Comme le ressassent les médias ad nauseam, encore que très tardivement, Henri Grouès, alias l’abbé Pierre, était et resta jusqu’à l’extrême vieillesse, un vieux dégoûtant. Cela de notoriété publique, ce qui rend d’autant plus hypocrite l’indignation manifestée par ceux qui, aujourd’hui, feignent de déplorer sa concupiscence et déboulonnent à tour de bras ses statues, débaptisent les rues et les squares et même la fondation portant son nom. Cachez ce faux saint que je ne saurais voir !
Le grand malade et les vierges folles
Quelle tartuferie quand on sait qu’en 1963, à la suite d’agressions sexuelles sur des Québécoises, il fut contraint de quitter prestissimo Montréal et n’échappa à un procès que sous la condition expresse qu’il ne remettrait jamais les pieds au Canada. Et qu’en 1966, le cardinal Feltin, alors archevêque de Paris — fonction dont il profita en 1962 pour rendre facultatif, sinon déconseillé aux prêtres, le port de la soutane —, tenta de décourager l’ancien garde des Sceaux gaulliste Edmond Michelet d’offrir à l’abbé Pierre la rosette de la Légion d’honneur que celui-ci convoitait : « Laissez-moi vous assurer qu’à l’heure présente, cette distinction est fort inopportune, car l’intéressé est un grand malade, traité en Suisse dans une clinique psychiatrique et je pense qu’en raison de ces circonstances fort pénibles, il vaut mieux ne pas parler de cet abbé. Il a eu d’heureuses initiatives mais, il semble préférable, actuellement, de faire silence sur lui. »
La démarche ayant avorté, celui dont l’appel de l’hiver 1954 en faveur des pauvres avait fait une véritable idole finit commandeur et tous les Elyséeens passés, présents ou à venir encore vivants se pressèrent en 2007 à ses obsèques, quasiment nationales.
Il est vrai que s’il cédait trop souvent à la tentation, le saint homme avait des excuses. « Il était environné littéralement de grappes de gens qui voulaient lui arracher les boutons de sa saharienne ou un poil de barbe pour le garder comme souvenir. Et il y avait énormément de femmes », a raconté le nonagénaire Pierre Lunel, écrivain et ami de vingt ans de l’abbé, à France Info. « Des mains innombrables le touchent comme s’il s’agissait d’un totem aux pouvoirs magiques (…). D’autres vierges folles tombent en extase devant lui (…). Il éprouve de plus en plus de peine à résister (…) aux tentations », avaient déjà rapporté de leur côté Gérard Marin et Roland Bonnet dans La Grande Aventure d’Emmaüs (éd. Grasset, 1969).
Portées par la vague #MeToo, certaines de ces vierges folles sont-elles devenues les dénonciatrices d’aujourd’hui ?
Pas de charité pour les réprouvés !
Si la légende dorée en a pris un sacré coup, il est pourtant un reproche épargné à l’abbé Pierre qui, dans un épisode de sa vie au moins, pécha gravement contre la charité chrétienne. Alors député MRP, il s’opposa formellement au rapatriement des soldats du Bataillon d’Infanterie Légère d’Outre-Mer (BILOM) tombés en Indochine.
Une unité créée en 1948 et composée de « maudits », anciens miliciens, doriotistes, LVF et parfois Waffen-SS condamnés et emprisonnés, auxquels l’on proposait la liberté à condition de signer pour deux séjours consécutifs en Indo. Inutile de préciser qu’ils furent engagés contre les Viêts dans les opérations les plus foireuses, où ils tombèrent comme des mouches, ainsi que l’a rappelé en 1990 l’historien militaire Raymond Muelle dans son livre Le Bataillon des réprouvés (Presses de la Cité). Réprouvés car ils servirent de chair à canon sans espoir d’une promotion ni même l’honneur de porter un insigne régimentaire.
Ce qui n’empêcha pas le PC dit français de lancer à leur encontre une campagne virulente à laquelle se joignit avec enthousiasme le prêtre-député (de 1945 à 1951) Grouès.
Le voici à son tour voué aux gémonies et jeté aux chiennes de garde. Juste retour des choses. Le drame est que l’exploitation actuelle de ses vices est une machine de guerre contre le catholicisme. Et une divine surprise pour cette courroie de transmission du Parti communiste qu’est le Secours populaire, qui espère ainsi voir se tourner vers lui les 250 000 cotisants de la Fondation Abbé Pierre et d’Emmaüs.
Camille Galic
13/09/2024
Crédit image : Domaine public
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