et sont au bord de la rupture définitive. Qui peut encore les écouter ? Ce sont des propagandistes plus subtils que leurs homologues russes, mais propagandistes tout de même.
Faut-il rappeler, et qui le fait, que le maréchal Pétain n’a pas été porté au pouvoir par un vote populo-fasciste. Il est le fruit de la pire défaite militaire de la France. Défaite provoquée par l’impréparation de notre armée, dans un pays célébrant les congés payés sans les inscrire dans la Constitution, pour faire face à celle des nazis. Ce n’est pas Pétain le responsable de la défaite mais ceux qui ont cru qu’on pouvait faire la guerre au nom du camp du bien sans se donner les moyens de la gagner.
C’est pourquoi la manipulation médiatique de l’opinion publique pour servir Macron et sa liste aux européennes est irresponsable tant qu’elle n’est pas confrontée à des avis contraires. Mais que fait l’Arcom ?
Pierre Boisguilbert
11/03/2024
Crédit photo : Domaine public
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