L’infatigable Yves-Marie Laulan, président de l’Institut de géopolitique des populations, a organisé, le 21 mai 2015, un colloque consacré à « L’Afrique au XXIe siècle à 4,2 milliards de personnes ».
Si les prévisions pour 2100 sont incertaines, celles pour 2050 le sont beaucoup moins et elles sont tout aussi lourdes de conséquences : la population africaine passerait de 1,2 milliard d’hommes aujourd’hui à plus de 2,5 milliards. Les taux de fécondité varient de 2,5 à 3 enfants par femme (après être remontés après les révolutions arabes) en Afrique du Nord et de 5 à 7 enfants par femme dans les pays au sud du Sahel. Ces chiffres portent en eux-mêmes des conséquences considérables en termes écologiques et migratoires notamment. La question de l’éducation des femmes et du contrôle démographique a été évoquée par de nombreux intervenants. Comme celle d’un « plan Marshall. Un plan Marshall dont le succès en Europe a été dû, selon un intervenant, à « la qualité des récipiendaires ». Nous livrons ici à nos lecteurs le texte d’ouverture du colloque par Yves-Marie Laulan.
Polémia
Au commencement étaient les chiffres
Au commencement était le Verbe, nous dit la Bible. En démographie, au contraire, tout commence par des chiffres.
Voyons donc ceux que les Nations unies nous prédisent pour l’Afrique en 2100.
1°) Selon les démographes onusiens, l’Afrique en 2100 compterait 4,2 milliards d’Africains, contre 1,2 milliard aujourd’hui. Cela représenterait donc un quasi-quadruplement de la population actuelle. L’Afrique deviendrait ainsi un géant démographique aux proportions colossales.
Dès lors, l’Afrique, à elle seule, formerait presque la moitié de la population de la planète, 45% très exactement. Mais, chose remarquable, sa population serait près de neuf fois plus importante que celle de notre Europe, laquelle devrait rester autour de 500 millions d’habitants, comme aujourd’hui. Ce rapport, lui aussi, nous interpelle.
2°) Car derrière les chiffres bruts se cache leur interprétation en termes géopolitiques. C’est très exactement la vocation de l’Institut de géopolitique des populations qui entend également jouer le rôle de vigie dans le domaine géopolitique.
Une vigie, comme on le sait, c’est le marin hissé tout en haut de la hune du navire qui s’efforce de distinguer les obstacles qui peuvent se présenter sur sa route pour prévenir une catastrophe. Si le Titanic avait eu une bonne vigie, il ne se serait pas écrasé contre l’iceberg.
Que signifient donc les chiffres que nous venons de citer en termes de :
- croissance économique : l’Afrique pourra-t-elle se développer et nourrir cette énorme population supplémentaire au cours de ce siècle ? Et, si oui, à quelles conditions ? Mais pas seulement la nourrir, mais aussi la loger, la soigner, l’employer, etc., etc.
- la sécurité : si l’islam continue de se répandre en Afrique, ne faut-il pas craindre l’apparition d’un islam radical susceptible de provoquer d’épouvantables massacres sur une grande échelle, comme le fait déjà Boko Haram au Nigeria.
- les flux migratoires vers l’Europe. Si l’Afrique ne parvient pas à se nourrir convenablement, les flux migratoires vers l’Europe, dont on voit aujourd’hui les prodromes, ne vont-ils pas se gonfler démesurément ?
Or, une chose est de maîtriser plus ou moins des flux de l’ordre de dizaines de milliers par an, mais des flux de centaines de milliers, voire de centaines de millions de candidats à l’émigration, posent un défi d’une tout autre dimension. Chassés par la misère et le désespoir, ces migrants vont se présenter aux portes de l’Europe à la recherche d’une vie meilleure, les trois S caractéristiques : Sécurité physique, Sécurité sociale, Subsistances. Cet afflux ne va pas manquer de susciter des réactions de xénophobie très violentes. Comme toujours en démographie, tout est une question de chiffres, de nombres, de volumes.
Après avoir négligemment ignoré le problème pendant des années, voilà les gouvernements de l’Europe, et ses institutions, le dos au mur. Il leur faudra choisir. Or, toutes les solutions sont difficiles, voire douloureuses. La géopolitique ne se gère pas avec de bons sentiments.
Il faut donc se garder de se conforter par des propos sécurisants et regarder la réalité en face de façon à rechercher des solutions viables au mal africain, avant que ce mal ne devienne une malédiction. Il serait alors trop tard pour y remédier.
Car ne nous y trompons pas : l’Afrique et l’Europe ont un destin solidaire. Il faut aider l’Afrique à maîtriser son destin. C’est aussi le nôtre. Cela passe sans doute par un plan Marshall européen massif pour l’Afrique et aussi un programme non moins important visant à l’amélioration de la condition de la femme en Afrique. C’est la clef de l’avenir du continent.
C’est l’objectif de ce colloque qui se veut un cri d’alarme.
Yves Marie Laulan
21/05/2015