Louis Anders, auteur à « Politique magazine »
♦ Derrière l’affaire Fillon se cache la création d’un futur « parti progressiste » voulu par le président de la République et une partie des élites financières. Cette recomposition politique a besoin de l’implosion de l’UMP. Eclairage.
Comment expliquer l’acharnement judiciaire et médiatique sur un candidat à l’élection présidentielle qui, lors de son passage à Matignon, a montré une posture favorable à l’Union européenne, à l’immigration et aux créanciers de l’Etat français ? Un candidat qui, en cas de victoire, pourrait nommer comme premier ministre Henri de Castries, ancien patron du géant financier Axa et actuel président du comité de direction du lobby mondialiste Bilderberg ?
Les événements actuels semblent prendre racine dans la volonté déterminée de recomposer le paysage politique français. François Hollande en personne l’a affirmé : « Il faut un acte de liquidation. Il faut un hara-kiri. Il faut liquider le PS pour créer un Parti du Progrès » (Un Président ne devrait pas dire ça, propos tenus le 12 décembre 2015 et rapportés par Gérard Davet et Fabrice Lhomme, éd. Stock, 2016).
« Liquider le PS pour créer un Parti du Progrès » (Hollande)
Constatant la fin de course du Parti socialiste après le dernier mensonge de son candidat en 2012 (« Mon ennemi : la finance »), les scissions internes et la chute de sa popularité, face à un Front national aux portes du pouvoir, l’exécutif et ses soutiens cherchent désormais à repeindre le paysage politique.
L’Elysée pilote la montée en puissance de son ancien homme de main, Emmanuel Macron. Le battu de la primaire du PS, Manuel Valls en personne, s’en est ému dans L’Obs du 19 janvier dernier : « J’en ai marre de voir que le secrétaire général de l’Elysée aide à lever des fonds pour celui qui veut tuer notre parti [le PS] ».
Le ralliement soudain de François Bayrou au mouvement d’Emmanuel Macron (il aurait négocié environ 90 circonscriptions pour les prochaines élections législatives) et le départ de certains cadres du PS (dont le financier Jean Pisani-Ferry, en charge du programme) sonnent le début d’une recomposition des partis.
L’implosion recherchée de l’UMP
A l’heure de la montée des « populismes », les enjeux sont importants. De puissants intérêts entrent dans le jeu.
Les propriétaires de presse Pierre Bergé (Le Monde, L’Obs, Télérama, Challenges, etc.) et Patrick Drahi (BFM, RMC, L’Express, Libération) affichent un soutien sans faille à Emmanuel Macron ; les médias publics semblent tenus à une relative bienveillance ; la banque d’affaires Rothschild, principal relais des créanciers de l’Etat français, active ses réseaux.
Mais le projet n’est pas complet : il manque le ralliement des principales composantes du parti LR (ex UMP). La charge violente et continue contre son candidat actuel pour des emplois familiaux présumés fictifs aurait pour but de renverser François Fillon en faveur d’Alain Juppé, lequel est plus favorable à la « réunion de tous les progressistes » (Emmanuel Macron). François Baroin est également cité.
Le FN, cible ultime
De fait, les affaires ont fini par scinder le parti dit de droite : l’UDI, son allié de toujours, vient d’annoncer qu’il s’en détachait. Il pourrait attendre les prochaines législatives afin d’annoncer son ralliement au futur « Parti progressiste ».
Si certains, à l’UMP, se sont félicités de leur départ (« Le QG de Fillon est nettoyé des éléments perturbateurs », affirmait Charles Beigbeder), la droite européiste perd ainsi des centaines de cadres, des financements précieux et un certain nombre de voix pour les prochaines élections.
Les futurs scrutins pourraient voir un jeu à trois voire à quatre partis. Avec le Front national devenu arbitre, mais toujours cible ultime…
Source : « Politique magazine »
Correspondance Polémia – 9/03/2017
Image : François Fillon et Pénélope au Trocadero le 5 mars 2017